Réduire l'impact environnemental : un défi ambitieux en pêche-nectarine

Bilan du projet DEPHY EXPE EcoPêche 2 (2019-2023)

Réduire l'impact environnemental : un défi ambitieux en pêche-nectarine
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L'évaluation des performances multicritères des vergers de pêche-nectarine économes en produits phytopharmaceutiques, conçus et plantés dans le cadre du projet DEPHY EXPE EcoPêche 1 (2013-2018) se poursuit avec le projet EcoPêche 2. Il explore la faisabilité de nouveaux systèmes agroécologiques et technologiques très ambitieux.

Publié le 01/12/2023

Temps de lecture estimé : 15 minutes

Des enjeux d'actualités.

Le projet DEPHY EXPE EcoPêche 2 a pour objectif de répondre aux enjeux majeurs auxquels sont confrontés les producteurs de pêche-nectarine, à savoir répondre aux attentes sociétales fortes et parfois paradoxales des citoyens et des consommateurs telles que la prise en compte de l'environnement et la production de fruits de bonne qualité sanitaire et gustative, sans défaut et à un coût acceptable. De plus les professionnels se doivent de répondre au mieux à ces attentes en faisant face aux contraintes de production. Il n'existe aucune variété de pêcher tolérante aux maladies et aux ravageurs et le nombre de matières actives disponibles diminue, alors que les producteurs doivent maintenir un résultat économique sur un marché très compétitif notamment avec une forte concurrence espagnole.

Un projet multipartenarial

Le projet EcoPêche 2 (2019-2023) a été mis en place dans le cadre du plan DEPHY EXPE « Écophyto II+ ». Ce plan matérialise les engagements pris par le Gouvernement afin de réduire les usages des produits phytopharmaceutiques de 50 % d'ici 2025 et de trouver des solutions techniques pour s'affranchir du glyphosate pour l'ensemble de ces usages. Le projet EcoPêche 2 évalue les performances multicritères de vergers de pêche-nectarine innovants et très économes en produits phytopharmaceutiques. Il explore la faisabilité de systèmes agroécologiques et technologiques très ambitieux. Les partenaires du projet sont le centre CTIFL de Balandran à Bellegarde (30), également porteur du projet, la SEFRA à Étoile-sur-Rhône (26), la SICA CENTREX à Torreilles (66), la station SUDEXPE à Saint-Gilles (30), l'INRAe PSH Avignon à Avignon (84) et l'INRAe Gotheron de Saint-Marcel-lès-Valence (26). Ces partenaires évaluent, sur des vergers conçus et plantés dans le cadre de ce projet, différentes combinaisons de leviers et les comparent à un système de référence.

Conception de systèmes très économes en produits phytopharmaceutiques et performants économiquement

Les objectifs du projet sont de concevoir et d'évaluer des systèmes de conduite très économes en produits phytopharmaceutiques de synthèse afin de ne les utiliser qu'en dernier recours, tout en maintenant la qualité de la production – qualité sanitaire, organoleptique et présentation des fruits. Cela se traduit par des objectifs opérationnels. Les systèmes de production mis en place doivent permettre de réduire les indices de fréquence de traitement (IFT) de 70 à 80 % environ par rapport au mode de production de référence conduit en protection fruitière intégrée PFI. Ils ne doivent utiliser les produits phytopharmaceutiques hors biocontrôle qu'en dernier recours, selon l'objectif formalisé à l'échelle du projet et limitatif à quatre IFT « hors biocontrôle ». Le projet a également pour ambition de produire des fruits avec zéro résidu de pesticides et d'exclure tout traitement herbicide. Les systèmes de culture doivent également permettre de produire des fruits de haute qualité sanitaire et organoleptique et de maintenir des résultats économiques assurant la durabilité des exploitations. Les stratégies utilisées reposent sur des leviers variés, agissant selon différents modes d'action : la reconception, l'efficience et la substitution.

La reconception du système a pour but de modifier en profondeur la logique de gestion de la protection des cultures en agissant préventivement pour rendre le système moins favorable et moins sensible aux attaques des bioagresseurs. Il s'agit de favoriser les processus écologiques et les capacités de régulation naturelle des agroécosystèmes en privilégiant les défenses naturelles de la plante et l'action des auxiliaires par le contrôle génétique, l'architecture de l'arbre, les associations de plantes, etc. et en combinant des techniques à effet partiel. Très souvent, les possibilités de reconception ne sont envisagées qu'à la plantation du verger. Pour l'essai conduit sur le centre CTIFL de Balandran, les choix de reconception du verger ont porté sur la forme de conduite des arbres, la densité de plantation et sur la mise en place d'une couverture anti-pluie, d'un système d'irrigation et d'une bâche tissée au sol pour lutter contre les adventices.

L'augmentation de l'efficience permet de réduire l'usage et la consommation de produits phytopharmaceutiques en raisonnant au mieux les interventions de traitement, c'est-à-dire les périodes et les modes d'application, grâce à l'utilisation d'outils d'aide à la décision tels que les modèles de prévision des risques, s'ils existent, les observations des bioagresseurs et l'optimisation des méthodes d'application des produits : choix et entretien du pulvérisateur et des buses, adaptation du volume de bouillie et de la dose de substance active au volume de la végétation à traiter, optimisation de l'efficacité des traitements (conditions d'applications, adjuvants...). Dans le cadre du projet EcoPêche 2, la décision de traitement est prise en fonction de l'observation régulière de l'état phytosanitaire du verger. Par ailleurs, l'utilisation d'un pulvérisateur à flux tangentiel permet de réduire très fortement le volume de bouillie appliqué.

La substitution permet de remplacer les intrants chimiques par des pratiques alternatives : lutte biologique, lutte physique, etc. Ces méthodes peuvent être plus complexes à mettre en oeuvre et n'assurent pas toujours un niveau de protection comparable à la lutte chimique, en particulier quand la pression du bioagresseur est élevée. Dans ce cas, il est nécessaire de combiner plusieurs techniques, c'est-à-dire des techniques à effet partiel, qui sont associées à une lutte chimique complémentaire. Dans le cadre du projet, des traitements à base d'huile minérale, d'argile et de soufre sont réalisés pour lutter contre les maladies et ravageurs. Sont également utilisées la confusion sexuelle (tordeuses orientales du pêcher et Anarsia) et la pose de glu sur les troncs d'arbre (forficules).

Une approche multicritère des performances

Les systèmes de conduite sont évalués sur leurs performances environnementales avec l'indice de fréquence de traitement (IFT) et les analyses de résidus, sur leurs performances agronomiques avec le rendement, le calibre, le taux de déchets, etc. et sur leurs performances technico-économiques avec les coûts de production, les chiffres d'affaires, les marges économiques, etc. Ces performances sont ensuite comparées aux résultats obtenus sur les parcelles de référence. Il s'agit également d'identifier les avantages et les limites des leviers utilisés en conditions réelles de production et de proposer aux professionnels des solutions techniques transposables au sein de leurs exploitations. La résilience des systèmes de conduite sur plusieurs campagnes de production constitue un critère important de l'évaluation. Celle-ci est évaluée par l'aptitude des arbres à tolérer, sur la vie du verger, les « agressions » provoquées par les maladies et les ravageurs et donc la qualité du bois et la productivité. Cela se matérialise par la capacité du verger à produire des fruits de manière régulière et de dégager une marge économique.

Bilan 2019-2023 pour la variété PAJALADEcov

Cet article présente uniquement les résultats de l'essai mis en place sur le centre CTIFL de Balandran pour la variété de pêche à chair jaune PAJALADEcov plantée en 2019. La modalité ECO+ est comparée à une modalité de référence REF. Le dispositif expérimental – conditions pédoclimatiques, description des modalités, observations réalisées – est détaillé dans l'encadré intitulé Le dispositif.

Performances environnementales : IFT et résidus de pesticides

Indices de fréquences de traitement

Les indices de fréquences de traitement totaux de la modalité de référence REF se situent autour de 19,1. Les trois-quarts environ sont issus de traitements à base de produits phytopharmaceutiques de synthèse, ce qui correspond à la moyenne nationale qui se situe à 18,4 avec l'IFT de biocontrôle qui s'élève à 2,1 et l'IFT hors biocontrôle à 16,3 (source Agreste, 2018). Pour la modalité ECO+, une forte réduction du nombre de traitements est réalisée, principalement sur les traitements à base de produits phytopharmaceutiques de synthèse. Les IFT totaux sont diminués de 63 ± 7 % en moyenne entre 2019 et 2023 par rapport à la modalité de référence REF, avec une réduction plus marquée de 79 ± 17 %, en ne tenant compte que des IFT des produits phytopharmaceutiques de synthèse (Figure 1).

Figure 1 : Indice de fréquence de traitement par catégorie (IFT biocontrôle ou PPP de synthèse), par modalité et campagne de production

En se focalisant sur les IFT des produits phytopharmaceutiques de synthèse (Figure 2), la bâche tissée au sol a bien permis de s'affranchir totalement du désherbage chimique. À noter que des interventions d'entretiens manuelles ou mécaniques ont toutefois été nécessaires en cours de saison. Par ailleurs, sur les campagnes 2020 à 2023, la réduction de l'utilisation des insecticides a été plus importante (–88 ± 15 %) que celle des fongicides (–75 ± 20 %) par rapport à la référence REF. Cela met en avant le fait qu'il est plus difficile, en culture de pêcher, de s'affranchir des traitements fongicides.

Figure 2 : IFT des PPP de synthèses par cible (adventices, maladies fongiques et insectes ravageurs), par campagne et par modalité

Résidus de pesticides

Le nombre de matières actives identifiées dans les fruits échantillonnés lors du premier passage de récolte en incluant le cuivre est très inférieur dans la modalité ECO+ : –67 % en 2021, –50 % en 2022 et –80 % en 2023. L'étude des matières actives détectées et des doses mesurées fournit plusieurs enseignements : les quantités détectées, que ce soit pour les modalités ECO+ ou REF, sont toujours très inférieures aux limites maximales de résidus autorisées, entre 0,5 % et 23,7 % de la limite maximale de résidus (Figure 3). Les matières actives détectées sont toutes issues de spécialités commerciales ayant pour objectif de maîtriser les maladies fongiques telles que la cloque ou les monilioses sur fruits (Figure 4).

Figure 3 : Matières actives détectées par modalité et par campagne de production

Figure 4 : Produits commerciaux et cibles associés aux matières actives détectées

Synthèse des performances environnementales

  • L'objectif de se passer d'herbicides chimiques est atteint techniquement mais les charges économiques sont supérieures à cause du désherbage manuel.
  • L'objectif d'utiliser des produits phytopharmaceutiques de synthèse en dernier recours (IFT hors biocontrôle < 4) est partiellement atteint (IFT légèrement supérieur à 4 en 2020 et 2022).
  • L'objectif de réduction des IFT hors biocontrôle de 70-80 % est atteint.
  • L'obtention de fruits avec zéro résidu de pesticides n'est pas atteinte. Néanmoins la modalité ECO+ présente une moindre détection de matières actives. Les matières actives détectées sont exclusivement issues de traitements ciblant les maladies fongiques.

Performances agronomiques : rendements, calibres et déchets

Rendements

Sur les trois dernières campagnes, les rendements bruts de la modalité ECO+ sont très inférieurs à la modalité de référence REF : –52 % en 2021, –56 % en 2022 et –74 % en 2023. Cette différence est plus accentuée pour le rendement commercialisable : –53 % en 2021, –60 % en 2022 et –78 % en 2023. Cela s'explique par des arbres moins vigoureux : les arbres sont soumis à une pression en maladies et ravageurs plus forte ce qui entraîne un potentiel de production inférieur et un taux de déchets plus élevé sur la modalité ECO+ sur laquelle les traitements phytopharmaceutiques sont très allégés. Toutefois, l'entrée en production est un peu plus rapide pour la modalité ECO+, ce qui s'explique par la densité de plantation plus importante (Figure 5).

Figure 5 : Rendement commercialisable et déchets (exprimés en t/ha), par modalité et campagne de production

Calibres

La répartition par classe de calibres est proche pour les deux modalités avec un pourcentage de fruits de calibre A et + toujours supérieur à 90 % (Figure 6).

Figure 6 : Répartition par classe de calibre (exprimé en %), par modalité et campagne de production

La répartition de la production selon le type de qualité – catégorie 1, catégorie 2 ou déchets – est variable en fonction des années. Le taux de déchets est plus élevé (14,2 ± 4,6 %) sur la modalité ECO+ par rapport à la modalité de référence REF (5,8 ± 2,3 %) sur les campagnes 2020 à 2023. En moyenne, le taux de déchets est deux fois plus important pour la modalité ECO+. Cette différence est la conséquence d'une protection phytopharmaceutique allégée, moins systématique en préventif et réalisée avec des produits de biocontrôle ayant une efficacité partielle, mais aussi l'acceptation d'un taux de perte plus élevé avant toute intervention sur les arbres

Le taux de fruits de second choix est également supérieur sur la modalité ECO+ par rapport à la modalité de référence REF. Cependant, cette différence est assez peu marquée sur les campagnes 2020 à 2023 avec 10,5 ± 6,2 % pour ECO+ contre 8,5 ± 6,9 % pour REF, la variété PAJALADEcov est peu sujette aux défauts d'épiderme. Par ailleurs, en 2022, le taux de second choix est particulièrement élevé sur la modalité de référence REF du fait d'un épisode important de pluie à l'approche de la récolte (Figure 7).

Figure 7 : Taux de fruits de catégorie 1, catégorie 2 et déchet (exprimé en %) par campagne et par modalité

Différentes causes expliquent le déclassement des fruits en catégorie 2 ou en déchets selon les modalités. Dans certains cas, les facteurs responsables tels qu'une protection phytosanitaire allégée ou l'effet de la bâche anti-pluie, sont difficiles à identifier. Certaines années, pour la modalité ECO+, une plus forte proportion de fruits est touchée par la fumagine provoquée par les pucerons farineux comme en 2023 avec 20,3 % sur ECO+ contre 0 % sur REF. Dans ce cas, il est délicat de conclure sur l'impact de l'un ou de l'autre des leviers mis en place.

Pour d'autres types de défauts causés par des facteurs physiques, la protection du verger contre le vent et la pluie à travers l'utilisation dans la modalité ECO+ d'une bâche et d'un filet a vraisemblablement réduit les défauts d'épiderme comme le frottement de l'épiderme (–56 % en moyenne) ou les marques dues à la pluie (–85 % de fruits marqués). La bâche anti-pluie a eu très probablement un effet favorisant le développement du Xanthomonas car le taux de fruits touchés est multiplié par six environ pour la modalité ECO+ alors que le programme de traitement est similaire sur les deux modalités pour cette maladie.

Qualité gustative

Les taux de sucres sont proches pour les deux modalités : en 2021, ECO+ a un taux de sucres de 10,5 °Brix contre 9,4 °Brix pour REF ; en 2022 avec 10,0 °Brix pour ECO+ contre 11,4 °Brix pour REF ; et en 2023 avec 9,5 °Brix pour ECO+ contre 10,5 °Brix pour REF. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer le moindre taux de sucre sur ECO+ en 2022 et 2023 : effet de la bâche anti-pluie sur l'exposition des fruits au soleil, fonctionnement dégradé des arbres par les maladies et les ravageurs qui altèrent le fonctionnement de la photosynthèse, déclenchement anticipé de récolte afin de réduire les pertes dues aux chutes de fruit au détriment de l'atteinte d'une pleine maturité.

Synthèse des performances agronomiques

  • Sur les campagnes 2021 à 2023, le niveau de production est nettement plus faible et hétérogène pour la modalité ECO+ : –60 ± 12% pour le rendement brut et –64 ± 13% pour le rendement commercialisable.
  • La répartition par calibre est très proche.
  • Le taux de déchets est plus élevé sur ECO+ (14,2 ± 4,6%) par rapport à la modalité de référence REF (5,8 ± 2,3 %)
  • Le taux de fruits de catégorie 2 est proche pour les deux modalités.
  • La bâche anti-pluie réduit les défauts d'épiderme dus à la pluie (–85 % de fruits marqués) et les marques de frottement et boisage de l'épiderme (–56 % en moyenne).
  • Les taux de sucre sont légèrement supérieurs sur la modalité de référence sur les deux dernières campagnes (–11,5 %)

Performances technico-économiques

L'investissement nécessaire est très important pour la modalité ECO+ et s'élève à 125 000 euros par hectare environ en incluant les coûts de main-d'oeuvre pour la mise en place du verger par rapport au système de référence et ses 12 300 euros par hectare, soit un investissement près de 10 fois supérieur. Ce surcoût résulte des choix techniques réalisés à la plantation : une densité de plantation plus importante, la mise en place de la bâche tissée sur le rang pour s'affranchir du désherbage chimique et mécanique et la mise en place de la protection anti-grêle et anti-pluie du verger comprenant la structure de soutien, les bâches anti-pluies, les filets anti-grêle et le temps de travail nécessaire à leur mise en place.

Les coûts de production avec la protection phytopharmaceutique, la fertilisation et l'irrigation sont très proches. Le coût de la protection phytopharmaceutique est légèrement inférieur pour la modalité ECO+ du fait de la réduction du nombre d'interventions. Les temps de travaux sont également assez proches malgré des temps de récolte par hectare moins élevés sur la modalité ECO+, en lien avec une production plus faible. Des économies de temps sont identifiées par des temps de récolte moins élevés et la taille en vert réalisée à l'aide d'une barre de coupe mais nécessitant néanmoins un complément manuel pour la partie intérieure des arbres. Cependant d'autres interventions sur la modalité ECO+ sont très consommatrices en main-d'oeuvre : les interventions de prophylaxie pouvant être très chronophages (élimination des foyers de cloque) et la manipulation des bâches anti-pluie (déploiement, repliement). Ainsi les coûts de production par hectare sont proches pour les deux modalités.

Le bilan économique de la modalité ECO+ est donc très déficitaire en comparaison du mode de conduite de référence, que les coûts d'amortissement de l'installation du verger soient pris en compte ou non. Cela est principalement dû au rendement commercialisable qui est globalement inférieur et plus irrégulier. Ainsi, le coût de production par kilogramme est, au final, plus élevé pour la modalité ECO+, en étant multiplié par deux à quatre selon les années. En l'absence d'une meilleure valorisation économique des fruits produits selon la modalité ECO+, ce mode de conduite est pénalisé. Il est bénéficiaire uniquement une année sur trois en ce qui concerne la marge partielle avec amortissement (amortissement calculé sur une durée de vie de verger de 10 ans) contre trois années sur trois pour la modalité de référence en tenant compte des campagnes de pleine production : 2021, 2022 et 2023 (Figure 8 et 9).

Figure 8  : Données technico-économiques par modalité et par année

Figure 9 : Marge partielle par modalité (avec coûts d'amortissement)

Synthèse des performances technico-économiques

  • Les coûts de production par hectare sont proches pour les deux modalités.
  • Le coût de production par kilogramme est plus élevé pour la modalité ECO+ en raison de rendements bas et irréguliers.
  • L'investissement est très lourd pour la modalité ECO+ : 10 fois supérieur au système de référence.
  • Il n'y a pas de valorisation au niveau du prix de vente de fruits issus de la modalité ECO+ en contrepartie des efforts consentis dans la gestion du verger.
  • La modalité ECO+ est, au final, très déficitaire à l'issue des cinq années du projet.

Un bilan contrasté mais riche d'enseignements

Le graphique de la figure 10 synthétise les différents critères de performance de la modalité ECO+ par rapport à la modalité de référence, exprimée en pourcentage de différence. Il intègre, selon une échelle commune différents critères de performance et d'efficience de la modalité ECO+.

Figure 10 : Comparaison des performances du système ECO+ par rapport au système de référence REF

Cet essai, aux objectifs très ambitieux en termes de réduction des pesticides ou essai « crash test » permet de formuler les constats listés ci-après.

Une réduction très forte de l'usage des produits phytopharmaceutiques n'a pas pu être compensée de manière efficace par la mise en place de leviers alternatifs dont l'efficacité est partielle et moindre que le mode de protection phytosanitaire classique.

Ce type d'essai avec une forte prise de risque a cependant toute sa place pour acquérir des connaissances sur le comportement des agroécosystèmes et pour identifier le niveau du curseur environnemental envisageable à moyens et à longs termes en culture de fruits à noyaux.

Il paraît néanmoins indispensable d'accompagner ce type de dispositif d'essais factoriels afin de mieux comprendre et maîtriser les différents leviers.

Pour conclure

Le CTIFL a pour ambition de poursuivre les travaux commencés portant sur la réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques de synthèse en explorant différents leviers : produits alternatifs, biodiversité fonctionnelle et matériel végétal. Concrètement, le montage d'un projet dans le cadre du plan DEPHY EcoPhyto 3 permettra de consolider les enseignements acquis au cours des projets DEPHY EXPE EcoPêche 1 et 2. Il permettra d'explorer de nouvelles pistes dans l'objectif d'acquérir des références consolidées, de transférer aux professionnels des solutions techniques opérationnelles et optimisées et de rechercher des solutions alternatives innovantes afin de répondre aux enjeux des prochaines décennies que sont la protection de la biodiversité et de l'environnement et l'adaptation au changement climatique.


Financement de l'action

Action du plan Ecophyto piloté par les ministères en charge de l'agriculture, de l'écologie, de la santé et de la recherche, avec l'appui financier de l'Office français de la Biodiversité.

Dispositif, systèmes de conduite comparés et alimentation hydrominérale

L'essai est mené sur le centre CTIFL de Balandran, situé à Bellegarde (Gard), dans le Sud-Est de la France, près de Nîmes. Le site est localisé dans une zone appelée « Costières de Nîmes ». Le climat est de type méditerranéen. Le sol est de type fersiallitique lessivé appelé « gress à gapan ». Il s'agit d'alluvions (graviers) du Rhône en partie recouvertes de loess décalcifié d'origine. La classe texturale de l'horizon de surface est de texture fine limono-argilo-sableuse (LAS selon GEPPA, 1963), avec 10 à 60 % de galets.

L'essai est réalisé avec la variété de pêche à chair jaune PAJALADEcov, greffé sur le porte-greffe Montclar® Chanturgecov, planté en 2019 (maturité début août). Les deux systèmes comparés sont conduits en agriculture conventionnelle. Ils sont évalués depuis leur plantation.

La modalité de référence (REF) est menée en double Y (Figure A1, A2) et plantée à une densité de 476 arbres par hectare avec un espacement des arbres de 6 m × 3,5 m. L'irrigation est apportée par des micro-asperseurs sous la frondaison. La protection phytosanitaire est réalisée suivant les recommandations régionales de production fruitière intégrée. L'entretien sur le rang est géré par désherbage chimique.


La modalité ECO+ est conçue en associant des pratiques techniques connues et d'autres plus prospectives afin d'atteindre les objectifs environnementaux. Elle est conduite en Y oblique, avec une densité élevée de 1 058 arbres par hectare soit un espacement des arbres de 4,5 m × 2,1 m. Le contrôle des adventices est assuré par une bâche tissée posée au sol sur le rang. L'irrigation consiste en un système de goutte-à-goutte installé sous la bâche tissée. La stratégie de protection phytosanitaire est adaptée afin de maximiser le recours aux produits de biocontrôle et de privilégier les méthodes alternatives. D'autres techniques sont intégrées comme le traitement post-récolte des fruits par thermothérapie et l'utilisation d'un « pulvérisateur » à flux tangentiel pour réduire le volume de bouillie pulvérisée et ainsi limiter la dérive. Une protection du verger à l'aide de bâche anti-pluie, déployée du stade petits fruits à la fin de la récolte, doit permettre de limiter l'humidité du verger et donc de réduire l'apparition de conditions favorables aux monilioses

Pour les deux modalités, les quantités d'irrigation sont calculées à partir du bilan hydrique. Elles sont ajustées à l'aide de sondes tensiométriques. La fertilisation est calculée selon les recommandations régionales et ajustée au volume des arbres, à leur âge, à leur vigueur et à la charge. La fertilisation est réalisée par épandage sur le sol et fertirrigation.

Évaluation multicritère, une approche globale des performances et analyse des données

Les performances agronomiques sont évaluées en calculant le rendement commercialisé, le taux de pertes et la répartition des fruits par calibre.

Les performances technico-économiques sont estimées à partir des coûts d'investissement, du temps et des coûts de main-d'oeuvre, des coûts des intrants (protection phytosanitaire, fertilisation et irrigation) et de la marge partielle calculée comme le chiffre d'affaires à savoir coût de la main-d'oeuvre et coûts des intrants hors coûts d'infrastructure. Le coût de la main-d'oeuvre est calculé à partir d'un SMIC horaire de 12,08 €/h pour les interventions manuelles et 18 €/h pour les interventions mécanisées. Le chiffre d'affaires (bord verger) est calculé en se basant sur le prix de vente des pêches enregistré par le service RNM, sur le marché MIN de Cavaillon (84), pour la deuxième quinzaine d'août. Le calcul du chiffre d'affaires tient compte du rendement, de la répartition par calibre et par catégorie de fruits pour les deux modalités.

Les performances environnementales sont évaluées à partir de l'IFT phytosanitaire. L'IFT est un indicateur utilisé pour suivre l'utilisation de produits phytopharmaceutiques (pesticides) au niveau de l'exploitation ou d'un groupe d'exploitations. L'IFT représente le nombre de doses de référence utilisées par hectare au cours d'une campagne agricole. La campagne agricole est considérée du 1er octobre au 30 septembre. Cet indicateur peut être calculé pour un ensemble de parcelles, une exploitation agricole ou un territoire. Les IFT sont divisés en deux catégories : IFT biocontrôle et IFT hors biocontrôle. Ces catégories sont définies par le gouvernement français et détaillées dans une liste officielle (DGAL, 2021). Il peut également être décomposé en grande catégorie de produits (herbicides, fongicides, insecticides et acaricides) (Ministère de l'agriculture et de l'alimentation, 2018). Dans ce projet, l'IFT est calculé à l'échelle de la parcelle expérimentale. L'analyse des résidus de pesticides dans les fruits à la récolte constitue également un indicateur de l'impact potentiel des pratiques sur l'homme et l'environnement.

Ce projet évalue des systèmes de conduite impliquant la combinaison de plusieurs leviers sur une grande parcelle afin de se mettre dans des conditions les plus proches possibles des vergers commerciaux. En l'absence de répétitions, il n'est pas possible de réaliser une analyse statistique. L'analyse est donc descriptive et basée sur des comparaisons de moyennes entre les modalités.

Définitions

Limites maximales de résidus (LMR)

Les limites maximales de résidus sont les niveaux supérieurs de concentration de résidus de pesticides autorisés légalement dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux.

Produits phytopharmaceutiques (PPP)

Afin d'apporter plus de clarté, les produits phytopharmaceutiques de synthèse sont assimilés, dans cet article, aux produits considérés comme produits « hors biocontrôle » selon la liste éditée annuellement par les ministères en charge de l'agriculture, de l'écologie, de la santé et de la recherche. Ces produits « hors biocontrôle » correspondent à l'ensemble des spécialités commerciales non présentes sur la liste des produits de « biocontrôle ». Le cuivre est considéré comme produit « hors biocontrôle » d'après cette liste.

Les données clés à retenir

Réduire l'impact environnemental : un défi ambitieux en pêche-nectarine - Bilan du projet DEPHY EXPE EcoPêche 2 (2019-2023)

Le projet DEPHY EXPE EcoPêche 2 a des objectifs très ambitieux en termes de réduction des produits phytopharmaceutiques. Il montre qu'une réduction très forte d'usage n'a pas pu être compensée de manière efficace par la mise en place de leviers alternatifs dont l'efficacité est partielle et moindre que celle du mode de protection phytosanitaire classique.

L'objectif de réduction de 80 % de l'indice de fréquence de traitement par rapport au système de référence a été atteint en pénalisant fortement les niveaux de rendements du système innovant. Cette baisse de rendement, accompagnée d'un niveau d'investissement élevé, n'est pas économiquement compensée par un prix de vente supérieur. En conséquence, à l'issue des cinq années du projet, la modalité ECO+ s'avère moins performante économiquement que la modalité de référence.

Key points

Reducing the environmental impact: an ambitious challenge in peach and nectarine cultivation - Report on the DEPHY EXPE EcoPêche 2 project (2019-2023)

The DEPHY EXPE EcoPêche 2 project has very ambitious objectives in terms of reducing the use of plant protection products. It shows that a very sharp reduction in use could not be effectively offset by the implementation of alternative levers, which are only partially effective and less so than conventional plant protection methods.

The objective of reducing the treatment frequency index by 80% compared with the reference system was achieved, but with a significant negative impact on the yields of this innovative system. This drop in yields, accompanied by a high level of investment, was not economically offset by a higher selling price. As a result, at the end of the five-year project, the ECO+ system performed less well economically than the reference system.

Bibliographie / Sitographie

Laget E. et al., 2014. Guide pour la conception de systèmes de production fruitière économes en produit phytopharmaceutiques. GIS Fruits et Ministère de l'agriculture, Paris, 264 p.

Plenet D. et al. EcoPêche. 2019, Conception et évaluation de vergers de pêche-nectarine économes en produits phytopharmaceutiques et en intrants. Innovations agronomiques, pp. 291-310.