Projets
Résultats des projets menés par le CTIFL et ses équipes

Protection des cultures d'aubergine contre les pucerons à l'aide de plantes de service

Dates du projet
De : Janvier 2018
À : Décembre 2021
Porteur interne du projet
Thématique
Espèces

Description du projet

En cultures d’aubergine sous abri froid, les pucerons constituent un problème récurrent dans la mesure où l’évolution rapide de leurs populations peut gêner la croissance des plants et souiller les fruits qui deviennent alors invendables. Le retrait récent des produits phytosanitaires à base de néonicotinoïdes, qui constituaient la base de la protection des cultures maraîchères contre les pucerons jusqu'en 2018, poussent les producteurs d'aubergine à mettre au point de nouvelles stratégies de protection reposant sur la valorisation des processus de régulation naturelle. C'est dans cette optique que le CTIFL a élaboré et coordonné le projet REGULEG (2018-2020) soutenu par l'Office Français de la Biodiversité dans le cadre du plan national Ecophyto. L'objectif de ce projet était d’évaluer, à l’aune d’un témoin non protégé, l’effet de plantes-ressources (achillée millefeuille, tanaisie, souci, sarrasin, alysse…) et de plantes-banque (blé, asclépiade, tanaisie, ortie, achillée millefeuille) sur la régulation naturelle des populations de pucerons dans une culture d’aubergine sous abri froid. Dans la stratégie mise au point, les plantes-ressources avaient pour fonction d’attirer précocement les ennemis naturels des pucerons présents dans l’environnement proche des cultures (coccinelles, punaises, cécidomyies, micro-hyménoptères…) en leur fournissant des ressources énergétiques (pollen et nectar) nécessaire à la production de leurs œufs. Les plantes-banque avaient pour fonction de fournir des espèces de pucerons inoffensives pour l’aubergine, servant de proies/hôtes de substitution aux ennemis naturels du puceron, en attendant que les aubergines soient colonisées par d’autres espèces de puceron.

Résultats

Les travaux menés dans le projet REGULEG ont permis de mettre au point une stratégie de lutte biologique par conservation capable de protéger efficacement les cultures d’aubergine contre les pucerons. Désormais, une sélection de plantes-ressources et de plantes-banque pertinentes peut être proposée aux producteurs. Dans le projet, les populations de pucerons ont ainsi été régulées efficacement pendant la période d’infestation primaire dans 33% des parcelles « aménagées » et 17% des parcelles « témoins ». Pendant la période d’infestation secondaire, les populations de pucerons ont été régulées efficacement dans 50% des parcelles « aménagées » et 83% des parcelles « témoins ». Le taux de réussite bien plus élevé pour ce qui concerne la période d’infestation secondaire s’explique par le fait que, en ayant déjà été infestées une première fois et en ayant par conséquent déjà attiré vers elles de nombreux ennemis naturels de pucerons à cette occasion, les aubergines jouent un rôle de plantes-banque pour elles-mêmes. Le taux de réussite relativement faible pour ce qui concerne la période d’infestation primaire s’explique par le fait que les plantes-banque sont absentes dans les tunnels « témoins » d’une part, et que celles-ci ne sont pas toujours « opérantes » dans les tunnels « aménagés » d’autre part. Pour qu’une plante-banque soit « opérante », il faut que les pucerons s’y installent bien avant que les pucerons s’attaquant aux cultures légumières n’arrivent sur les aubergines (un à deux mois) et que le niveau d’infestation des plantes-banque par les pucerons soit relativement élevé (pourcentage de plantes-banque fortement infestées par les pucerons > 50%). Si le caractère « opérant » / « inopérant » des plante-banque semble jouer un rôle prépondérant dans le succès ou l’échec d’une stratégie de lutte biologique par conservation, il n’en constitue pas néanmoins le seul facteur de réussite, et il est possible que la teneur en nitrates dans le feuillage des plantes ait également un effet sur le niveau d’infestation des cultures par les pucerons en influençant directement la croissance des populations de pucerons d’une part et en modifiant la réponse fonctionnelle des prédateurs de pucerons d’autre part. La réussite d’une stratégie de lutte biologique par conservation serait ainsi la résultante (i) de la dynamique de colonisation des plantes-banque par les pucerons servant de proie de substitution, (ii) de la structure des communautés de prédateurs de pucerons présentes dans le système de culture, et (iii) du statut azoté de la plante cultivée.