Maraîchage intensif sur petites surfaces, accompagner la réflexion des porteurs de projet

Projet MIPS, données chiffrées pour les nouveaux installés

Maraîchage intensif sur petites surfaces, accompagner la réflexion des porteurs de projet
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Le projet MIPS II - Maraîchage intensif sur petites surfaces - a collecté des données technico-économiques de production sur un système maraîcher en agriculture biologique de type microferme. Cet article présente les résultats avec un focus sur les cultures produites en 2023, année complète de production avec une main-d'oeuvre stable.

Publié le 01/05/2025

Temps de lecture estimé : 9 minutes

Les projets MIPS AURA et MIPS II

Depuis plusieurs années, le maraîchage attire nombre de nouveaux installés en agriculture. En 2013, 58 % des porteurs de projets ne venaient pas du milieu agricole (FNAB 2013). Pour limiter leurs investissements initiaux, beaucoup se tournent vers des systèmes maraîchers sur petites surfaces. C'est dans ce contexte qu'en 2019 la station expérimentale la SERAIL, devenue antenne CTIFL depuis lors, a lancé le projet MIPS AURA. L'objectif de ce projet était de recueillir des données technico-économiques sur le maraîchage diversifié sur petites surfaces afin d'aider les conseillers à mieux accompagner les porteurs de projets. L'essai portait sur un système de production de légumes diversifiés, cultivés et commercialisés 50 semaines par an.

Ce premier projet sur petites surfaces a permis de miniaturiser deux systèmes de production : un système appelé petite surface et un système de référence appelé surface classique. À cette étape, les choix stratégiques du système sont définis : une mécanisation réduite, une part de surface sous abri plus importante pour garantir les productions, une automatisation et une adaptation de la gamme de légumes pour calculer l'investissement initial nécessaire (Figure 1). L'accompagnement de six producteurs - trois en surface classique et trois en petite surface - ainsi que d'un conseiller du bureau technique des maraîchers du Rhône a permis de comparer les performances des systèmes : résultats produits (temps de travail, chiffre d'affaires), calcul des annuités de remboursement et estimation des charges, temps administratifs et temps de commercialisation.

Figure 1 : Comparaison des performances des systèmes « petite surface » et « surface classique »

Le projet MIPS II, entre 2022 et 2024, est la suite du projet MIPS AURA. Il se focalise uniquement sur le système petite surface. En effet, les données obtenues en surface classique lors du projet MIPS AURA étaient fidèles à celles des exploitations associées au projet et aux références disponibles. La miniaturisation des systèmes a donc permis de collecter des données fiables. Pour ce second projet, le système petite surface est amélioré en allant plus loin dans l'intensification des cultures, en ramenant la surface sous abri à 21 % et en s'équipant d'un nouvel outil de travail de sol, une charrue rotative permettant de construire des buttes pour un meilleur réchauffement du sol et un drainage plus efficace.

Intensification de la rotation

Le suivi de production est réalisé 50 semaines par an. Toutes les opérations réalisées sont chronométrées et enregistrées par culture, sauf la commercialisation qui est estimée. Une distinction est apportée entre des temps fixes, c'est-à-dire une tâche prenant la même durée quelle que soit la surface, et des temps variables selon la surface. Par exemple, pour un semis de carotte, les temps fixes concernent le réglage et le nettoyage du semoir ou son déplacement alors que les temps variables se rapportent au semis. Les rendements des légumes commercialisables sont mesurés par culture et par semaine. Un tri est opéré au champ pour ne récolter que les légumes considérés comme commercialisables.

L'extrapolation des résultats à une exploitation de 7 000 m2 s'est faite en multipliant le temps de travail variable par le facteur de miniaturisation, auquel sont ajoutés le temps de travail fixe et le temps de commercialisation estimé. Les prix sont issus de la mercuriale AuRABio (mercuriale du réseau bio Auvergne-Rhône-Alpes alimenté par les producteurs) en prenant les prix médians de chaque année par culture en vente directe.

L'intensification des cultures est une manière de s'adapter à des surfaces limitées pour dégager du chiffre d'affaires. Elle se matérialise en augmentant la densité de semis/plantation sur certaines productions (carottes, tomates, etc.) et en augmentant la succession culturale sur une même surface (nombre de rotations). Le tableau de la figure 2 reprend les données d'intensification des successions culturales ou rotations du projet. Il permet de visualiser la surface réelle de production (superficie développée).

Figure 2 : SAU et superficies développées en plein champ et sous abri

Planification et répartition du temps de travail

La planification est réalisée via le logiciel QROP1 développé par l'Atelier Paysan et disponible en libre-service. L'objectif du projet est de produire et de commercialiser des légumes diversifiés 50 semaines par an. Une large gamme de légumes est produite afin d'avoir un banc de commercialisation fourni. La planification est ajustée tous les ans. Tous les légumes pouvant être plantés l'ont été afin de faciliter les travaux de sol et limiter la gestion des adventices : durée de culture raccourcie et mise en place de paillage plastique.

L'organisation du travail est rythmée par l'approvisionnement des plants. Ceux-ci sont commandés à un producteur de plants et livrés tous les 15 jours en semaine paire. Les plantations ont lieu en semaine paire. Les opérations de taille/palissage sont placées en semaine impaire pour une meilleure répartition des tâches. Les récoltes sont réalisées de façon hebdomadaire et en fin de semaine pour mimer une organisation semblable à celle d'un producteur afin d'alimenter une vente le week-end. Les légumes nécessitant des récoltes quotidiennes ou bihebdomadaires sont stockés au froid (Figure 3).

Figure 3 : Répartition du temps de travail en heures par opération culturale sur l'année 2023 à l'échelle de 7 000 m²

Le temps de travail est rythmé par les cycles des cultures et les saisons. Le graphique de la figure 4 permet de visualiser les tâches au cours de la saison. Le début de l'année est consacré aux implantations de cultures, au suivi de culture et à la gestion des adventices. Les travaux de récolte ont lieu toute l'année. Le temps dédié à la commercialisation et à l'administratif est estimé en début de projet. Il se base sur des références régionales pour atteindre entre 21 et 23 % du temps de travail annuel. Les implantations et le suivi de culture occupent la moitié du temps. Le temps consacré aux récoltes oscille entre un quart et un tiers du temps annuel. Ces données sont bien sûr à adapter à chaque exploitation mais permettent d'avoir une base disponible pour les porteurs de projet, exploitants ou conseillers. Elles pourraient permettre également d'améliorer l'organisation du travail.

Figure 4 : Temps et positionnement des opérations culturales au cours d'une année

Les répartitions de temps de travail sont également disponibles par légume, avec le détail des opérations culturales. Ainsi, chaque légume a des temps de travaux différents selon les opérations culturales. Anticiper ces tâches est nécessaire à la réussite de ces cultures et pour une meilleure organisation du travail. Par exemple, les cultures de carotte botte, radis botte, laitue et tomate ont des tâches différemment chronophages telles que la gestion des adventices pour la carotte botte, la récolte pour le radis et le palissage pour la tomate. Pour la laitue, les temps de travaux sont plus équilibrés entre les opérations culturales. Tout cela permet de voir l'influence du choix de l'itinéraire technique sur le temps de travail et sur la qualité de la récolte. Sur certaines séries de laitue, un paillage plastique est posé au sol avant la plantation pour lutter contre les adventices. En 2024, le temps de travail de sol est donc augmenté mais le temps passé à la gestion des adventices est réduit, par rapport aux années précédentes.

Des règles de décision sont à construire par les porteurs de projets pour guider les choix d'itinéraires techniques en fonction de la pression sanitaire des parcelles, des stocks semenciers d'adventices, de leurs propres choix vis-à-vis de certaines techniques comme le paillage plastique ou simplement en fonction de leur appétence pour certaines opérations culturales.

Chiffre d'affaires et marges brutes pour le système modélisé

L'essai MIPS II permet d'avoir des temps de travaux en heure par opération culturale, des rendements en kilogramme et des surfaces en m2 pour calculer des chiffres d'affaires par m2 et des marges brutes par heure travaillée exprimées en euros, pour une cinquantaine de légumes. Les chiffres d'affaires toute taxe confondue (CA TTC) correspondent à la production récoltée commercialisable auquel a été soustraite 5 % de perte, multipliée par le prix de vente issu de la mercuriale régionale de l'année d'AuRABio. Les marges brutes par heure travaillée correspondent au chiffre d'affaires TTC moins les charges inhérentes à la culture, divisé par le nombre heure travaillée pour la culture. Le tableau « Chiffre d'affaires et marges brutes entre 2022 et 2024 pour le système modélisé » met en évidence des variations de chiffres d'affaires et de marges brutes horaires pour un même légume selon les années de production. Cette différence s'explique par la variation des conditions climatiques, de la pression sanitaire, de la pression des adventices, par la présence ou non de la culture dans la planification, etc.

Chiffre d'affaires et marges brutes entre 2022 et 2024 pour le système modélisé

Des légumes se dégagent et apparaissent comme des légumes importants économiquement en maraîchage diversifié. Pour les légumes sous abri ce sont la tomate, l'aubergine, le concombre, le poivron et, pour les légumes de plein champ, la courgette, la butternut, l'oignon et la salade. Le but n'est pas de choisir les légumes les plus rentables, mais d'identifier les légumes à ne pas rater et sur lesquels il est important d'engager un suivi rigoureux. Les autres légumes qui semblent moins importants économiquement ont toute leur place dans le système, car ils permettent d'avoir une gamme commerciale élargie, des légumes à des moments clés de la saison tels que les légumes primeurs : pomme de terre nouvelle, pois gourmand, petit pois, etc. ou des produits d'appel comme la laitue. Ils doivent être présents à la vente le plus régulièrement possible.

Le tableau de la figure 5 permet d'avoir des éléments chiffrés sur lesquels les conseillers pourront s'appuyer pour montrer la charge de travail d'une exploitation en maraîchage diversifié. Il pourrait également servir de règle de décision par les exploitants pour prioriser du temps de travail en saison si des choix sont à faire en cas de surcharge de travail, de manque de main-d'oeuvre ou pour adapter leur commercialisation.

Figure 5 : Focus rendement, temps, chiffre d'affaires et marges brutes pour 5 cultures

Chiffre d'affaires et temps de travail

Les cultures peuvent aussi être présentées en fonction de leurs parts de chiffres d'affaires et de temps de travail dans le système global de maraîchage diversifié. Par exemple, en 2023, la tomate est le premier chiffre d'affaires du système de production. Elle représente 22 % du chiffre d'affaires global pour 8 % du temps de travail (Figure 6). Les salades (laitues, mâches, jeunes pousses) représentent 8 % du chiffre d'affaires global pour 7 % du temps de travail (Figure 7). Les cultures feuilles sont considérées par les exploitants comme des produits d'appel qui doivent être régulièrement présentes à la commercialisation. En 2023, sur les 50 semaines de production et de vente, seulement 7 semaines n'ont pas été fournies en salades, essentiellement à l'automne pour des problèmes d'oïdium sur mâche (Figure 8).

Figure 6 : Pourcentage du chiffre d'affaires et temps de travail pour la tomate par rapport au système de production

Figure 7 : Pourcentage du chiffre d'affaires et temps de travail pour les salades par rapport au système de production

Figure 8 : Répartition des cultures feuilles au cours de la saison 2023

L'ensemble des cultures du système permet d'obtenir un chiffre d'affaires par année de production. Ce chiffre d'affaires varie fortement d'une année sur l'autre en fonction des réussites et des échecs de certaines cultures. En vente directe, la variation du prix de vente de chaque légume entre 2022 et 2024 est faible par rapport à un circuit de vente plus long. Mais les prix de vente ont bien évolué chaque année dans le projet en se basant sur la mercuriale AuRABio. Les charges opérationnelles sont calculées dans le détail pour l'année 2023. Ces charges opérationnelles sont extrapolées pour les années 2022 et 2024. Les charges de structure et les annuités de remboursement ont été estimées en début de projet. Les charges opérationnelles correspondent au coût des intrants.

Les charges de structure variables et celles de structures communes (eau, électricité, carburant, assurances, cotisations sociales exploitant, entretien, réparations...) ont été estimées au début du projet à partir de l'étude du BTM/CA69/CER (Berry, Dansette 2013). La déduction des charges de structure et des annuités de remboursement du chiffre d'affaires fournit les revenus disponibles pour le producteur. Ceux-ci varient de 25 923 € à 42 830 € selon les années. Mais ce revenu disponible ne correspond pas au revenu disponible pour l'exploitant, car un producteur seul ne peut pas produire l'ensemble du système. En effet, sans main-d'oeuvre salariée, la moyenne de travail hebdomadaire de l'exploitant est comprise entre 77 et 84 h (Figure 9). Il faut donc déduire le temps de travail salarié, soit un équivalent temps plein sur l'année. Cette main-d'oeuvre peut s'articuler avec deux personnes saisonnières : une de février à octobre et une de juin à août. Cette main-d'oeuvre permet d'abaisser le temps de travail producteur à une moyenne de 50 h par semaine. Une fois toutes les charges déduites, le revenu restant au producteur varie de 3 975 à 20 882 € selon les années (Figure 10).

Figure 9 : Temps de travail par semaine

Figure 10 : Revenu restant au producteur

Une installation en microferme de maraîchage diversifié est-elle viable ?

Cette question, posée en préambule du projet, n'a pas de réponse simple. En effet, chaque exploitation et chaque projet sont différents. Les résultats économiques sont dépendants du système de production, du degré de diversification et de la commercialisation, mais aussi de l'organisation du travail, de la technicité et de l'expérience du producteur. Dans le cas du projet MIPS, tous les temps de travaux ont été comptabilisés et toute la main-d'oeuvre considérée comme rémunérée. La main-d'oeuvre exploitant prise en compte dans le projet se situe entre 2 000 et 2 500 heures or, dans la pratique, la main-d'oeuvre exploitant en maraîchage diversifié se situe à 3 000 h. Les porteurs de projet en microferme souhaitent garder du temps libre. Pour augmenter le revenu disponible, il faut augmenter le temps de travail.

Le projet MIPS a permis de poser des bases. Il fournit des données chiffrées pour mieux appréhender l'accompagnement des porteurs de projet en microferme ainsi que des données sur le chiffre d'affaires et les temps de travaux ramenés à l'échelle du mètre carré pour dimensionner le projet (Figure 11). Avant de s'installer, il paraît important de travailler plusieurs saisons chez des maraîchers afin d'acquérir les gestes nécessaires. Pendant cette période, le projet pourra être mûri. Ce temps permettra également de réfléchir à la planification, à la rotation, au parcellaire, au dispositif d'irrigation, aux types d'abris, à la mécanisation, à l'organisation du bâtiment, etc.

Figure 11 : Données chiffrées produites dans le cadre du projet MIPS, pour mieux appréhender l'accompagnement des porteurs de projet en microferme

L'expérience comme facteur de réussite

L'essai MIPS II s'est appuyé sur une apprentie, Claire Thomann, en complément de l'équipe de Brindas. Sans aucune expérience en maraîchage à son arrivée en 2022, les temps de plantation ont atteint 28 %, alors qu'ils ont baissé en 2023 et 2024 à environ 20 %. À l'inverse, peu présente lors des récoltes en 2022, le temps consacré aux récoltes est passé de 24 % à 29 % entre 2022 et 2023. Ces différences de temps entre les trois ans du projet s'expliquent également par des choix d'itinéraires techniques et par les conditions climatiques, mais l'expérience est un facteur clé de la réussite des porteurs de projet. Travailler une ou deux saisons chez un maraîcher permet d'acquérir les gestes efficaces au travail des légumes.

1 QROP - Logiciel de planification des cultures maraîchères - L'Atelier Paysan : https://www.latelierpaysan.org/QROP-Logiciel-de-planification-
des-cultures-maraicheres

Les données clés à retenir

Maraîchage intensif sur petites surfaces, guider la réflexion des porteurs de projet - Données chiffrées essentielles pour les novices

Le maraîchage diversifié sur moins de 1 ha requiert peu d'investissements et limite le risque. Sa viabilité dépend des caractéristiques de production, de commercialisation et du temps de travail dédié. La performance, tant en production qu'en gestion du temps, et les gestes du métier s'acquièrent après plusieurs saisons chez des maraîchers. L'organisation du travail, de la production à la commercialisation, est un facteur de réussite tout comme le bon dimensionnement du projet. Un mètre carré cultivé demande 19 minutes de travail et génère 8 € de chiffre d'affaires. Un investissement initial plus élevé, incluant la mécanisation, l'automatisation (irrigation, aération des abris) et un bâtiment adapté (conservation, commercialisation) permet de gagner du confort et du temps de travail.

Key points

Intensive market gardening on a small scale, supporting the reflection of project leaders - The MIPS project, figures for new farmers

Diversified market gardening on less than 1 ha requires little investment and poses limited risk. Its viability depends on the characteristics of production, marketing and the amount of dedicated work time. Performance, both in terms of production and time management, and the skills of the trade are acquired after several seasons when working with market gardeners. The organisation of work, from production to marketing, is a key factor in success, as is sizing the project correctly. One square metre cultivated requires 19 minutes' work and generates €8 in sales. A higher initial investment, including mechanisation, automation (irrigation, greenhouse aeration) and a suitable building (storage, marketing), will save on comfort and working time.