Désinfection à l'eau chaude pour allonger la durée de conservation du potimarron

Bilan des essais sur machines industrielles

Désinfection à l'eau chaude pour allonger la durée de conservation du potimarron
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Pour aider les producteurs français à mieux conserver leurs potimarrons et limiter les pertes, le CTIFL a évalué l'intérêt de l'application de la thermothérapie en post-récolte. Après avoir démontré l'efficacité du trempage à l'eau chaude, le douchage confirme son potentiel pour freiner le développement des pourritures et prolonger la durée de conservation du potimarron.

Publié le 01/05/2025

Temps de lecture estimé : 6 minutes

Une conservation allongée pour répondre à une consommation en hausse

Face à la demande croissante de courges sur la période hivernale, la surface de production française a augmenté de manière importante. Elle s'est multipliée par 20 en 30 ans. Elle continue à évoluer positivement avec un triplement des surfaces ces dix dernières années pour atteindre environ 8 800 ha (données FAO et Agreste, 2022).

Les courges sont cultivées en été alors qu'elles sont majoritairement consommées en automne et en hiver. En théorie, les espèces de courge Cucurbita spp. qui sont cultivées en France et destinées à une consommation en automne-hiver possèdent une bonne capacité de conservation. Celle-ci peut atteindre jusqu'à six mois après la récolte pour certaines variétés. Cependant, malgré une demande en constante augmentation, le principal frein au développement des volumes réside dans la difficulté des producteurs à conserver leurs récoltes sur de longues périodes. C'est le cas du potimarron à épiderme orange, pour lequel jusqu'à 30 % de pertes peuvent être constatées après seulement trois mois de conservation (source CATE). Ce constat est valable pour toutes les zones de productions : Bretagne, Hauts-de-France, Rhône-Alpes et sud de la France.

Les fortes disparités dans l'aptitude à la conservation laissent penser qu'il existe d'importantes marges de progrès. La maîtrise de la conservation jusqu'en mars est donc l'enjeu économique majeur pour la filière. Dans 35 % à 80 % des cas, le principal agent responsable de ces pertes est le champignon Didymella bryoniae qui provoque des pourritures noires (Figure 1). Il peut être transmis par la graine ou par le sol [1]. Il est souvent accompagné d'un autre champignon, Fusarium culmorum, parasite de faiblesse, qui forme un feutrage blanc et achève la destruction des fruits atteints. D'autres champignons responsables de pourritures sont également observés en conservation : Alternaria sp., Cladosporium sp. et Colletotrichum sp. Ces agents pathogènes peuvent être présents seuls ou en association [2, 3, 4].

Figure 1 : Au-delà de trois mois de conservation, des pertes de plus de 30 % sont régulièrement observées

L'absence de solution efficace pour lutter contre ces champignons a conduit le CTIFL a réalisé entre 2019 et 2024 des essais d'application d'eau chaude après récolte. L'application d'eau chaude est réalisée par trempage ou douchage, une technique qui s'est avérée efficace sur de nombreux fruits et légumes [5, 6, 7, 8, 9].

Un intérêt avéré du trempage à l'eau chaude

Rappel des essais réalisés à l'échelle expérimentale

En 2022, l'article Une solution à l'étude pour optimiser la conservation du potimarron : la désinfection à l'eau chaude après récolte, publié dans le N° 379 d'INFOS CTIFL, dressait un premier bilan des résultats obtenus à l'échelle expérimentale, entre 2019 et 2020 [10]. Ces premiers essais ont permis de déterminer les paramètres optimaux de température et de durée de trempage à l'eau chaude. Les potimarrons traités sont comparés à des témoins secs qui correspondent à la pratique du producteur.

À cette échelle, un traitement par immersion (trempage) dans l'eau chaude à 58 °C ou 60 °C appliquée pendant deux minutes prolonge la durée de conservation des potimarrons de la variété Orangesummer d'au moins deux mois.

Après trois mois de stockage, 80 % à 100 % des potimarrons témoins secs restent commercialisables, mais après cinq mois, les pertes augmentent considérablement (Figure 2). Le lot témoin le moins bien conservé présente seulement 13 % de fruits sains, tandis que le lot le mieux conservé en présente 67 %. Les essais confirment bien que la conservation au-delà de trois mois des potimarrons témoins secs est délicate et que d'importantes différences existent entre les lots d'une même variété.

Figure 2 : Pourcentage de potimarrons maximum commercialisables après 3 et 5 mois de conservation, synthèse des 4 essais de trempage à l'échelle expérimentale

Les potimarrons traités à 58 °C ou 60 °C pendant deux minutes maintiennent entre 98 % et 100 % de leur qualité après trois mois de conservation. Mais tout l'intérêt de la thermothérapie appliquée par trempage est observable après cinq mois de conservation : entre 73 % et 100 % des fruits sont sains et commercialisables après cette durée de conservation. Certains lots, traités à 58 °C ou à 60 °C, présentent moins de 20 % de pertes après six à sept mois de conservation, soit jusqu'en mars-avril comme souhaité par les producteurs.

La thermothérapie par trempage est donc un traitement prometteur pour améliorer la conservation des potimarrons. Les résultats sont significatifs sur la durée de conservation.

De l'expérimentation au trempage semi-industriel

Dans la continuité des travaux de 2019 et 2020, un essai à grande échelle est réalisé sur des potimarrons récoltés en septembre 2021. L'essai porte sur trois modalités de traitement : un lot témoin sans traitement dont les potimarrons sont laissés secs, un lot traité à l'eau chaude à 58 °C appliquée par trempage pendant deux minutes et un lot traité à 60 °C pendant la même durée. Pour les deux modalités traitées, trois palox de potimarrons sont trempés un mois après la récolte avec un équipement de la société XEDA International (Figure 3). Ce délai d'un mois est lié à une mise à disposition tardive des palox de potimarrons.

Figure 3 : Traitement des palox de potimarrons à 58 °C ou 60 °C avec la machine de trempage XEDA

Les potimarrons sont conservés à 13 °C ±0,5 °C avec une humidité relative de 70 à 75 %. Les premières pertes sont observées dès trois mois de stockage. Après quatre mois, dans les palox témoins secs (TS) et ceux trempés à 58 °C pendant 2 min (58/2), le taux de perte est supérieur à 20 %, ce qui est la limite maximale acceptable. Dans les palox trempés à 60 °C pendant 2 min (60/2), les pertes ne sont que d'environ 3 %. Et après cinq mois de conservation (mi-mars), le taux de perte des potimarrons de la modalité 60 °C/2 min est toujours en deçà des 20 % acceptables (Figure 4).

Figure 4 : Pourcentage de potimarrons avec des pourritures après 5 mois de stockage, essai trempage à l'échelle semi-industrielle (machine XEDA)

Cet essai de trempage à l'échelle semi-industrielle confirme l'intérêt de cette technique pour prolonger la conservation du potimarron d'environ un mois et demi comparée aux méthodes traditionnelles de stockage. Cependant, l'efficacité du traitement à échelle semi-industrielle est inférieure à celle observée dans les essais expérimentaux et réalisés juste après la récolte. L'application du traitement au plus près de la récolte pourrait également améliorer son efficacité pour lutter contre les agents pathogènes de conservation.

Une efficacité démontrée du douchage à l'eau chaude

Des ajustements pour préserver l'apparence des fruits

Comme évoqué dans l'article publié en 2022 [10], la simple transposition des paramètres de traitement d'un mode d'application à un autre n'est pas directement possible. Le premier essai réalisé en 2021 avec la machine de douchage de la société Crovara (Figure 5) a montré que le traitement à 60 °C pouvait causer une importante décoloration de l'épiderme des potimarrons (Figure 6). Un mois après traitement, 80 % des fruits présentent ces signes de brûlures. À la température de 58 °C, l'impact du douchage est moins important, mais 13 % des potimarrons présentent quand même ces décolorations.

Figure 5 : Traitement des potimarrons avec la machine Crovara pour déterminer les paramètres optimaux de douchage (température/durée/débit) pour réduire les pertes pendant la conservation

Figure 6 : Un douchage à 60 °C appliqué durant deux minutes peut causer une importante décoloration de l'épiderme des potimarrons

Pour les mêmes couples température/durée, la conception de la machine Crovara pour le traitement par douchage fournit un apport de chaleur plus important que lors du trempage. Cet essai ne met pas en cause le fonctionnement de la machine mais montre qu'il s'avère nécessaire de réduire l'intensité du traitement par douchage en abaissant l'apport calorifique. Dans la suite de l'étude, ce troisième paramètre est pris en compte en testant différents débits d'eau de douchage pour un même couple température et durée d'application.

Un compromis entre qualité et conservation

Dans les essais menés entre 2021 et 2023, les pertes pendant le stockage des lots non traités sont importantes. En 2021, après 5 mois de conservation, ces pertes atteignent 43 %, en 2022 elles atteignent 90 % et en 2023 60 %. Ces pertes demeurent largement supérieures au seuil acceptable de 20 % pour les producteurs.

Par contre, la durée de conservation de certains lots traités par douchage est significativement prolongée (Figure 7). Ainsi, les meilleures efficacités sont obtenues avec les couples température/durée de 58 °C/2 min et 59 °C/1 min. Avec ces paramètres, le taux de potimarrons commercialisables est inférieur à 20 % après 5 mois de stockage et certains fruits restent sains au-delà de 6 mois. À 58 °C une durée d'1 min ne suffit pas pour apporter une protection optimale. À 59 °C, une durée de 2 min a un effet sur l'intégrité de l'épiderme des potimarrons qui deviennent plus sensibles à l'attaque des agents pathogènes.

Figure 7 : Pourcentage de potimarrons avec des pourritures après 5 mois de stockage, essai douchage avec la machine Crovara

Si le traitement à l'eau chaude se révèle efficace contre les agents pathogènes, il peut cependant avoir un effet secondaire sur l'apparence des potimarrons. Différents réglages du débit à 100, 135 et 150 m3/h sont testés en vue d'abaisser l'apport calorifique et de préserver l'apparence des potimarrons. Toutefois, les essais ont montré que pour une température et une durée données, la diminution du débit de douchage ne limite pas systématiquement le taux de potimarrons décolorés. Dans les conditions des essais et avec l'équipement testé, le facteur « durée de traitement » a plus d'impact que le débit appliqué.

Pour conclure

Les essais menés depuis 2019 par le CTIFL ont démontré l'intérêt de la thermothérapie pour prolonger la conservation du potimarron. Si le trempage s'est révélé rapidement adapté, la technique du douchage a nécessité des ajustements pour préserver la qualité visuelle des fruits. Les paramètres optimaux de température et de durée sont identifiés pour réduire les pertes liées aux agents pathogènes fongiques et limiter les altérations de l'épiderme. Ces résultats ouvrent des perspectives prometteuses pour les producteurs, qui pourront mieux répondre à la demande croissante en période hivernale. Une validation du traitement par douchage à l'échelle industrielle et sur une plus grande quantité de potimarrons reste toutefois nécessaire avant une adoption généralisée de cette technique.

Les données clés à retenir

Désinfection à l'eau chaude pour allonger la durée de conservation du potimarron - Bilan des essais réalisés avec des machines industrielles

Depuis 2019, le CTIFL mène une étude pour allonger la durée de conservation du potimarron grâce à la thermothérapie. Après avoir démontré l'efficacité du trempage à l'eau chaude, les recherches ont porté sur le douchage. Les résultats montrent que ce procédé prolonge significativement la durée de conservation d'environ deux mois et réduit les pertes liées aux agents pathogènes fongiques. Pour éviter de brûler l'épiderme et donc sa décoloration, le douchage est appliqué avec une eau à 58 °C durant 2 minutes ou à 59 °C pendant 1 minute. Cette combinaison de paramètres préserve la qualité sanitaire et visuelle des potimarrons. Ces travaux ouvrent la voie à une application industrielle pour répondre aux enjeux des producteurs.

Key points

Hot water disinfection to extend the shelf life of red kuri squash - Report on trials on industrial machines

Since 2019, the CTIFL has been conducting a study to extend the shelf life of red kuri squash using thermotherapy. After demonstrating the effectiveness of dipping in hot water, the research has been focused on hot water rinsing. Results show that this process significantly extends shelf life by around two months and reduces loss of crop yield due to fungal pathogens. To avoid burning the epidermis which causes discoloration, this hot water treatment is applied with water at 58°C for 2 minutes or 59°C for 1 minute.

This combination of parameters preserves the sanitary and visual quality of the squash. This work paves the way for applying this technique to industrial-size farming to meet growers' challenges.


Bibliographie / Sitographie

[1] Couture I., Gilbert G. (2007). Pourriture noire des cucurbitacées . Bulletin d'information - Réseau d'avertissement phytosanitaires n° 6. 6 pages

[2] Hawthorne B. T. (1989). Effects of cultural practices on the incidence of storage rots in Cucurbita spp. », N. Z. J. Crop Hortic. Sci., vol. 17, no 1, 49-54.

[3] Hawthorne, B. T., (1988). « Fungi causing storage rots on fruit of Cucurbita spp. », N. Z. J. Exp. Agric., vol. 16, no 2, 151-157.

[4] van Wijk C. A. P. (2007). « Bewaarrot bij pompoen beperken », bioKennis bericht, 2 pages.

[5] Klein J.D. and Lurie S. (1992). Heat treatments for improved postharvest quality of horticultural crops. HortTechnology 2 : 316-320.

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[10] Sanvicente P., Bulver F., Lurol S. (2022). Une solution à l'étude pour optimiser la conservation du potimarron : la désinfection à l'eau chaude après récolte. INFOSCTIFL 379 : 27-31.