Gestion des bioagresseurs aériens
Des plantes de service pour protéger les cultures de poireau contre les thrips
Parmi les effets potentiels des plantes de services, il y en a un, relativement méconnu, qui concerne la protection contre les ravageurs aériens des cultures. Les différents travaux menés par S. Picault (CTIFL) dans le cadre du projet national AGATH, concernent la recherche de stratégies de protection contre le Thrips tabaci en culture de poireau, celles-ci étant basées sur le principe suivant : perturber le processus de reconnaissance de la plante cultivée par le ravageur en masquant l'odeur de celle-ci avec l'odeur d'une plante de service exerçant un effet répulsif ou inhibiteur sur le ravageur. Ces travaux ont notamment permis de mettre en évidence l'effet répulsif (coriandre) ou attractif (ciboulette, poireau) de certaines plantes vis-à-vis du thrips. L'utilisation de plantes répulsives en périphérie de parcelle réduisant la densité de population de ravageurs, sans en réduire la sévérité dégâts à la récolte, alors que l'association de plantes répulsives et du poireau au sein même de la parcelle est très efficace pour réduire les dégâts ; mais a également un effet délétère sur la précocité de la culture. Ces travaux ont conduit à complexifier le système et à envisager des aménagements de parcelles intégrant des plantes-ressources (qui vont attirer les ravageurs des cultures) en périphérie, et des plantes-banques (qui vont attirer les auxiliaires) dans la parcelle. Ce dispositif complexe permet une action réelle des auxiliaires, mais s'avère en général insuffisant pour réduire significativement les dégâts de thrips. Enfin, d'autres dispositifs associant plantes-écrans (plantes qui empêchent les ravageurs de pénétrer dans la culture, placées en périphérie de parcelle) et plantes-pièges (plantes qui attirent le ravageur, entre la culture et les plantes-écrans) ont également été évalués, sans effet significatif sur la réduction des dégâts. L'ensemble de ces résultats conduisent aujourd'hui à développer des travaux visant à : i) identifier des plantes-ressources attractives pour les prédateurs de thrips mais pas pour Thrips tabaci ; ii) rechercher des plantes-pièges pour T. Tabaci ; et iii) trouver des plantes exerçant un réel effet répulsif vis-à-vis de T. Tabaci. L'étude de ces divers leviers devrait conduire à l'élaboration de stratégies dites de push-pull reposant sur l'utilisation de plantes-ressources ne favorisant pas T. tabaci, de plantes-banque, de plantes répulsives et de plantes-pièges.
Effet de plantes de service sur le puceron Myzus persicae via l'émission de composés volatils
La régulation des bioagresseurs, via les plantes de service, peut être due à l'émission de composés organiques volatils (COVs). Ces composés peuvent, en effet, jouer le rôle de véritables signaux dans l'attraction des ennemis naturels, l'altération des performances des ravageurs, l'attraction ou encore la répulsion des ravageurs dans le cas des plantes répulsives. Des travaux conduits par Hélène Gautier et Laurent Gomez (INRA) sur le puceron Myzus persicae ont permis de mettre en évidence l'effet délétère de certaines espèces végétales et COVs émis par ces espèces, sur différents traits d'histoire de vie du ravageur puceron Myzus persicae, à savoir la fécondité, et la répulsion. Certaines espèces de plantes peuvent agir directement et efficacement sur le comportement du puceron ; c'est le cas du romarin et du basilic. La tagète, quant à elle, ne s'avère répulsive qu'en présence de la plante hôte à savoir le poivron dans cette étude. Cependant, l'efficacité de ces plantes de service est limitée (en conditions semi-contrôlées telles que dans un tunnel et dans un périmètre restreint). Plusieurs leviers potentiels restent donc à actionner afin d'optimiser la production de COVs pour améliorer la technique et envisager une utilisation à plus grande échelle : variabilité génétique, stade phénologique, conduite de culture.