La patate douce, une nouveauté à évaluer
La patate douce est savoureuse, originale et énergétique. Elle est riche en vitamines, minéraux et antioxydants. Sa qualité et son image séduisent de plus en plus les consommateurs, d'autant plus qu'elle peut désormais être produite localement. La production est estimée à 10 000 tonnes en France. En 2018, la France a importé près de 46 000 tonnes de patates douces et en a exporté 1 500 tonnes (Eurostat) [1].
La Chine reste le premier producteur mondial de patates douces avec environ 71 millions de tonnes par an. Les États-Unis, quant à eux, sont toujours les principaux exportateurs, avec environ 268 000 tonnes exportées en 2021, pour 1,2 million de tonnes produites. En Europe, le Portugal produit 22 000 tonnes et l'Espagne 12 000 tonnes. Cependant, la demande européenne dépasse largement cette production : ses importations atteignent 215 000 tonnes. En France, la consommation de patates douces a doublé depuis 2015, atteignant environ 40 000 tonnes. La majorité de l'offre présente sur le marché français provient d'Espagne et des États-Unis [2] mais également d'Égypte [3].
Depuis 2019, les actions menées sur la station régionale Terre d'Essais en partenariat avec le CTIFL visent à identifier un itinéraire technique de production de patate douce biologique adapté aux conditions climatiques de la Bretagne. Différents leviers sont travaillés : choix variétal, schéma et densité de plantation, irrigation, gestion de l'enherbement et protection thermique. Ces travaux ont permis d'atteindre des rendements commercialisables satisfaisants, entre 2 et 2,5 kg/m2, permettant un transfert chez les producteurs. Les dernières campagnes d'expérimentations se sont concentrées sur la diversification des variétés et l'amélioration du calendrier de production pour favoriser la reprise des plants après la plantation et la récolte.
Trouver des variétés adaptées
Les essais variétaux préliminaires sur des variétés de référence ont montré un bon potentiel de production en Bretagne pour les variétés Beauregard et Georgia Jet. Mais cette dernière a tendance à éclater lors de récoltes tardives. Les variétés Orléans et Evangeline n'ont pas pu être évaluées dans de bonnes conditions agronomiques mais sont quand même conservées dans le programme de référencement variétal [1].
Les marchés de circuits longs sont aujourd'hui principalement demandeurs de variété à chair orange. Les premiers essais sont orientés sur ces typologies de patates douces, en recherchant des variétés précoces à cycle court avec un calibre cible de 300 à 600 g. En 2021, les trois variétés Covington, Erato® Orange et Erato® Deep Orange sont comparées à la variété de référence Beauregard. Pour une plantation en semaine 21 à une densité de 2,6 plants/m2 et un cycle de 140 jours, les variétés Erato® Deep Orange et Erato® Orange sont les plus productives. Leur rendement moyen est de 1,98 kg/m2 pour Erato® Deep Orange et de 1,85 kg/m2 pour Erato® Orange, bien qu'aucune différence statistique n'ait été établie avec le rendement des variétés Beauregard (1,62 kg/m2) et Covington (1,54 kg/m2). En 2021, il a été établi qu'un producteur encourait un risque de déficit élevé si le rendement est inférieur à 1,5 kg/m2 et le prix de marché inférieur à 1,75 €/kg, sachant que les prix d'importation varient entre 1,50 et 1,80 €/kg [4].
En 2022, un essai intègre neuf variétés à chair orange de deux distributeurs : VOLTZ et VOLMARY. Il inclut de nouvelles génétiques pouvant présenter une alternative aux variétés de référence. L'essai a débuté en semaine 21. Le défanage mécanique qui correspond à la destruction du feuillage pour arrêter le grossissement des tubercules et améliorer la qualité de l'épiderme pour les opérations de récolte a eu lieu en semaine 42. La récolte s'est déroulée en semaine 43. Le cycle de production a duré 151 jours. Les variétés évaluées avec Beauregard sont Bellevue, Evangeline, Orléans et Radiance, distribuées par VOLTZ ainsi que Erato® Orange, Erato® Vineland Compact Orange, Erato® Vineland Early Orange et Erato® Vineland Salmon Orange, distribuées par VOLMARY.
Lors de cette campagne, les variétés se sont différenciées par la distribution de leurs calibres (Figure 1). Les variétés Radiance et Erato® Vineland Early Orange présentent un nombre important de tubercules dont la masse est supérieure à 800 g. Cela laisse envisager qu'une récolte plus précoce aurait peut-être permis d'augmenter la proportion de tubercules sur le calibre cible de 300 à 600 g. Le potentiel de ces variétés est donc à considérer car elles permettraient de réduire la durée du cycle tout en conservant un rendement au champ important (Figure 2).


Les conditions de réalisation de cet essai ont confirmé le potentiel de certaines variétés testées précédemment sur la station (Figure 2). La variété Evangeline ne permet pas d'atteindre un rendement commercial supérieur à 1,5 kg/m2 ; la variété Orléans, même si elle présente un rendement moyen de l'ordre de 2,43 kg/m2, n'est pas retenue car ses tubercules ont tendance à casser et sont de moindre qualité que ceux de la variété de référence Beauregard et son rendement de 2,41 kg/m2. Dans les variétés nouvellement testées, Bellevue ne présente aucun intérêt avec un rendement trop faible et une proportion importante de petits calibres. Les meilleurs rendements nets sont atteints par les variétés Radiance avec 2,72 kg/m2 et Erato® Vineland Early Orange avec 3,48 kg/m2. La variété Erato® Vineland Compact Orange présente une répartition de calibre intéressante, mais son rendement net est insuffisant, inférieur à 1,5 kg/m2, à cause d'une proportion trop importante de tubercules déclassés pour des problèmes de forme. Des observations similaires sont effectuées pour la variété Erato® Orange.
En 2023, six variétés à chair orange sont évaluées, afin de confirmer les potentiels des variétés Radiance, Erato® Vineland Early Orange et Erato® Deep Orange en comparaison des variétés de référence Beauregard, Orléans et Bellevue. L'essai est conduit dans les mêmes conditions que les autres campagnes : la plantation est effectuée en semaine 19, le défanage mécanique en semaine 37 et la récolte en semaine 40, soit un cycle de 144 jours.
Malgré un cycle de culture plus court, certaines variétés ont produit un pourcentage important de tubercules supérieurs à 800 g (Figure 3), cette proportion dépasse 40 % pour trois variétés de l'essai : Radiance, Orléans et Erato® Deep Orange, confirmant la précocité de ces variétés. Comme sur les campagnes précédentes et pour cette durée de cycle, la variété Beauregard reste la plus équilibrée entre les différents calibres destinés à la commercialisation.

Les meilleures variétés de l'essai en termes de rendement net et d'intégration de calibres supérieurs à 800 g sont Radiance, Orléans et Erato® Deep Orange, avec un rendement qui dépasse 2 kg/m2 (Figure 4). La moyenne de l'essai se situe à 1,66 kg/m2 pour la campagne 2023, alors qu'elle était de 2,06 kg/m2 en 2022. La variété Erato® Vineland Early Orange ne confirme pas le potentiel pressenti. Dans les conditions costarmoricaines, la variété Beauregard reste une référence pour des circuits de commercialisation ne valorisant pas les calibres supérieurs à 800 g.

Adapter la conduite agronomique au contexte breton
Les expérimentations sur cette nouvelle culture en Bretagne ont permis de vérifier son potentiel agronomique dans la région. Les premiers essais conduits en stations (Terre d'Essais et SEHBS) montrent un bon potentiel de production en plein champ pour la zone bretonne, à condition d'utiliser un paillage et de protéger les plants avec un voile thermique en début de culture. Selon ces premières expériences, en plus de ces critères décisifs pour une bonne productivité, le choix de la variété, la qualité du plant et l'irrigation ont été mis en avant [1][4].
Optimiser les dates de plantation et de récolte
Afin d'améliorer le potentiel de production, des essais menés en 2021 et 2022 avec la variété Beauregard ont visé à identifier le calendrier de production le plus adapté. Celui-ci doit limiter le risque de températures trop fraîches à la plantation qui peuvent entraîner une mortalité des plants. Il doit aussi permettre un cycle de production complet afin de récolter dans les meilleures conditions possibles avant les pluies automnales. Pour la campagne 2021, deux dates de plantation et deux dates de récolte sont évaluées. En 2022, des dates de plantations tardives sont testées afin d'améliorer les conditions climatiques lors de l'implantation. Le premier essai est mis en place avec une plantation en semaine 18 (S18) et une autre en semaine 21 (S21). Les dates de récolte sont définies comme suit : la récolte précoce (R1) est déclenchée pour un potentiel de rendement par plant de 1,5 kg et la récolte tardive (R2) déclenchée 15 jours après la récolte précoce. La densité est de 2,6 plants/m2.
Un suivi du potentiel de rendement par plant est réalisé en 2021. Le rendement augmente de manière linéaire jusqu'à début septembre, moment où apparaissent des tubercules de plus de 600 g. Après cette date, l'augmentation du rendement est principalement due au développement des gros tubercules plutôt qu'à celui des petits. Les mesures montrent que le rendement par plant de 1,5 kg, nécessaire pour atteindre une production de 40 tonnes par hectare, n'est atteint que fin septembre. Les durées de cycle se sont étalées de 123 jours pour la plantation tardive en S21 combinée à une récolte précoce à 157 jours pour une implantation précoce en S18 et une récolte tardive. Augmenter la durée du cycle avec une plantation plus précoce ne favorise pas l'augmentation du rendement. Les plantations précoces peuvent nuire à la reprise des plants avec 78 % de reprise pour une plantation en S18 contre 96 % pour une plantation en S21 : les températures encore fraîches, même avec un voile de forçage, freinent le développement du plant. Il n'y a aucune différence de rendement entre les récoltes précoces et tardives, quelle que soit la date de plantation. Cependant, les récoltes tardives peuvent être légèrement plus productives, surtout pour les tubercules de plus de 600 grammes. Des cycles courts de moins de 140 jours avec des plantations plus tardives semblent mieux adaptés à la culture de la patate douce dans les Côtes d'Armor. En effet, il apparaît que, pour le rendement commercial de la variété Beauregard, il est comparable entre les dates de récolte R1 et R2. Cependant, la date de plantation a un effet significatif sur le rendement commercial en kg/m2, avec un rendement supérieur pour les plantations en S21 qu'en S18 pour toutes les dates de récolte confondues.
À partir de cette conclusion, il a été choisi, en 2022, de tester plusieurs dates de plantation après la semaine 21. Ainsi, trois dates de plantation sont testées : semaine 21 (S21), semaine 23 (S23) et semaine 25 (S25). En plus du travail sur la période idéale de plantation, différents types de plants sont testés dans le but de favoriser la reprise et la génération de tubercules sur plusieurs noeuds des boutures. Trois types de plants sont évalués : le plant 1 avec des plaques de 84 plants en motte de 3,5 cm de diamètre, la référence ; le plant 2, identique au plant 1 mais avec des plants plus tardifs et une implantation plus profonde afin de générer plus de noeuds dans le sol ; le plant 3 avec une production à partir de bouture de 2 noeuds dans une motte longue de 5,4 cm de profondeur (Figure 6). Les plants de types 1 et 2 sont fournis par la société VOLTZ tandis que les plants de type 3 sont produits par la station Terre d'Essais.

Pour la campagne 2022, les précipitations sont largement déficitaires, sauf pour les semaines 23, 26 et 27. Les températures moyennes observées pendant cette période sont supérieures aux moyennes enregistrées à la station depuis 2012, pour les semaines 23 à 25 et les semaines 28 à 38. L'implantation de l'essai est réalisée selon les mêmes techniques qu'en 2021 : densité, paillage et voile thermique. Dans le cadre de cet essai, la mortalité des plants est significativement influencée par la date de plantation, avec une mortalité plus élevée pour la semaine S21 par rapport aux semaines S23 et S25, et une interaction notable entre la date de plantation et le type de plant. Les plants 3 de la plantation en S21 se sont avérés plus productifs que les plants 1 et 2 du fait d'une moindre mortalité à la plantation, vraisemblablement grâce à l'avantage procuré par le grand volume de motte face au déficit hydrique observé après plantation. À l'inverse, en semaine 23, les plants 1 surpassent les plants 2 et 3. En semaine 25, les plants 3 se sont avérés moins productifs que les plants 1 et 2 (Figure 5).

En conclusion, une plantation plus tardive que la semaine 21 n'a montré aucun avantage en termes de rendement pour les calibres commercialisables. Les plants plus enracinés (plant 2) ou en mottes longues (plant 3) n'ont pas non plus montré de différence significative de rendement par rapport aux mottes standards (plant 1) sauf en semaine 21.
Limiter la charge financière en plant
Le coût des plants reste un frein important dans le développement de la culture du fait de la densité élevée à 26 000 plants/ha et du risque de faible reprise liée aux basses températures début mai. Des essais en station ont permis de mettre en avant la possibilité de produire des plants de ferme, pour la variété libre de droit Beauregard, à partir de lianes produites par des tubercules hors calibre mis à germer.
En 2023, la société VOLTZ a fourni un autre type de mottes, commercialisées en plaque de 240 mottes de diamètre 2,5 cm. Elles sont comparées à des mottes standards en plaque de 84 mottes pour un diamètre de 3,5 cm. Le coût d'implantation pour une densité de 2,6 plants/m2 est de 1,59 €/m2 pour la modalité « Beauregard 84 » et de 1,07 €/m2 pour la modalité « Beauregard 240 ». L'essai est implanté en semaine 19 et la récolte a lieu en semaine 40.
Aucune différence de taux de mortalité ni du rendement net (kg/m2) n'est relevée entre les deux types de mottes (Figure 7). La modalité « Beauregard 240 » a proportionnellement produit plus de calibres en 300-600 g avec 48 % du rendement puis en 600-800 g avec 37 % du rendement. Aucune différence significative n'est identifiée. Cependant ce type de résultat doit être confirmé dans le futur, car les plaques de 240 mottes permettent une économie de 32 % et consomment moins de surface en pépinière et lors du transport.

L'itinéraire post-récolte peut-il limiter les pertes lors d'un stockage long ?
Améliorer les performances de conservation est un des leviers identifiés pour renforcer la compétitivité de la filière française de patate douce face aux produits d'importation. En effet, assurer une bonne conservation des tubercules après la récolte aurait pour double avantage d'élargir la période de commercialisation et de limiter les effets liés à la volatilité des prix. Dans ce contexte, le CTIFL a envisagé deux axes de travail. Le premier a consisté à évaluer, entre 2022 et 2023, différents itinéraires post-récolte incluant des techniques de cicatrisation et des traitements à l'eau chaude appliqués après la récolte. Le second axe, engagé en 2024, évaluera l'impact de différentes techniques de conservation de la plus simple, comme le stockage hors gel, à la plus élaborée, avec la maîtrise de la température et de l'humidité, sur la durée de stockage et la qualité du produit commercialisé.
Cicatrisation et traitement à l'eau chaude, deux techniques éprouvées
La cicatrisation de l'épiderme des tubercules, ou curing en anglais, consiste à entreposer durant quelques jours les patates douces dans une ambiance chaude et humide. Cette technique, couramment pratiquée, permet, grâce à un durcissement de l'épiderme, d'éviter l'entrée des agents pathogènes au niveau des blessures apparues lors de la récolte et de réduire la respiration et donc les pertes d'eau pendant le stockage ([5], [6], [7], [8]). Les paramètres optimaux à appliquer pour réaliser cette cicatrisation sont largement documentés ([5], [8], [9], [10], [11]). La température visée est d'environ 29 °C ±1 °C et l'humidité relative (HR) de l'ordre de 85 % à 95 %. Les patates douces doivent être maintenues dans ces conditions durant 4 à 10 jours. Après cicatrisation, la température des patates douces doit être rapidement abaissée afin d'éviter la germination des tubercules. Les conditions optimales de cicatrisation sont plus ou moins obtenues naturellement dans les pays tropicaux à climat chaud et humide. Dans les pays où le climat ne permet pas cette cicatrisation en condition ambiante, les patates douces doivent être placées dans des chambres de stockage ventilées dans lesquelles la température et l'humidité sont maîtrisées. Cela nécessite donc des investissements dans des équipements spécifiques.
Le traitement à l'eau chaude a, par ailleurs, été fréquemment testé et est reconnu. C'est une méthode alternative à la cicatrisation utilisée pour contrôler le développement des pourritures et limiter la germination des tubercules de patate douce ([12], [13], [14],[15]).
Des essais qui ne confirment pas toujours les données établies
Des essais réalisés en 2022 et 2023, sur le centre CTIFL de Saint-Rémy-de-Provence ont évalué l'intérêt de ces différents itinéraires post-récolte sur quatre lots de patates douces cultivées à la station Terre d'Essais (Pleumeur-Gautier - 22) : deux lots de la variété Beauregard (BRG-22 et BRG-23), un lot de la variété Radiance (RDN-23) et un lot de la variété Orléans (ORL-23). Dans cette étude, deux stratégies de cicatrisation sont comparées : la cicatrisation contrôlée (CC) telle que décrite dans la littérature c'est-à-dire à 29 °C ±1 °C et 90 % ±5 % d'HR pendant 7 à 10 jours et la cicatrisation non contrôlée (CH), réalisée à température ambiante dans un hangar maintenu dans l'obscurité. La cicatrisation contrôlée dure aussi longtemps que nécessaire pour permettre aux tubercules de perdre la même masse que les tubercules de la modalité cicatrisation contrôlée (Figure 8). En parallèle, l'application d'un traitement à l'eau chaude est étudiée. Pour cela, les patates douces sont douchées pendant 45 secondes à 52 °C (D52) ou à 55 °C (D55) avec la machine à eau chaude de la société CROVARA réglée à un débit de 150 m3/h.

Après six mois de stockage en 2022 et huit mois en 2023, la qualité des lots est évaluée sur les trois principaux critères que sont les pertes en eau, la qualité sanitaire et le démarrage de la germination.
Après une cicatrisation dans des conditions contrôlées, à température et humidité constantes, suivie d'un stockage de six à huit mois dans les mêmes conditions, la perte en eau des tubercules n'est pas toujours inférieure à celle observée après une cicatrisation en conditions ambiantes (Figure 9). Les pertes de masse mesurées dans les essais qui vont de 1,5 % à 4,4 % selon le lot pendant la cicatrisation et de 1,0 % à 2,6 % par mois de stockage, sont conformes aux références ([5], [7], [8], [16]).

Même si le taux de tubercules pourris est dépendant du lot de patates douces, l'application d'un traitement à l'eau chaude tend pour certains à l'amplifier
Les pertes de tubercules liées à l'apparition de pourritures sont, dans nos conditions d'essais, comprises entre 1,1 % et 11,1 % (Figure 10), ce qui est relativement peu élevé au regard des taux régulièrement constatés chez les professionnels qui peuvent atteindre 10 % voire 30 %. Toutefois, les tubercules douchés à l'eau chaude de deux des quatre lots (Beuargerad-23 et Radiance-23) ont développé plus de pourritures que les tubercules ayant subi une phase de cicatrisation en conditions ambiantes. Et, contre toute attente, la cicatrisation en conditions contrôlées n'a pas permis, pour la plupart des lots, de limiter l'attaque des agents pathogènes pendant le stockage.

Les pertes de tubercules liées à l'apparition de pourritures sont, dans nos conditions d'essais, comprises entre 1,1 % et 11,1 % (Figure 10), ce qui est relativement peu élevé au regard des taux régulièrement constatés chez les professionnels qui peuvent atteindre 10 % voire 30 %. Toutefois, les tubercules douchés à l'eau chaude de deux des quatre lots (BRG-23 et RDN-23) ont développé plus de pourritures que les tubercules ayant subi une phase de cicatrisation en conditions ambiantes. Et, contre toute attente, la cicatrisation en conditions contrôlées n'a pas permis, pour la plupart des lots, de limiter l'attaque des agents pathogènes pendant le stockage.
De manière inattendue, les tubercules cicatrisés en conditions contrôlées présentent plus de germes en fin de stockage que les tubercules cicatrisés en conditions ambiantes
Quelles que soient la variété et l'année, avec 8,5 % à 74 % de tubercules comportant des germes, le taux de germination est significativement plus élevé dans la modalité de cicatrisation contrôlée que pour la modalité de cicatrisation non contrôlée et ses 0 à 23 % de tubercules présentant l'émission de germes (Figure 11). La cause d'une température de stockage trop élevée peut être écartée car d'autres modalités, conservées dans la même chambre de stockage, ne présentent pas systématiquement de reprise de germination sur les tubercules. En revanche, l'impact d'une durée de cicatrisation en condition chaude trop longue, comme mentionnée par plusieurs auteurs, pourrait expliquer en partie ces résultats. En effet, dans ces essais, les délais entre la récolte, réalisée à Terre d'Essais, et la fin de la phase de cicatrisation, réalisée sur le centre CTIFL de Saint-Rémy-de-Provence, étaient de 14 jours en 2022 et de 20 jours en 2023. À cela s'ajoutent, en 2023, des conditions particulièrement chaudes au moment de la récolte qui ont provoqué la germination de certains tubercules après le défanage mécanique avant récolte.

Quelles que soient la variété et l'année, avec 8,5 % à 74 % de tubercules comportant des germes, le taux de germination est significativement plus élevé dans la modalité de cicatrisation contrôlée que pour la modalité de cicatrisation non contrôlée et ses 0 à 23 % de tubercules présentant l'émission de germes (Figure 11). La cause d'une température de stockage trop élevée peut être écartée car d'autres modalités, conservées dans la même chambre de stockage, ne présentent pas systématiquement de reprise de germination sur les tubercules. En revanche, l'impact d'une durée de cicatrisation en condition chaude trop longue, comme mentionnée par plusieurs auteurs, pourrait expliquer en partie ces résultats. En effet, dans ces essais, les délais entre la récolte, réalisée à Terre d'Essais, et la fin de la phase de cicatrisation, réalisée sur le centre CTIFL de Saint-Rémy-de-Provence, étaient de 14 jours en 2022 et de 20 jours en 2023. À cela s'ajoutent, en 2023, des conditions particulièrement chaudes au moment de la récolte qui ont provoqué la germination de certains tubercules après le défanage mécanique avant récolte.
En revanche, les résultats obtenus avec les modalités traitées à l'eau chaude, avec moins de 5 % de tubercules avec des germes, confirment que ce type de technique limite la germination durant le stockage.
Ces deux années d'essais ont mis en évidence les effets non négligeables de l'itinéraire post-récolte sur la qualité des tubercules de patates douces après une conservation longue de six à huit mois. Toutefois, le bénéfice du contrôle des paramètres de cicatrisation, tel que mentionné dans la littérature, n'a pas été montré sur les quatre lots étudiés dans les conditions d'essais. La cicatrisation en conditions contrôlées n'a pas toujours été bénéfique par rapport à une cicatrisation non contrôlée. La technique du douchage à l'eau chaude à 52 °C ou à 55 °C appliquée pendant 45 secondes, bien qu'intéressante pour limiter la germination, a légèrement augmenté l'apparition des pourritures sur deux lots sur quatre.
La patate douce, un aliment nutritif aux propriétés bénéfiques pour la santé, même après huit mois de conservation !
Réputée pour sa valeur nutritionnelle élevée et ses bienfaits pour la santé, la patate douce Ipomoea batatas est riche en glucides complexes, principalement sous forme d'amidon, et en fibres alimentaires, qui favorisent la santé digestive et aident à maintenir un bon niveau de satiété. Si la patate douce contient des quantités notables de vitamine C, les variétés à chair orange sont essentiellement connues pour être des excellentes sources de vitamine A, principalement sous forme de bêta-carotène. Ce caroténoïde, précurseur de la vitamine A, confère à la patate douce sa couleur orange, et à ce titre, plus la teneur en bêtacarotène est élevée, plus la chair est orangée. Antioxydants bien connus pour leurs effets potentiels sur la prévention des maladies cardiovasculaires et de certains cancers, la patate douce est également riche en composés polyphénoliques, et en particulier les variétés violette qui, en raison de leur couleur, contiennent également des quantités importantes d'anthocyanes.
Les essais menés sur le centre CTIFL de Saint-Rémy-de-Provence en 2023 visaient, entre autres, à suivre l'évolution des principaux marqueurs de la qualité nutritionnelle de trois variétés de patate douce à chair orange - Beauregard, Radiance et Orléans - pendant la conservation. Les analyses sont réalisées à réception (T0) et après une cicatrisation contrôlée de 10 jours à 29 °C (90 % ±5 % HR1), suivie de 4, 6 et 8 mois de conservation (T4-T8) à 13 °C ± 1 °C (90 % ±5 % HR).
Concernant les concentrations en bêtacarotène, et donc indirectement celles en équivalent vitamine A (Figure A), les résultats montrent qu'avec des valeurs à réception (T0) comprises entre 915 et 1 710 µg/100 g de matière fraîche, celles-ci sont très largement supérieures au seuil de 30 % de l'apport journalier recommandé (AJR) en vitamine A2, et que l'allégation « riche en ... » s'applique pour les trois variétés. Cela signifie également qu'une portion de 100 g de patate douce Beauregard ou Orléans crue couvrent 100 % des besoins journaliers en vitamine A, voire plus du double pour la variété Radiance. Les résultats montrent également que les teneurs ne diminuent pas au cours de la conservation, voire augmentent pour certaines modalités (probablement en lien avec l'échantillonnage), et que l'allégation « riche en vitamine A » reste toujours valable même après 8 mois de conservation.
Avec des teneurs comprises entre 21 et 22 mg/100 g (Figure A), les résultats montrent qu'à réception (T0) celles-ci sont supérieures au seuil de 15 % de l'AJR en vitamine C3 et que l'allégation nutritionnelle « source de ... » peut être employée pour les trois variétés. Les résultats montrent également que si les concentrations en vitamine C diminuent de 8 à 25 % au cours de la conservation, celles-ci restent toujours supérieures au seuil des 15 % de l'AJR et que l'allégation « source de vitamine C » reste valable même après 8 mois de conservation.
Des résultats analogues ont aussi été observés au niveau des teneurs en composés phénoliques et en folates (vitamine B9) ce qui suggère que la qualité nutritionnelle de ces trois variétés est maintenue même après 8 mois de conservation.

1 Humidité relative
2 Fixé à 800 µg selon l'annexe I de la Directive 2008/100/CE
3 Fixé à 80 mg selon l'annexe I de la Directive 2008/100/CE
Les données clés à retenir
Patate douce : de la production en Bretagne à la conservation - Évaluation de la production et du potentiel de conservation
Les marchés en circuit long privilégient les patates douces à chair orange, avec un calibre situé entre 150 et 800 g. Les essais variétaux maintiennent la variété Beauregard comme référence, tandis que les variétés Radiance et Erato® Vineland Early Orange montrent un potentiel à confirmer pour des récoltes précoces et des cycles plus courts.
Pour concurrencer les importations, améliorer la conservation est prioritaire. Deux pistes sont explorées : optimiser la cicatrisation de l'épiderme et évaluer la désinfection des lots avec des traitements à l'eau chaude. Le contrôle des paramètres de cicatrisation n'est pas toujours bénéfique et le douchage à l'eau chaude, bien qu'utile contre la germination, peut favoriser l'apparition de pourritures.
Key points
Sweet potatoes: from production in Brittany to storage - Assessment of production and storage potential
Long-distance markets favour orangefleshed sweet potatoes of between 150 and 800g. Variety trials maintain the Beauregard variety as the benchmark, while the Radiance and Erato® Vineland Early Orange varieties show potential, to be confirmed, for early harvests and shorter cycles.
To compete with imports, improving shelf life is a priority. Two avenues are being explored: optimising skin healing and evaluating batch disinfection using hot water treatments. Controlling healing parameters is not always beneficial, and hot water spraying, although useful in preventing sprouting, can encourage the appearance of rot.
Bibliographie / Sitographie
[1] M. Davy, « Patate douce : itinéraire technique et potentiel de production en Bretagne », Aujourd'hui et demain, no 144, p. 17-19, septembre 2020
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[3] « Marché mondial : la patate douce ». Consulté le: 4 septembre 2024. [En ligne]. Disponible sur: https://www.freshplaza.fr/article/9616768/marche-mondial-la-patate-douce/
[4] M. Davy, A. Magnon, et T. Nordey, « La patate douce française - Vers une filière pérenne ? », Infos CTIFL, no 370, p. 27-33, avr. 2021.
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[11] Camoin L. (2021). Patate douce - comment augmenter sa durée de conservation ? Treiz Maraîchage n° 62, 2 pages.
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