Oignon : le choix variétal, un levier d'adaptation face au changement climatique
Une espèce sensible au changement climatique
L'oignon de conservation est sensible aux effets du changement climatique, notamment à la chaleur excessive et aux précipitations. Celles-ci peuvent avoir une incidence sur son rendement. Le stress hydrique, fréquent en période estivale, peut également affecter sa productivité car l'oignon a de fortes exigences en eau lors du grossissement du bulbe. À l'inverse, des excès prolongés d'humidité dus à un mauvais drainage après de fortes précipitations peuvent provoquer une asphyxie racinaire, son enracinement étant superficiel. De plus, des températures élevées peuvent altérer l'efficience de certains processus métaboliques impliqués dans la photosynthèse. Les zones de production qui existent à travers le monde sont nombreuses et le nombre de génotypes est multiple : la réponse au stress causé par la chaleur ou aux excès d'humidité est donc différente.
Des variétés jaunes et rouges à l'essai
En 2022 et 2023, l'antenne CTIFL de Brindas a mené deux essais variétaux avec 22 cultivars d'oignons rouges et d'oignons jaunes, issus de différents horizons géographiques. Ces essais ont permis d'évaluer les comportements de ces 22 variétés en fonction des conditions climatiques observées : rendement, répartition des calibres, tolérance aux maladies et comportement en conservation. Les essais sont conduits en agriculture conventionnelle. Pour garantir une meilleure reprise et une meilleure gestion des adventices, la transplantation de mottes de 4 cm contenant 3 à 4 graines est préférée au semis.
L'essai mené en 2022 a connu 9 jours de très fortes chaleurs (> 35 °C) et 52 jours de fortes chaleurs (> 30 °C). Quant à l'essai de 2023, il a connu 11 jours de très forte chaleur (> 35 °C) et 35 jours de fortes chaleurs (> 30 °C). La pluviométrie relevée sur la durée du cycle 2022 est de 238 mm. La distribution des pluies est hétérogène en raison de l'existence d'une période sèche entre début juillet et mi-août (Figure 1). Des apports fréquents d'irrigation sont apportés sur la culture pour satisfaire le grossissement des bulbes, phase cruciale de l'élaboration du rendement de l'oignon. En 2023, la pluviométrie s'élève à 223 mm et la distribution des précipitations est plus homogène qu'en 2022. Les épisodes pluvieux survenus fréquemment à la fin du printemps et au début de l'été ont favorisé l'apparition du mildiou dès la mi-juillet. Ils ont parfois entraîné de l'asphyxie racinaire dans certains endroits de la parcelle de l'essai. En 2022, le climat observé lors du cycle de culture est donc plus chaud et plus sec qu'en 2023.

Au cours des années 2022 et 2023, les rendements moyens observés sont assez similaires (Figure 2). Néanmoins, en 2023, la variabilité est plus marquée au vu du nombre plus élevé de groupes statistiques. En 2022, concernant les oignons de couleur jaune, la variété Legend, variété de référence dans la Drôme et d'origine espagnole, a montré un rendement de 5,8 kg/m2 significativement supérieur aux autres cultivars. En 2023, elle s'est avérée être la deuxième variété la plus productive avec un rendement de 6,7 kg/m2. Elle a produit un nombre plus conséquent de bulbes de gros calibres. Legend a donc un bon potentiel de rendement et présente un compromis correct en conservation. Highlander, variété de référence régionale, a montré des rendements corrects et similaires en 2022 et 2023 : 4,6 et 5,0 kg/m2. Lors de la première année, la majorité des variétés ne présentaient que très peu de différences de rendement entre elles. La variété Nation a montré le plus faible potentiel de rendement au cours des deux années avec 3,6 kg/m2 en 2022 et 3,0 kg/m2 en 2023. La variété Sonoma, évaluée uniquement en 2023, a présenté un rendement significativement plus élevé que les autres variétés (8,1 kg/m2) mais une plus faible aptitude à la conservation. Les conditions chaudes observées en 2022 expliquent en partie les plus fortes proportions de bulbes de calibres supérieurs à 80 mm observés cette année-là. En 2022, une forte corrélation entre le rendement et le calibre est mise en évidence. Les variétés à gros bulbe Musica, Hysinger, Legend et Prelesco affichent des rendements généralement supérieurs.

Concernant les oignons de couleur rouge, la variété Redbull est systématiquement parmi les plus productives avec 5,7 kg/m2 en 2022 et 4,8 kg/m2 en 2023, mais elle est sensible au mildiou (4,7/5). La variété Redflash a montré le plus faible potentiel de rendement au cours des deux années d'essais avec 3,5 kg/m2 en 2022 et 3,4 kg/m2 en 2023. Pour les oignons rouges, l'origine géographique influence fortement la répartition des calibres : les variétés avec des croisements de génétiques Amérique × Italie ou Pays-Bas × Italie ont généré une plus grande proportion de bulbes à gros calibre.
Impact de l'origine géographique
Plus généralement, au vu des résultats présentés dans le tableau de la figure 2, l'origine géographique n'a pas eu de nette influence sur la productivité. En effet, lors des deux années d'essais, des variétés adaptées au climat méditerranéen ou d'outre Atlantique ont montré des potentiels de rendement similaires à des variétés adaptées au climat du nord de l'Europe (Pays-Bas). Ceci est vérifié, par exemple, en comparant les performances des variétés Hytune ou Hylander avec celles de Prelesco ou de Restora. Concernant la tolérance au mildiou, l'année 2023, plus humide que 2022, a permis d'établir un gradient de résistance : les variétés d'origine du nord de l'Europe montrent des seuils de tolérance élevés alors que, sans grandes surprises, les génotypes adaptés au sud de l'Europe se sont avérés beaucoup plus sensibles. Concernant la précocité, les variétés méditerranéennes ou américaines sont généralement récoltées plus tôt (indice de précocité P0/P1) que les génotypes hollandais qui sont souvent plus tardifs (indice de précocité P2/P3).
Remaniement calendaire du chou cabus pour une stratégie d'évitement
Le calendrier usuel de production
En région Auvergne-Rhône-Alpes, les dernières plantations de chou cabus s'effectuent habituellement fin juin début juillet, au cours des semaines 26 et 27. L'arrivée en production de variétés précoces (70-90 jours) s'avère parfois trop rapide, dès le mois de septembre, ou retardée du fait de conditions climatiques défavorables qui perturbent le cycle de certains cultivars. Une arrivée en production trop précoce peut engendrer différentes contraintes pour le maraîcher : absence de marché, stockage précoce en chambre froide entraînant une hausse de la consommation énergétique ou encore nécessité de main-d'oeuvre à des périodes peu propices. Les variétés moyennement précoces (110-140 jours), prévues pour une récolte échelonnée au cours de l'automne/hiver, peuvent également voir leur durée de cycle bouleversé si les températures observées à l'automne sont trop élevées. De plus, lorsque les températures sont élevées, la nuisibilité de certains ravageurs peut également être accentuée. À titre d'exemple, les altises, les punaises et les thrips sont plus préjudiciables pour les crucifères en conditions chaudes et sèches.
Le remaniement calendaire de l'essai
Deux leviers agronomiques sont actionnés dans ce projet : le remaniement calendaire et le choix variétal. Un essai a comparé sept variétés de chou cabus blanc de cycle moyen (140-150 jours). Ils sont plantés à deux dates espacées d'un mois et conduits en agriculture conventionnelle. La première date de plantation correspond au créneau dit classique. La deuxième date de plantation est un report de plantation d'un mois par rapport à l'extrémité du créneau classique.
La figure 3 retrace la succession des différentes vagues de chaleur de l'été 2023 qui a été chaud et marqué par des périodes de canicule. Les températures maximales relevées au cours du mois de septembre sont encore élevées, dépassant à plusieurs reprises les 30 °C. À partir d'octobre, les températures maximales sont situées autour de 10 à 20 °C et sont plus proches des normales saisonnières de l'automne, le premier épisode de gel est survenu le 8 novembre.

Durant l'été, les précipitations sont plutôt irrégulières et globalement assez déficitaires. Cependant des pics notables sont repérés fin juillet et début août, issus d'épisodes orageux de fin de journée. À partir de la mi-septembre, les précipitations se sont intensifiées, approchant parfois 20 mm par jour. À partir de la mi-octobre, elles sont quasiment journalières jusqu'à la fin du mois de novembre.
Impact sur le calendrier de production
La récolte de la série du créneau classique a débuté le 29 septembre. Le cycle de culture s'est donc étendu sur une durée de 140 jours à compter du semis, une durée en conformité avec les informations fournies par les obtenteurs des variétés (Figure 4).

Pour la série reportée d'un mois, le cycle de culture a duré 25 semaines ou approximativement 175 jours entre le semis et la récolte. Le remaniement calendaire a eu un effet direct sur la longueur des cycles culturaux observés. En effet, un mois supplémentaire est nécessaire à la culture implantée tardivement pour que les variétés atteignent leur stade optimal de récolte.
Impact sur le rendement et le taux de coupe
Le rendement net moyen, exprimé en kg/m2, pour les différentes variétés de chou est majoritairement plus élevé pour la série reportée d'un mois (Figure 5). En effet, les rendements du créneau classique ont évolué entre 1,6 et 3,0 kg/m2, soit entre 16 et 30 t/ha, tandis que les rendements de la série reportée d'un mois se situent entre 1,9 et 3,6 kg/m2, soit entre 19 et 36 t/ha.
Les variétés Expect - la référence du créneau, Impala, Bejo 3566 (nouveauté) et Expectation ont montré les meilleurs rendements : ils se situent entre 2,5 et 3,5 kg/m2. La variété Expect et les deux nouveautés Bejo 3566 et Bejo 3611 affichent les meilleurs taux de coupe du créneau classique (88-90 %). La variété Expectation et les deux nouveautés Bejo 3566 et Bejo 3611 sont les trois meilleures variétés en termes de nombre de têtes récoltées dans la série reportée d'un mois (Figure 5). La variété Impala a montré des taux de coupe quasiment similaires entre les deux séries. La variété Kilastor a globalement montré le taux de coupe le plus faible de l'essai avec 75 % et 77 % de têtes récoltées sur les deux créneaux. Plus généralement, à l'exception des variétés Expect et Impala, les taux de coupe observés dans la série reportée d'un mois sont légèrement plus élevés pour l'ensemble des variétés évaluées, le remaniement calendaire semble n'avoir pas trop impacté ce critère. La réduction du taux de coupe est due au fait que quelques plantes n'ont jamais atteint leur stade optimal de récolte en formant des pommes non commercialisables, peu denses et de taille réduite. Elles ont de ce fait été laissées au champ.

Impact sur la pression des ravageurs
D'après la figure 6, la pression des bioagresseurs est moins importante sur la série reportée d'un mois. L'intensité des attaques de punaises Euryderma ornata était de 4/5 sur le créneau classique alors qu'elle est de 1/5 sur la série reportée d'un mois. Concernant les thrips, le remaniement calendaire effectué a également permis d'abaisser la pression de manière similaire.

Le projet ADICT - Adaptation Des Itinéraires Culturaux face au changement climaTique
Le projet est mené de 2022 à 2024 dans le cadre d'un projet rattaché au dispositif PEPIT (financement issu de la région Auvergne-Rhône-Alpes). Plusieurs leviers agronomiques, tels que le choix variétal, le remaniement calendaire ou l'association de cultures, sont expérimentés. Les essais variétaux ont porté sur l'étude de différentes espèces comme l'oignon de conservation, le fenouil ou le chou-fleur sur un créneau de production d'été. Les essais de remaniement calendaire sont axés sur deux cultures : le chou cabus et l'épinard. Les expérimentations portant sur l'association de culture se sont focalisées sur la conduite du poivron en plein champ.
Les données clés à retenir
Adaptation des itinéraires techniques face au changement climatique - Maraîchage dans le bassin lyonnais
En 2022 et 2023, des cultivars d'oignons jaunes et rouges issus d'horizons géographiques différents sont évalués sur leurs performances agronomiques. Leur rendement n'est pas influencé par l'origine des cultivars. Ces essais confirment que des variétés adaptées aux climats du nord ou du sud de l'Europe, voire d'outre Atlantique sont cultivables en région lyonnaise.
Concernant la culture du chou cabus, un report de plantation d'un mois par rapport à l'extrémité d'un créneau de production classique n'a pas impacté négativement le rendement. Cependant le cycle de culture est allongé de 35 jours. Le décalage du calendrier a réduit drastiquement la pression des bioagresseurs, notamment le thrips et la punaise Euryderma ornata.
Key points
Adaptation of technical itineraries in the Lyon area (France) to climate change
The ADICT project, market gardening and climate change
In 2022 and 2023, yellow and red onion cultivars from different geographical areas were evaluated for their agronomic performance. Their yield is not influenced by the origin of the cultivars. These trials confirm that varieties adapted to climates in northern and southern Europe, and even across the Atlantic, can be grown in the Lyon area. As far as cabbage is concerned, a one-month delay in planting compared with planting of conventional crops had no negative impact on yield. However, the crop cycle was lengthened by 35 days. The calendar shift drastically reduced pest pressure, particularly from thrips and the shield bug Euryderma ornata.