Élaboration de stratégies de protection contre l'hoplocampe du pommier

Évaluation de stratégies alternatives

Élaboration de stratégies de protection contre l'hoplocampe du pommier
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Le projet APRHOPO développe des méthodes de lutte alternatives pour accompagner les arboriculteurs en agriculture biologique à gérer l'hoplocampe du pommier. Le piégeage massif des adultes et l'utilisation d'extrait de Quassia amara comme larvicide pour les jeunes larves montrent des résultats prometteurs.

Publié le 01/01/2025

Temps de lecture estimé : 14 minutes

Contexte

Malgré un contexte économique qui tend à freiner son essor, la filière agriculture biologique s'est considérablement développée ces dernières années, portée par l'intérêt des consommateurs pour leur santé et l'environnement. La pomme ne déroge pas à la règle puisqu'elle se hisse au deuxième rang des fruits bio les plus consommés [1]. Ce contexte économique et sociétal incite les arboriculteurs à s'engager dans cette voie. Cette évolution doit nécessairement être accompagnée d'avancées techniques et de concrétisations réglementaires afin d'offrir des solutions efficaces pour les producteurs, notamment en termes de protection des cultures. Les arboriculteurs bio sont en effet toujours confrontés à d'importantes difficultés concernant la lutte contre les bioagresseurs. Les vergers biologiques font face à la résurgence de ravageurs dits secondaires, qui peuvent engendrer localement des dégâts considérables, parfois supérieurs aux dégâts de ravageurs majeurs et pour lesquels davantage de solutions sont disponibles. Le manque de solutions contre ces bioagresseurs secondaires est un verrou technique majeur.

L'augmentation de l'utilisation des produits spécifiques et le retrait de ceux à large spectre font que l'hoplocampe du pommier, Hoplocampa testudinea, est devenu un ravageur secondaire émergent et particulièrement préjudiciable en agriculture biologique [2]. En France, il n'est pas systématiquement présent dans les vergers mais il est retrouvé dans l'ensemble des bassins de production. En cas de forte pression, il peut endommager jusqu'à 90 % des fruits [3].

Le piégeage massif aide à limiter les infestations mais est souvent insuffisant pour maintenir les dégâts sous un seuil économiquement viable [4]. D'autres solutions existent, telles que l'utilisation d'extrait de Quassia amara, un arbre tropical contenant des composés aux propriétés insecticides. Plusieurs travaux ont montré son efficacité sur l'hoplocampe du pommier, notamment en tant que larvicide [5]. Néanmoins, depuis 2022, l'utilisation de cette matière active est interdite en agriculture biologique et sous dérogation en agriculture conventionnelle. D'autres matières actives comme le spinosad ou l'huile de neem sont reconnues comme efficaces, mais leur usage est interdit en fin de floraison [7]. Les producteurs font face au statut réglementaire « instable » de nombreuses substances, pourtant nécessaires à la sécurisation de la production de pommes biologiques.

Face à ces contraintes, il est nécessaire de trouver des alternatives efficaces contre l'hoplocampe et de bien positionner les traitements, car la période de sensibilité du ravageur est courte. L'enjeu est d'optimiser l'efficacité de ces alternatives et de faciliter leur mise en oeuvre.

Dans ce contexte, les outils d'aide à la décision (OAD), notamment les modèles biologiques, présentent un réel intérêt. En général, les produits sont appliqués selon la phénologie du pommier mais l'utilisation de modèles biologiques permettrait d'optimiser les traitements en se basant sur les stades du ravageur. Quelques modèles existent aujourd'hui sur la biologie de l'hoplocampe du pommier, mais ils doivent être validés avant toute diffusion aux acteurs de la filière.

Afin de faire face à ces nombreuses contraintes, le projet pluriannuel APRHOPO, Améliorer la PRotection des vergers agrobiologiques contre l'Hoplocampe du Pommier, a débuté en 2022, avec pour principaux objectifs d'évaluer et d'optimiser l'efficacité des solutions de lutte alternatives sur différents stades de développement du ravageur mais aussi d'évaluer la fiabilité des principaux OAD proposant une modélisation du cycle de l'hoplocampe du pommier afin d'optimiser les applications de traitements.

Suivi des populations

Piégeage des adultes

La couleur blanche rappelle celle des fleurs de pommier et attire les hoplocampes en réfléchissant fortement les UV [8]. Le piégeage des adultes peut se faire avec des pièges englués blancs comme des assiettes en plastique enduites de colle ou des pièges de type Rebell®. D'après la bibliographie, un autre piège serait tout aussi efficace et plus sélectif : le piège chromatique bleu Horiver® de la société Koppert [9]. Quels que soient les pièges utilisés, ils doivent être installés dès la floraison afin de capturer les adultes dès leur émergence du sol et retirés après la floraison pour limiter la capture d'auxiliaires. Ces pièges servent à la fois à surveiller l'émergence des adultes au verger et à piéger massivement ces mêmes individus en vue de réduire la pression de ce ravageur.

Suivi du vol des adultes par piégeage, efficacité et sélectivité des pièges

Pour identifier un système de piégeage de surveillance sélectif et efficace, différentes couleurs de pièges chromatiques sont comparées au cours des saisons 2022 et 2023 : les pièges Rebell® de couleur rouge, blanc et jaune, commercialisés respectivement sous les noms Rebell® rosso, bianco et amarillo et le piège Horiver® bleu (Figure 1). Chaque piège est disposé sur le fil de palissage à mi-hauteur. Aucune phéromone n'est utilisée car il n'en existe actuellement pas pour l'hoplocampe. Ces pièges sont installés dès le stade bouton vert et les captures sont relevées deux fois par semaine tout au long du vol des adultes jusqu'à la fin de floraison.

Figure 1 : Pièges évalués

Pour le piège Rebell® bianco, la saison 2023 a permis davantage de captures avec 216 adultes piégés que la saison 2022 et ses 105 adultes piégés (Figure 2).

Figure 2 : Nombre moyen d'hoplocampes piégés en 2022 et 2023 selon la couleur du piège pendant le vol des adultes (stade D/D3 à stade H)

Sur la première année d'étude, la couleur blanche du piège apparaît comme la plus attractive avec plus de 100 individus par piège, suivie du bleu, qui semble légèrement attractif. Pour le piégeage des autres insectes, il existe des différences notables d'attractivité selon leur couleur (Figure 3).

Figure 3 : Sélectivité des pièges en 2022 et 2023 selon leur couleur pendant le vol des adultes (stade D/D3 à stade H)

Le suivi de la dynamique d'émergence de l'hoplocampe est assuré uniquement par les pièges bleu et blanc même s'il apparaît que les pièges Horiver® bleus sont moins efficaces. Leur configuration à deux faces et leur surface collante plus petite (1 120 cm2 pour le piège blanc contre 1 040 cm2 pour le piège bleu) peuvent expliquer cette différence. En effet, les huit faces du piège Rebell® lui permettent d'avoir tout au long de la journée au moins une face orientée au soleil, attirant ainsi plus d'insectes. Jacquot et Parveaud [9] ont démontré en 2020 que les pièges bleus Horiver® s'avèrent être plus efficaces et plus sélectifs que les pièges blancs lorsqu'ils présentent la même structure, les essais conduits par le CTIFL ne peuvent pas le confirmer.

Au cours des deux années d'observation, la sélectivité des pièges varie d'une année à l'autre et se limite à moins de 50 % pour les pièges Rebell® bianco. Les principales captures portent sur des diptères, suivies des hoplocampes du pommier puis des coléoptères. Les auxiliaires représentent moins de 1 % des captures.

En 2024, seuls les pièges Rebell® bianco sont utilisés. La sélectivité est de 19 %, illustrant une nouvelle fois la variabilité annuelle des données.

La modélisation, un outil de suivi pour optimiser la lutte

Les modèles RIMpro et FruitWeb sont les seuls modèles qui existent actuellement sur l'hoplocampe du pommier. La date de floraison doit être précisée pour prédire les périodes clés du développement de l'insecte : vol des adultes, éclosion des oeufs, stades larvaires, etc. En mentionnant la date d'installation des pièges chromatiques, ces OAD proposent des dates d'interventions sur les stades larvaires de l'insecte.

Les deux modèles se présentent sous la forme de trois graphiques (Figure 4). Le graphique inférieur de RIMpro montre l'évolution des adultes dans le sol après la diapause et celui de FruitWeb l'évolution hors du sol. Le graphique du milieu se concentre sur le vol des femelles. Le graphique supérieur simule le développement des oeufs à travers les six stades et la migration des larves d'un fruit à l'autre.

Figure 4 : Modélisation 2023 des modèles RIMpro (à gauche) et FruitWeb (à droite) du cycle de l'hoplocampe

Le modèle Rimpro permet de saisir le biofix « Date du début de vol observé » : cela apporte une plus grande précision et améliore les prédictions du modèle et, ce, notamment sur la dynamique de vol de l'insecte.

Trois années de comparaison avec les données du terrain, à savoir le suivi de l'émergence et du vol des adultes, des oeufs, de leur éclosion et de la présence de larves dans les fleurs et dans les fruits, ont montré que la modélisation peut fournir une aide dans le positionnement des applications, mais qu'il est cependant nécessaire d'en affiner le paramétrage. En effet, ces deux dernières années, les observations au verger présentent de légers décalages avec les modèles, jusqu'à quatre jours d'écart - en précocité ou en tardiveté, notamment pour la période d'éclosions des oeufs, période clé pour l'efficacité des stratégies développées en verger de production. Phénomène notable, les modèles semblent peu fiables lorsque les conditions climatiques sont exceptionnelles, comme avec le gel rencontré en 2022.

Méthodes de lutte

Piégeage massif des adultes

Le piégeage massif des adultes est une méthode de lutte physique visant l'hoplocampe dès son émergence du sol. Elle a pour objectif de les capturer pour éviter la ponte des oeufs dans les fleurs et ainsi diminuer les dégâts sur les futurs fruits.

Cette technique n'est pas récente puisqu'elle est utilisée depuis une dizaine d'années à l'aide d'assiettes blanches engluées. Dernièrement, la société Andermatt a développé des pièges spécifiques commercialisés sous le nom de pièges CatchIT®, pièges évalués par le CTIFL sur la saison 2023. Ils sont accrochés verticalement aux fils de palissage situés à 3,0 m du sol et sont agrafés et stabilisés par les fils de palissage pour éviter la prise au vent (Figure 5).

Figure 5 : Dispositif de piégeage massif installé au stade D/D3 (à gauche) et d'une bande CatchIT® de ce dispositif au stade F2 (à droite)

Les bandes mesurent 2,0 m de long et 15 cm de large. Elles sont installées dès l'apparition des boutons floraux à la densité de 400 bandes/ha. Elles sont retirées en fin de floraison lors de la chute des pétales pour limiter le piégeage des insectes auxiliaires.

Ces pièges CatchIT® ont capturé en moyenne 40 hoplocampes par bande collante, soit plus de 16 000 individus à l'hectare, contre 1 auxiliaire, soit 400 auxiliaires par hectare. Les valeurs sont calculées selon la densité de bandes conseillée par hectare. Ce système semble plutôt sélectif et impacte peu les insectes bénéfiques du verger tels que les abeilles ou les syrphes. Dans notre étude, il est possible que des individus hors de la zone de l'essai aient été capturés, augmentant donc les valeurs préalablement citées.

En comparant le nombre de corymbes touchés par l'hoplocampe des pièges CatchIT® avec des programmes de protection foliaires (1 application de Karaté Zeon® et 2 applications de Quassol®) et une modalité non traitée sans bande CatchIT®, aucune différence significative n'apparaît entre ces quatre modalités (Figure 6).

Figure 6 : Pourcentage de corymbes touchés par l'hoplocampe du pommier

Cet essai n'a pas mis en évidence de diminution des dégâts entre les différentes modalités, a contrario de Brouwer [10] et son équipe qui, en 2022, ont réduit de 80 % les dégâts de cet hyménoptère avec une densité de 246 bandes/ha. Des essais réalisés par Fruitconsult en 2023 sur ces mêmes pièges en verger de production ont montré une réduction de 73 % des dégâts comparée à une modalité sans bandes. [11].

Le dispositif de piégeage utilisé au CTIFL sur la saison 2023, au cours de laquelle les modalités sont proches les unes des autres, a certainement induit la capture d'une majorité des hoplocampes adultes présents sur les différentes modalités, expliquant le faible pourcentage d'attaque de l'insecte dans l'ensemble des modalités de l'essai. Ainsi, les bandes CatchIT® uniquement utilisées dans une modalité ont probablement attiré les hoplocampes des autres modalités.

En 2024, seconde année d'évaluation du piégeage massif, la même parcelle d'étude est équipée du même nombre de bandes CatchIT® par hectare. Elle présente une nette réduction des captures avec seulement 5 600 adultes par hectare, soit une réduction de 65 % de la pression de ce ravageur en un an. Ces premières données saisonnières confirmeraient que plusieurs années de piégeage massif sont nécessaires pour obtenir une diminution significative de la pression du ravageur sur le long terme, comme l'ont mis en avant Tournant et al. [12], qui préconisent trois années de piégeage pour voir un effet.

Enfin, dans des parcelles dont la pression s'échelonne de forte à extrême, augmenter la densité des bandes collantes est une perspective pour lutter efficacement contre H. testudinea.

Larvicides foliaires sur jeunes larves

Toutes les spécialités testées et présentées dans la figure 7 sont positionnées sur les larves d'hoplocampe juste après leur éclosion (stades G et H).

Figure 7 : Efficacité moyenne au verger des spécialités sur larves pré-diapausantes d'hoplocampe du pommier sur la base des essais mis en place au CTIFL

Une fois sortie de l'oeuf, la larve est vulnérable. Elle passe à l'extérieur du fruit avant de s'insérer dans un second fruit. Ce moment est donc visé afin de maximiser l'efficacité des spécialités testées : la larve n'est pas protégée par le fruit et est susceptible d'ingérer le produit en se déplaçant entre les fruits.

Karaté Zéon®

La spécialité Karaté Zéon® fait office de référence conventionnelle dans le cadre de ces essais. À base de lambda-cyalothrine, cet insecticide à large spectre est homologué sur un grand nombre de cultures et de ravageurs et fonctionne par contact et ingestion. Son efficacité est jugée moyenne au cours des essais : homologuée pour une seule application alors que les autres alternatives sont appliquées à deux reprises, ce qui permet une meilleure couverture de l'échelonnement des populations. La substance active est en cours de ré-approbation au niveau européen. Le maintien des usages en cultures pérennes est à l'étude.

Quassine

La quassine, molécule insecticide extraite du Quassia amara, a fait l'objet de diverses études qui montrent son efficacité contre l'hoplocampe du pommier, principalement par toxicité orale sur les premiers stades larvaires [5]. Après une dizaine d'années d'évaluation au CTIFL, les spécialités à base de Quassia amara, dont la spécialité Quassol® a été particulièrement testée, apparaissent comme des solutions dont l'efficacité est de 74 %, dépassant celle de la référence conventionnelle.

D'après la bibliographie, l'efficacité de cette substance est en revanche dépendante de nombreux facteurs. Il est recommandé d'appliquer l'extrait de Quassia amara en une seule fois, à la dose complète, juste avant l'éclosion [5]. Toutefois, une application en deux fois peut également être envisagée pour compenser l'hétérogénéité des pontes [13]. L'addition d'un agent mouillant augmente son efficacité [5].

La substance active est en cours de reconnaissance comme substance de base, mais depuis le 1er janvier 2022, l'utilisation du Quassia amara comme insecticide répulsif en agriculture biologique n'est plus autorisée, conformément à l'annexe I du RUE 2021/1165. Ainsi, le Quassol® a reçu des dérogations d'emploi 120 jours uniquement pour l'arboriculture conventionnelle.

SuccessTM4

Saccharopolyspora spinosa est une bactérie du sol dont la fermentation produit deux métabolites insecticides actifs, les spinosynes A et D. La spécialité SuccessTM4, formulée à partir de ces métabolites, agit par contact et par ingestion. Des essais avec le produit commercial TracerTM, également composé de ces derniers, ont montré une réduction significative des dégâts causés par l'hoplocampe, jusqu'à 85 % par rapport à des arbres non traités en apportant une concentration identique à l'hectare en spinosad que celle du SuccessTM4 [13].

Dans le cadre des essais, la spécialité SuccessTM4 présente une efficacité proche de 60 % au cours des deux années d'évaluation, efficacité similaire à la référence conventionnelle. Deux aspects freinent cependant son utilisation : l'aspect réglementaire qui interdit toute application en période de floraison soit en dehors du stade de l'insecte visé et le large spectre de cet insecticide dont la toxicité varie vis-à-vis des insectes auxiliaires. La substance active est en cours de ré-approbation.

Autres alternatives

Le Limocide®, spécialité de biocontrôle à base d'huile essentielle d'orange douce, est autorisé en agriculture biologique depuis 2017 avec des actions fongiques, insecticides et acaricides de contact. Les deux essais conduits par le CTIFL présentent des efficacités disparates comprises entre 18 et 58 %. Sur l'hoplocampe du pommier, le mode d'action du Limocide® semble peu compatible avec le cycle biologique des larves qui sont protégées par le fruit et sont donc peu en contact avec le produit dont la rémanence est faible.

La spécialité Mansa, utilisable en agriculture biologique, est composée de pyréthrines extraites de plantes qui s'attaquent au système nerveux des insectes. La seule évaluation de ce produit montre une efficacité de 18 %. Cette efficacité moindre par rapport au Karaté Zéon® peut s'expliquer par la plus grande stabilité des produits de synthèse et une durée d'action plus longue [14].

La matière active (azadirachtine A) du NeemAzal®-T/S est issue d'une extraction aqueuse des amandes de l'arbre Azadirachta indica, également appelé margousier. Ce produit a un triple mode d'action : arrêt de l'alimentation, arrêt de la reproduction et inhibition de la mue [15]. Les traitements sont interdits pendant la floraison. Le produit a reçu des dérogations d'emploi 120 jours sur d'autres usages. Paask [13] et son équipe ont publié en 2013 une étude où le NeemAzal®-T/S avait une efficacité significative sur les dégâts causés par l'hoplocampe en diminuant de 30 à 60 % leur incidence. A contrario, selon Fredon et al. [16], cette spécialité présente une efficacité limitée sur la cible, confirmée par d'autres études [13]. Les essais réalisés au CTIFL corroborent ces conclusions avec une efficacité du NeemAzal®-T/S de 18 %.

Le DiPel® DF, spécialité de biocontrôle à base de Bacillus thuringiensis, est autorisé en agriculture biologique depuis 2015. Il est principalement utilisé contre les chenilles phytophages de Lépidoptères, avec un mode d'action par ingestion. La seule évaluation de cette spécialité sur les larves d'hoplocampe n'a pas été concluante puisque l'efficacité n'est que de 19 %. Selon Vincent et al. [17], Niezborala a observé des résultats similaires en 1972. Il en est de même pour du B. thuringiensis appliqué après floraison pour lutter contre les adultes [17].

Nématodes entomopathogènes sur larves pré-diapausantes et cocons

Les nématodes entomopathogènes représentent un levier potentiel dans la lutte contre l'hoplocampe. Les juvéniles libres ont la capacité de pénétrer dans un insecte, leur hôte, grâce aux orifices naturels ou en passant à travers la cuticule [18]. Une fois à l'intérieur de l'insecte, les nématodes libèrent leurs bactéries endosymbiotiques, celles-ci tuent l'hôte par septicémie et son cadavre est digéré par ces mêmes bactéries.

Quelques espèces sont aujourd'hui commercialisées pour la lutte biologique telle que Steinernema carpocapsae, Steinernema feltiae ou Heterorhabditis bacteriophora. Le positionnement de ce traitement est l'enjeu principal de cette méthode de lutte, la période de vulnérabilité des larves étant courte. L'idée est donc d'appliquer les nématodes lorsque les larves d'hoplocampe retournent dans le sol après avoir infesté les fruits avant la formation de leur cocon. Cette amorce de diapause intervient généralement en fin de printemps (début juin).

Des essais sont réalisés au CTIFL depuis 2018 avec la souche S. feltiae (figure 8). Devant les difficultés liées à l'évaluation de cette méthode de lutte in situ, dans un premier temps, les tests sont réalisés en conditions semi-contrôlées au laboratoire. Dans un second temps, des essais en verger sont également conduits. Un essai sur cocons fermés est commencé en 2023. Dans chacune des expérimentations établies, la dose d'utilisation de ces nématodes est de 1,5 milliard/ha.

Figure 8 : Efficacité des nématodes Steinernema feltiae sur larves pré-diapausantes et cocons d'hoplocampe du pommier (à gauche) et photo de nématodes S. feltiae au microscope (x100) (à droite)

L'utilisation des nématodes s'est révélée efficace sur les larves pré-diapausantes au laboratoire avec des efficacités allant de 83 à 100 %. En verger, les essais conduits sur les saisons 2022 et 2023 présentent des résultats contradictoires. La première année, les résultats étaient positifs avec un taux de mortalité de 68 %, contre un taux de mortalité nul la seconde année, laissant penser que les larves s'étaient déjà nymphosées avant même l'application des nématodes. Par ailleurs, l'efficacité des nématodes est tributaire des conditions climatiques et particulièrement de l'humectation du sol. En effet, ils nécessitent des conditions d'humidité spécifiques, peu présentes au verger lors des applications.

L'unique essai sur cocons ne démontre aucune efficacité des nématodes entomopathogènes. Quelques jours seulement après leur formation, ils sont imperméables aux nématodes de la souche S. feltiae. Cette constatation confirme les observations faites par Happe [19] et ses collègues en 2016 qui annoncent que les larves, quelques jours après leur sortie du fruit, ne sont plus sensibles aux nématodes.

Le tableau de la figure 9 met en avant l'aspect réglementaire des spécialités testées sur l'hoplocampe du pommier. Les produits commerciaux ont été mis en expérimentations selon les modalités qui permettent de les évaluer même s'ils ne sont pas autorisés.

9 : Aspect réglementaire des spécialités testées sur l'hoplocampe du pommier

Coûts des différentes techniques de lutte

Le piégeage massif présente un fort impact pour réduire fortement la pression du ravageur. Cependant, le coût conséquent des bandes engluées est de l'ordre de 560 €/ha HT et leur pose nécessite un temps de main-d'oeuvre important (20 h/ha) (Figure 10). De plus, les bandes sont à renouveler tous les ans. En comparaison, l'application de larvicides s'avère moins coûteuse (Figure 10).

Figure 10 : Coûts (HT) des stratégies testées sans Redevance pour Pollution Diffuse (RPD)

Synthèse des différentes méthodes de lutte évaluées

La figure 11 récapitule les potentielles méthodes de lutte contre l'hoplocampe selon le cycle de l'insecte.

Figure 11 : Schéma récapitulatif des méthodes de lutte, de leurs cibles et de leurs positionnements en fonction du cycle de l'hoplocampe

Le premier fruit correspond au premier fruit visité par la larve dans lequel elle éclôt, soit le fruit issu de la fleur dans laquelle l'oeuf a été pondu. Les dégâts dans ce premier fruit sont appelés dégâts primaires. Les 2e, 3e et 4e fruits correspondent aux fruits suivants visités par la larve dans le même bouquet. Les dommages causés dans ces fruits sont appelés dégâts secondaires.

Conclusions et perspectives

Une surveillance est nécessaire pour évaluer précisément la pression exercée en verger. Les pièges englués blancs réfléchissant les UV, telles les fleurs de pommier, ont fait leurs preuves pour cette surveillance, permettant le suivi des adultes. Les modèles biologiques, outils de suivi, sont une piste pour l'aide au positionnement des traitements. Cependant, les écarts observés par rapport à la réalité, notamment concernant la période clé de l'éclosion montrent que ces OADs sont perfectibles.

Pour contrôler les adultes, le piégeage massif à l'aide de bandes engluées s'avère efficace lorsqu'il est mis en place sur plusieurs saisons consécutives. Néanmoins, le coût conséquent de cette technique et la mise en oeuvre par les professionnels représentent des gros freins.

Concernant les larvicides foliaires, la seule spécialité efficace dans les essais et dont la substance active peut être employée en agriculture biologique est le SuccessTM4.

L'emploi des nématodes entomopathogènes est complexe. Pour une bonne efficacité, il est nécessaire de respecter des conditions spécifiques d'application, notamment d'humidité et de température du sol. Les nématodes présentent une grande vulnérabilité et la période d'action sur la fin du cycle biologique de l'hoplocampe est très brève. Pour espérer atteindre toutes les larves en descente dans le sol, il faudrait des applications répétées, ce qui rend cette méthode très coûteuse. De plus, les larves présentes dans les cocons ne sont pas atteignables par les nématodes, ce qui complexifie leur utilisation en application au sol.

En attente d'avancées réglementaires sur des produits comme le Quassol®, il est essentiel de continuer la recherche d'alternatives. Les essais pourraient porter sur d'autres produits de lutte biologique comme les champignons entomopathogènes tel que Beauveria bassiana ([22] [23]) ou Metarhizium brunneum [26]. D'autres substances répulsives de biocontrôle pourraient être envisagées comme les huiles essentielles d'ail ou d'achillée millefeuille.

Ce projet a été financé par la Région Centre Val-de-Loire et par IDfel Val de Loire.



Les données clés à retenir

Élaboration de stratégies de protection contre l'hoplocampe du pommier - Élaboration de stratégies de protection contre l'hoplocampe du pommier

En agriculture biologique, les solutions pour lutter contre l'hoplocampe sont limitées, mais le projet APRHOPO propose des alternatives prometteuses. Le piégeage massif des adultes avec des bandes engluées s'avère efficace dès l'émergence du ravageur, réduisant les populations et les dégâts sur plusieurs saisons tout en étant sélectif vis-à-vis des auxiliaires. L'extrait de Quassia amara montre une efficacité de 74 % contre les jeunes larves post-éclosion, surpassant la référence conventionnelle (60 %), tandis que le spinosad affiche une efficience équivalente. Les nématodes entomopathogènes (Steinernema feltiae) offrent des résultats variables, plus probants en laboratoire qu'en verger. L'utilisation d'outils d'aide à la décision tels que les modèles biologiques pourrait optimiser le positionnement des traitements.

Key points

Developing strategies to control the European codling moth - Evaluation of alternative strategies

In organic farming, solutions for controlling the European codling moth are limited, but the APRHOPO project offers promising alternatives. Mass trapping of adults with sticky strips is proving effective as soon as the pest emerges, reducing populations and damage over several seasons while at the same time being selective with regard to beneficials. Quassia amara extract was 74% effective against young post-hatching larvae, surpassing the conventional reference (60%), while spinosad was equally effective. Entomopathogenic nematodes (Steinernema feltiae) offer variable results, that are more convincing in the laboratory than in the orchard. The use of decision-support tools such as biological models could optimise the timing of treatments.

Bibliographie / Sitographie

[1] Interfel (2017). Tendance globale de consommation. Disponible à : https://www.interfel.com/

[2] Parveaud, C. E., Brenner, J., Stoeffel A. (2016). Fiche technique : Hoplocampe du pommier en AB. GRAB

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[4] Gandubert B. (2023). Poster de présentation : Stratégies de lutte contre l'hoplocampe du pommier en verger biologique

[5] Kienzle, J. et al. (2006). Control of the apple sawfly Hoplocampa testudinea Klug. ; Paask, K. (2013). Testing of plant extracts for control of apple sawfly, Trials with Quassia-MD, NeemAzal T/S and Tracer. ; Sjöberg, P. et al. (2015). Evaluation of temperature sum models and timing of Quassia amara (Simaroubaceae) wood-chip extract to control apple sawfly (Hoplocampa testudinea Klug) in Sweden, Journal of Pest Science, 88(2), pp. 301-310.

[6] Règlement d'exécution (UE) 2021/1165 DE LA COMMISSION du 15 juillet 2021 autorisant l'utilisation de certains produits et substances dans la production biologique et établissant la liste de ces produits et substances

[7] Codinie, M. (2023). Arboriculture : nouvelles dérogations de produits de biocontrôle et nouvelle homologation en ab. In : po.chambre-agriculture.fr [En ligne]. Disponible sur : https://po.chambre-agriculture.fr/actualites/detail-de-lactualite/actualites/arboriculture-nouvelles-derogations-de-produits-de-biocontrole-et-nouvelle-homologation-en-ab/

[8] Helsen, H., Jansonius, P.J., Brouwer, G.W., van der Sluis, B., van Tol, R., de Groot, A., van Kats, R., van de Maas, R. (2020). Mass trapping of the apple sawfly Hoplocampa testudinea. Proceedings Ecofruit p. 99- 102. Disponible à : https://library.wur.nl/WebQuery/wurpubs/fulltext/524687

[9] Maxime, Jacquot, Claude-Eric, Parveaud (2020) Comparaison de l'efficacité et de la sélectivité de piège englué chromatique pour la capture de l'hoplocampe du pommier (hoplocampa testudinea). Grab, Rapport technique d'expérimentation - Arboriculture - 2020. Disponible à : https://www.grab.fr/resultats-2020-optimiser-la-capture-des-hoplocampes-du-pommier-par-piegeage-chromatique/

[10] Brouwer, Gerjan (2022). Comment contrôler l'hoplocampe du pommier (Hoplocampa testidunea) ? BioFruitnet Fiche pratique. Disponible à : https://orgprints.org/id/eprint/44938/3/24_PA_BIOFRUITNET__Apple_catch_that_fly_Final%20fr_proofreaded_GRAB.pdf

[11] Polfiet M. (2024). A new control technique for the apple sawfly : attract and stick. EFM February 2024. p. 16-19.

[12] Tournant, L., Jorion, A. and Leleu, K. (2021). Hoplocampe du pommier. Disponible à : https://www.zerophyto-interreg.eu/medias/files/ft-hoplocampe-pro-fr.pdf

[13] Paask, Klaus (2013). Testing of plant extracts for control of apple sawfly, Trials with Quassia-MD, NeemAzal T/S and Tracer. Disponible à : https://orgprints.org/id/eprint/24746/7/24746.pdf

[14] Oregon Department of Agriculture (2023). Pyrethrins vs. Pyrethroids. Disponible à : https://www.oregon.gov/oda/shared/Documents/Publications/PesticidesPARC/PyrethrinsVsPyrethroids.pdf

[15] Andermatt (2021) NeemAzal®-T/S - Insecticide d'origine végétale à base d'extrait d'Azadirachta indica. Disponible à : https://www.andermatt.fr/insecticides-biocontrole/19-neemazal-t-s.html

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