La myrtille
Myrtille sauvage versus myrtille cultivée
La myrtille est de plus en plus prisée tant pour ses qualités gustatives que pour ses bienfaits sur la santé. Consommée sous différentes formes (fraîche, cuite, séchée, en jus, etc.), elle séduit un nombre croissant de consommateurs. La myrtille appartient à la famille des Éricacées. L'espèce sauvage européenne Vaccinium myrtillus se distingue des variétés cultivées nord-américaines Vaccinium corymbosum. La myrtille sauvage est un arbrisseau rampant de 20 à 60 cm, tandis que les variétés cultivées peuvent atteindre jusqu'à 2 m de hauteur. La floraison intervient au printemps, avec de petites fleurs en forme de cloche, généralement blanches ou rosées. La fructification a lieu en été, entre juin et septembre selon les variétés et les régions. Le fruit est recouvert de pruine, lui donnant un aspect légèrement poudré. Sa culture nécessite un sol acide (pH entre 4 et 5,5), bien drainé et riche en matière organique ainsi qu'une exposition ensoleillée. Sensible à la sécheresse, elle demande une irrigation maîtrisée. Très rustique, elle supporte bien le froid hivernal, mais les gelées tardives peuvent endommager les fleurs.
Le marché de la myrtille
Un marché mondial en pleine croissance
Le marché mondial de la myrtille est en forte expansion. Avec environ 296 000 tonnes produites (voir l'article Le marché des petits fruits rouges poursuit sa croissance p. 15), les États-Unis sont de très gros producteurs, suivis du Canada qui domine la production de myrtilles sauvages (160 000 t). Depuis les années 2010, l'Amérique latine a pris une place croissante avec le Pérou (290 000 t), le Chili (100 000 t) et le Mexique (70 000 t), qui offrent une production contre-saisonnière par rapport à l'hémisphère nord. Le Maroc (60 000 t) s'impose également sur le marché, tandis que la Pologne, l'Espagne et le Portugal sont les principaux producteurs en Europe.
La situation française
En France, la production reste modeste (2 000 t), concentrée dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Nouvelle-Aquitaine et Bretagne. Deux modèles coexistent : la cueillette sauvage traditionnelle (Vosges, Cévennes, Massif central) et la culture de variétés sélectionnées, en agriculture conventionnelle ou biologique. La consommation française a fortement augmenté au cours de la dernière décennie, portée par l'intérêt pour une alimentation plus saine et par la place qu'elle occupe sur les étals.Pour répondre à cette demande croissante, la France importe une part importante de ses myrtilles, notamment d'Espagne, du Maroc, du Pérou et du Chili.
Valeur nutritionnelle et atouts santé
La myrtille est riche en eau (84 %) et peu calorique (57 kcal/100 g). Elle offre des apports intéressants en fibres, vitamines C et K1. Mais ce sont surtout ses polyphénols - et notamment ses anthocyanes, des pigments antioxydants - qui lui confèrent ses bienfaits santé reconnus. Ces composés sont associés à la protection cellulaire, au ralentissement du vieillissement, à l'amélioration de la circulation sanguine et à la prévention des maladies cardiovasculaires [1, 2, 3]. Des études suggèrent également un effet favorable sur la mémoire, les fonctions cognitives et la réduction des risques de diabète de type 2 grâce à un impact modéré sur la glycémie [4, 5, 6, 7].
L'étude du CTIFL
Les qualités organoleptiques et nutritionnelles sont des facteurs importants à prendre en compte dans le choix d'un matériel végétal adapté à la production française. Les consommateurs sont de plus en plus attentifs à leur alimentation et notamment à l'origine des produits, au goût et à la santé [8]. Les travaux du CTIFL menés depuis 2021 concernent la qualité gustative mais aussi les composés santé des myrtilles. Les valeurs de référence ainsi que la variabilité associée pour les principaux paramètres de qualité ont ainsi pu être déterminées. De plus, en 2023 et 2024, deux études consommateurs ont mis en évidence les critères de préférence et ont permis d'identifier deux profils de consommateurs aux attentes différentes.
Sur quatre années, plus de 70 lots de myrtilles sont étudiés par des méthodes descriptives avec l'utilisation de l'analyse sensorielle et des mesures physico-chimiques. Le matériel végétal observé représente 34 variétés. Les myrtilles sont issues de lots commerciaux, de produits de niche, de jeunes vergers ou de vergers producteurs historiques. Quelques lots sont issus de la collection variétale du centre CTIFL de la Morinière, qui en étudie les qualités agronomiques.
Qualité sensorielle et préférences des consommateurs des myrtilles cultivées
Une variabilité forte de la qualité gustative de la myrtille cultivée
Les myrtilles sont rarement vendues calibrées et un même lot contient plusieurs tailles de baies. Le poids moyen observé d'une baie est de 1,8 g. Le poids est corrélé à la taille et varie du simple au triple, allant de 0,8 g à 3 g. Au niveau de la couleur, il y a très peu de différence et les nuances de teinte de bleue sont peu visibles une fois à maturité. En revanche les baies violettes sont des baies en sous maturité. La couleur est le principal critère de déclenchement de récolte. La quantité de pruine est variable et constitue un trait variétal.
Les valeurs de l'indice réfractométrique (IR) varient du simple au double, soit de 9,4 à 18 % Brix. L'acidité moyenne est de 12,8 meq/100 g de matière fraîche et s'étend de 2,5 à 26 meq/100 g. Certains lots présentent donc une acidité très élevée. Les plages de variation pour l'indice réfractométrique (IR), l'acidité totale (AT) et la souplesse de la baie (Durofel) sont présentées dans la figure 1.
Les valeurs d'indice réfractométrique et d'acidité ne sont pas corrélées au ressenti en bouche car la perception résulte d'un équilibre complexe entre le sucre, l'acidité, les arômes et la texture. L'analyse sensorielle s'avère donc l'outil le plus adapté pour mesurer la qualité organoleptique. Bien que basée sur l'appréciation d'individus, la méthode d'analyse descriptive quantitative permet d'atteindre une bonne objectivité, la subjectivité des sujets étant maîtrisée. De plus, les références de sensation sont harmonisées par plusieurs séances d'entraînement pour tendre à un consensus et à un étalonnage de notation pour chaque terme de description. Les dégustations sont réalisées dans le laboratoire d'analyse sensorielle du CTIFL. Le panel est entraîné chaque année avant la saison. Les profils sensoriels conventionnels sont établis dans le respect de la norme NF ISO 13299. Chaque séance se déroule en box individuel. Dix baies de myrtilles par lot sont présentées à chacun des panélistes. Pour prendre en compte la variabilité intra-lot, les échantillons sont évalués selon la méthodologie déterminée par les travaux précédents [9].
Les principaux paramètres de différenciation des myrtilles sont les critères de goût c'est-à-dire les saveurs sucrée et acide, couplées à l'intensité aromatique, et les attributs de texture tels que le croquant, la jutosité et la texture pâteuse (Figure 2). La qualité perçue lors de la dégustation est la résultante des interactions entre les différents paramètres. Le sucre et l'acidité sont perçus par les récepteurs gustatifs situés sur la langue [10] et les arômes sont des composés volatils perçus par les récepteurs olfactifs. Le cerveau intègre l'ensemble des stimuli pour ne donner qu'une seule interprétation. Ainsi, la dégustation permet une caractérisation des perceptions. L'analyse des corrélations montre que l'indice réfractométrique est davantage corrélé à l'intensité aromatique (coefficient de corrélation = 0,54) qu'à la perception du sucre (coefficient de corrélation = 0,48). Cela s'explique par le fait que le sucre est un exhausteur de goût. L'acidité totale, en revanche, est plutôt bien corrélée à la perception humaine.
Quatre classes de qualité
Les qualités sensorielles des 76 lots de myrtilles évalués sont extrêmement variables et se classent en quatre typologies de produits distincts. La classe 1 représente des myrtilles plus pâteuses, moins croquantes, moins juteuses, moins fermes, moins acides, moins aromatiques et moins sucrées. Quinze lots se trouvent dans cette classe. La classe 2 regroupe des myrtilles plus acides et moins sucrées. Elles sont moins juteuses et moins aromatiques que la moyenne. 18 lots sont dans cette classe. La classe 3 comprend des myrtilles plus juteuses, croquantes, acidulées et aromatiques. Cette classe regroupe 58 lots. Enfin la classe 4 correspond à des fruits particulièrement sucrés et aromatiques sans acidité. Elle ne compte que 8 lots.
Comme toutes productions en arboriculture, la construction de la qualité est multifactorielle. Elle se détermine au verger et doit être maintenue au cours de la commercialisation. La qualité résulte de l'interaction entre la génétique, les conditions environnementales et les pratiques agronomiques. La génétique n'est pas forcément le facteur prépondérant impactant la qualité des myrtilles cultivées. En effet, cette étude met en évidence des variabilités fortes au sein d'un même lot et également entre plusieurs lots au sein d'une même variété (Figure 3). Certaines variétés présentent des caractéristiques différentes selon les lots testés et sont donc très variables. Par exemple, Duke ou Aurora se trouve dans les quatre classes de qualité identifiées. Une part de la variabilité peut s'expliquer par le stade de développement de chaque baie. La formation et la maturation des baies se produisent de manière non synchronisée avec un étalement allant de 3 à 5 semaines selon les variétés. La récolte des fruits est basée sur la couleur : des baies de même apparence peuvent avoir une maturité physiologique différente entraînant des qualités organoleptiques spécifiques [11].
Une sous-maturité de récolte va donner une myrtille moins sucrée et plus acide et va impacter négativement le développement des arômes. La durée de conservation affecte plutôt la texture. La jutosité diminue et la texture pâteuse augmente. En revanche, le croquant peut augmenter après une courte conservation de quelques jours, lié notamment à une déshydratation des baies.
Les préférences consommateurs
En 2024, une étude consommateurs est menée auprès de 147 convives à domicile. Chaque consommateur a dégusté onze lots de myrtilles et a traduit son appréciation par une note de 0 à 10. Le croisement des données du profil sensoriel et des tests hédoniques auprès des 147 consommateurs permet de réaliser une carte des préférences. Les zones d'appréciation des consommateurs sont positionnées sur la carte des produits et le pourcentage de consommateurs satisfaits est modélisé par un code couleur allant du rouge au bleu (Figure 4). Plus la zone est rouge, plus le nombre de consommateurs satisfaits est important et inversement, plus le graphique tend vers le bleu, moins le pourcentage de consommateurs satisfaits est élevé. Cette analyse permet d'identifier les caractéristiques des myrtilles aimées par les consommateurs : les myrtilles les plus appréciées sont à la fois sucrées, aromatiques et juteuses, avec des notes de fruits noirs et de myrtilles sauvages. Le profil qui représente le produit le plus apprécié est sucré, aromatique et peu acide. La perception d'un fruit sucré est un moteur de l'appréciation des consommateurs, à l'inverse de l'acidité. Néanmoins, il n'y a pas de zone entièrement bleue, ni entièrement rouge. Aucun produit ne satisfait plus de 80 % des consommateurs dans l'offre évaluée dans cet essai.
En complément, l'analyse de la perception de la qualité par les consommateurs à partir de la méthode JAR (Just About Right) permet de déterminer quelles sont les caractéristiques des myrtilles qui influencent les appréciations positivement ou négativement. Les critères qui ont un effet négatif sur l'appréciation sont, par ordre d'importance, le manque d'arôme, le manque de sucre, l'excès d'acidité, le manque de jutosité puis le manque de croquant ou l'excès de pâteux (Figure 5). Le goût est plus impactant que la texture (Figure 6).
Deux groupes de consommateurs aux attentes distinctes
Pour aller plus loin dans l'analyse, une classification des consommateurs sur la base des notes d'appréciation est réalisée afin d'analyser comment se structurent les préférences. Deux groupes de consommateurs sont ainsi identifiés : ils ont des attentes différentes et n'aiment pas les mêmes caractéristiques dans les myrtilles. Le premier groupe donne la priorité aux arômes et à la texture alors que le deuxième met l'accent sur le sucre. Les motivations d'achat et les comportements de ces deux groupes se différencient par leurs habitudes de consommations et leur connaissance du produit.
Le groupe 1 représente 52 % des consommateurs interrogés. Ils sont plutôt amateurs de myrtille. Ces consommateurs habituels sont principalement des quinquagénaires de classe moyenne et en majorité des femmes. Ils consomment les myrtilles essentiellement crues et natures, pendant les repas. Leurs préférences s'orientent donc vers un fruit avant tout croquant, aromatique et juteux. La première raison de leur consommation est l'appréciation de cette petite baie. Pour eux, l'expérience sensorielle est primordiale. Ils sont prêts à payer un prix premium pour des produits qui répondent à leurs attentes en termes de goût et de plaisir.
Le groupe 2 représente les non-connaisseurs (48 %) où les familles et les jeunes actifs sont surreprésentés. Ce groupe consomme moins de myrtilles et 10 % n'en consomment jamais, ni crues ni natures. Ils sont peu connaisseurs du produit et de plus faibles acheteurs. Leur critère de préférences est donc un fruit sucré et sans acidité. Le profil type de ces consommateurs est préférentiellement les femmes de moins de 34 ans, vivant en famille avec 2 enfants et issues de catégories aisées. Ces résultats sont concordants avec l'étude américaine de Gilbert et al. [12] qui a montré que les préférences variaient selon le sexe, l'âge et le revenu. Les plus jeunes manifestent également un intérêt pour les myrtilles. Ces résultats sont encourageants pour la consommation future mais pose la question du prix d'achat. En effet, les myrtilles restent un produit cher, privilégié par les catégories aisées ou intermédiaires. Les achats se font majoritairement en supermarchés mais les grandes surfaces frais sont en deuxième position et particulièrement bien placées sur l'offre de petits fruits. Ces points de vente sont un des rares distributeurs à proposer une offre vrac ou en colisage plus important.
Pour les acheteurs, les critères de choix sont avant tout l'aspect, avec une attention particulière portée à la fraîcheur et à la couleur. En deuxième choix, les consommateurs privilégient l'origine ou la production française locale. La sensibilité au prix arrive en troisième critère de choix déclaré. Les consommateurs sont regardants, surtout lorsqu'il s'agit de fruits frais. Le prix élevé peut dissuader certains acheteurs. Si les promotions et les réductions de prix sont des stratégies efficaces pour augmenter les ventes, surtout pendant les périodes de forte production, la myrtille reste un produit cher.
La myrtille est avant tout consommée pour se faire plaisir, avant l'aspect santé. Le prix est associé à la qualité perçue du produit. Il est donc important de ne pas décevoir le consommateur. 52 % du panel interrogé place les arômes et les saveurs comme principaux critères de satisfaction. Les nouvelles sélections ne doivent donc pas s'orienter uniquement sur des fruits fermes et résistants à l'itinéraire de commercialisation. Il est nécessaire pour les programmes de sélection de mettre l'accent sur la qualité des arômes qui influencent prioritairement les préférences des consommateurs tout comme le souligne également l'étude récente de Colantonio et al. [13].
Analyses biochimiques
Plus de 70 lots de myrtille (V. corymbosum) regroupant près de 30 variétés ont été analysés au laboratoire sur la période 2021-2024 (Figure 7). Ces analyses biochimiques permettent d'évaluer la qualité nutritionnelle proposée in fine au consommateur. Pour cela, des lots commerciaux sont directement prélevés chez des producteurs ou dans des structures commerciales (expéditeurs, importateurs...). La majorité des lots est principalement issue de production française mais certains lots d'import sont également caractérisés.
Les teneurs en vitamine C (acide ascorbique et déhydroascorbique), en caroténoïdes (lutéine et ß-carotène) et en tocophérols (a-, ?- et d-tocophérol) sont déterminées ainsi que celles de 31 composés polyphénoliques (3 flavan-3-ols, 7 acides hydroxycinnamiques, 8 flavonols et 13 anthocyanes). Les principales caractéristiques physico-chimiques (matière sèche, indice réfractométrique, acidité titrable) ainsi que les teneurs en sucres (glucose, fructose, saccharose) et en acides organiques (acide citrique, malique, quinique et shikimique) sont également déterminées.
Pour chaque lot de myrtille, trois barquettes de 125 g sont analysées, soit un total de 222 échantillons. Ce sont plus de 12 000 données mesurées sur quatre ans. Les lots sont tous analysés au stade distribution sauf pour les variétés Drapper et Duke pour lesquelles les analyses de 2024 sont aussi réalisées dans le cadre d'essais menés en conservation. Dans le cadre de cette synthèse, seuls les principaux résultats concernant les teneurs en vitamine C et en polyphénols des lots analysés au stade distribution seront fournis. Les résultats concernant les analyses réalisées après conservation feront l'objet d'un autre article.
Vitamine C, myrtille et autres petits fruits rouges
La vitamine C, aussi appelée acide ascorbique, est une vitamine essentielle pour l'être humain [14, 15]. Elle intervient dans de nombreux processus biologiques : elle soutient en particulier le système immunitaire, participe à la synthèse du collagène et favorise l'absorption du fer non héminique. Elle agit comme un puissant antioxydant. Les petits fruits rouges sont souvent considérés comme d'excellentes sources naturelles de cette vitamine. Cependant tous les petits fruits rouges ne se valent pas sur ce plan.
Dans les différentes bases de données internationales (Ciqual Anses, Public Health England, USDA), la myrtille est donnée pour apporter entre 7 et 12 mg de vitamine C pour 100 grammes de fruit frais. Cela correspond à environ 12 % des apports journaliers recommandés (AJR) en vitamine C qui sont fixés autour de 90 mg pour un adulte. Parmi les petits fruits rouges, le champion incontesté de la vitamine C est le cassis : il peut contenir entre 150 et 200 mg pour 100 g, soit plus de 200 % des AJR. Le cassis est suivi par la fraise, dont la teneur moyenne en vitamine C se situe autour de 60 mg/100 g et couvre donc environ 65 % des AJR, puis par la groseille qui couvre environ 50 % des AJR. En revanche, la framboise, la mûre et la cerise ont des niveaux proches de ceux de la myrtille. En moyenne, pour 100 g de fruit, la framboise contient entre 20 et 30 mg de vitamine C, la mûre entre 15 et 20 mg et la cerise entre 7 et 15 mg. Cette teneur moyenne de la myrtille aux alentours de 10 mg/100 g peut sembler modeste d'autant plus que la myrtille est souvent perçue comme un « superfruit ». Malgré tout, cette valeur reste intéressante, notamment si la myrtille est consommée régulièrement et en quantité suffisante, ce qui n'est pas forcément le cas du cassis.
Si les bases de données sur la composition chimique des fruits et légumes sont des outils essentiels de connaissance en nutrition, en agroalimentaire, en recherche et en santé publique, les données qui y figurent sont des moyennes et la variabilité biologique est généralement lissée voire ignorée. Or la composition chimique d'une espèce est connue pour varier fortement selon plusieurs facteurs tels que la variété, le stade de maturité à la récolte et les conditions de culture ou de conservation, d'où les résultats présentés ci-après.
Les teneurs en vitamine C et en polyphénols totaux des 54 lots de myrtille analysés au stade distribution sont données dans la figure 8. Ces figures indiquent également les paramètres de position usuels : 1er quartile (Q1), médiane (Q2) et 3e quartile (Q3). Pour rappel, le 1er quartile (Q1) correspond à la valeur en dessous de laquelle 25 % des données se trouvent, la médiane (Q2) sépare les 50 % inférieurs de l'autre moitié et le 3e quartile (Q3) correspond à la valeur en dessous de laquelle 75 % des données se trouvent. Afin d'illustrer la variabilité des données, les valeurs des variétés les plus représentées en nombre de lots dans notre étude sont colorées en mauve pour la variété Aurora, en rouge pour la variété Duke et en bleu pour la variété Legacy.
Si la valeur moyenne en vitamine C de 8,7 mg/100 g observée pour les 54 lots de l'étude est en accord avec la valeur moyenne indiquée dans les différentes bases de données, les résultats montrent qu'avec des valeurs comprises entre 3 et 16 mg/100 g, les teneurs varient dans un rapport de 1 à 5 (Figure 8A). Les résultats montrent également que, pour une variété donnée, il existe une très forte variabilité liée à différents facteurs tels que l'année, la provenance, la maturité, etc. Concernant les six lots de la variété Duke, si les teneurs des lots Du1, Du2, Du3 et Du6 sont dans la fourchette haute des résultats car supérieures au 3e quartile (Q3), celles des lots Du4 et Du5 sont bien inférieures au 1er quartile (Q1) et donc parmi les plus faibles de l'étude. Bien que moins prononcés, des résultats analogues sont observés pour les différents lots de la variété Legacy. Concernant la variété Aurora, tous les lots présentent des valeurs inférieures à la médiane (Q2) voire inférieures au 1er quartile (Q1) pour quatre d'entre eux.
Les polyphénols de la myrtille, des antioxydants puissants au service de la santé
Les polyphénols neutralisent les radicaux libres en réduisant le stress oxydatif impliqué dans le vieillissement, les maladies cardiovasculaires, certains cancers et les troubles neurodégénératifs. Les polyphénols de la myrtille avec leur effet antioxydant sont associés à plusieurs effets bénéfiques sur la santé [1, 2, 3]. Les anthocyanes, en particulier, sont décrites pour améliorer la fonction endothéliale, réduire la pression artérielle et limiter l'oxydation du cholestérol LDL et donc avoir un effet sur la santé cardiovasculaire. D'autres études ont également montré que la consommation régulière de myrtilles pouvait améliorer la mémoire et la concentration et ainsi ralentir le déclin cognitif chez les personnes âgées, voire encore protéger la rétine contre les dommages oxydatifs, en améliorant potentiellement la vision nocturne et en réduisant les risques de dégénérescence maculaire.
Parce que, dans la littérature, les méthodes de dosage des composés polyphénoliques peuvent être hétérogènes et parfois difficilement comparables (HPLC vs spectrométrie par exemple), les teneurs qui sont indiquées dans les bases de données doivent être appréciées avec précaution. Néanmoins dans les travaux de Neveu et al. [16] et ceux de Rothwell et al. [17], la teneur moyenne en polyphénols totaux de la myrtille est donnée pour être autour de 525 mg/100 g. En comparaison, la teneur moyenne d'autres petits fruits rouges tels que la framboise se situe autour de 155 mg/100 g, la fraise autour de 290 mg/100 g et le cassis autour 820 mg/100 g.
Plus de 30 composés polyphénoliques sont dosés dans cette étude. Parmi eux, 13 appartiennent à la famille des anthocyanes, 7 à celle des acides hydroxycinnamiques, 8 aux flavonols et 3 aux flavan-3-ols. Les teneurs en anthocyanes sont comprises entre 181 et 451 mg/100 g et celles en acides hydroxycinnamiques entre 49 et 295 mg/100 g. Ces composés sont largement majoritaires dans toutes les variétés de myrtille analysées et représentent à eux seuls 70 à 94 % des composés polyphénoliques totaux. Dans cette étude, les principales anthocyanes sont la cyanidine-3-glucoside, la delphinidine-3-glucoside, la malvidine-3-glucoside et la peonidine-3-galactoside, tandis que l'acide chlorogénique est le principal acide hydroxycinnamique. Viennent ensuite les flavonols (16 à 130 mg/100 g) dont les dérivés de quercétine, de myricétine et de kaempférol et enfin les flavan-3-ols (2-53 mg/100 g) dont principalement la catéchine et l'épicatéchine.
Les teneurs en polyphénols totaux dans les différents échantillons de myrtille sont données dans la figure 8B. Si la valeur moyenne en polyphénols totaux de 557 mg/100 g observée pour les différents lots de l'étude est en accord avec celles mentionnées précédemment (16-17), les résultats montrent qu'avec des valeurs comprises entre 271 et 936 mg/100 g, les teneurs en polyphénols totaux des différents échantillons varient de 1 à plus de 3. Pour certains lots, les teneurs sont équivalentes à celles du cassis.
Comme pour la vitamine C, les résultats montrent également que, pour une variété donnée, il existe une très forte variabilité. Concernant les lots de la variété Aurora si la teneur du lot Au3 avec 720 mg/100 g est plutôt dans la fourchette haute des résultats, celle du lot Au5, avec une valeur de 271 mg/100 g, est la plus faible de notre étude. Les teneurs observées pour les six lots de la variété Legacy sont toutes situées bien au-delà de la médiane (Q2) voire pour certaines supérieures au 3e quartile (Q3).
Conclusion
Cette étude, menée sur 54 lots de myrtille et regroupant une trentaine de variétés, met en évidence une forte variabilité dans leur composition chimique. Ces résultats montrent également que pour maximiser son apport en vitamine C à partir des petits fruits rouges, il est peut-être préférable de privilégier des espèces comme le cassis, la fraise ou la groseille. Pour autant, la myrtille n'en reste pas moins un fruit précieux, en raison notamment de ses teneurs importantes en composés polyphénoliques. Ainsi, dans une alimentation variée, l'idéal est de consommer plusieurs types de fruits, rouges ou autres, afin de bénéficier d'un éventail large et équilibré de micronutriments et d'antioxydants.
Les données clés à retenir
Attentes consommateurs et qualité nutritionnelle : les atouts de la myrtille - Qualité, préférences et leviers d'optimisation pour la filière française
Bien qu'en constante croissance, la myrtille est peu connue de la moitié des consommateurs interrogés. Ses caractéristiques varient tant sur le plan physico-chimique que sensoriel. Sa qualité dépend de la génétique, des conditions environnementales et des pratiques agronomiques. En rayon, les critères de choix sont l'aspect, l'origine et le prix. Deux profils de consommateurs émergent : les connaisseurs recherchent croquant, arôme et jutosité et les novices, le sucré. Pour la filière, les enjeux sont multiples : identifier des variétés adaptées au contexte pédoclimatique français, garantir la qualité de la production à la vente et répondre aux attentes sensorielles. Si la vitamine C est modérée, la richesse en polyphénols en fait un fruit santé. Une sélection variétale orientée plaisir et bienfait nutritionnel serait un levier clé.
Key points
Consumer expectations and nutritional quality: the advantages of myrtle blueberries - Quality, preferences and optimisation levers for the French industry
Although purchases of myrtle blueberries are constantly growing, half of the consumers surveyed knew little about them. Their characteristics vary in terms of both physico-chemical and sensory properties. Fruit quality depends on genetics, environmental conditions and agronomic practices. On the shelf, the criteria for choice are appearance, origin and price. Two consumer profiles are emerging: connoisseurs who are looking for crunchiness, aroma and juiciness, and novices who are looking for sweetness. For the industry, the challenges are many: identifying varieties suited to the French soil and climate, guaranteeing quality from production to sale, and meeting sensory expectations. While the vitamin C content is moderate, its high polyphenol content makes it a healthy fruit. Varietal selection geared towards pleasure and nutritional benefits would be a key lever.
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