Multiplication du matériel fruitier et collections génétiques sous pression
Les échanges importants de matériel végétal et l'accroissement des menaces de bioagresseurs épidémiques présents ou émergents sur le territoire placent la filière fruitière française dans une situation inédite. Ces organismes peuvent en effet avoir un impact sur la compétitivité du secteur fruitier, notamment la sélection et le déploiement variétal, ainsi que sur la préservation des collections et ressources génétiques (Photo 1 d'ouverture) . Ce sont autant des insectes, des nématodes, des champignons, des bactéries, des virus, des viroïdes ou des phytoplasmes. Ces derniers ont actuellement un impact important sur les matériels fruitiers comme l'abricotier et le prunier américano-japonais (phytoplasme de l'enroulement chlorotique de l'abricotier ou ECA, Photo 2 ), le poirier (dépérissement du poirier) et du pommier (prolifération du pommier). Les vergers de pruniers américano-japonais peuvent subir des pertes causées par l'ECA allant de 1 à 10 % des arbres touchés selon les années et les conditions d'expression de la maladie (comm. pers.). À ces exemples de pathogènes endémiques s'ajoute la menace de bioagresseurs émergents (notamment Xylella fastidiosa pour les prunus et Huanglongbing pour les agrumes) pouvant être disséminés sur des larges zones géographiques, dont les symptômes peuvent être parfois latents et s'exprimer à l'occasion de facteurs pédoclimatiques favorables (DGAL, 2019 ; EFSA, 2019). Les deux critères communs à ces organismes sont, primo une multiplicité de plantes hôtes (cultivées ou sauvages) favorisant leur installation et, secundo une biologie leur permettant une multiplication rapide. Ces différents bioagresseurs font partie de ceux aujourd'hui surveillés au niveau national et européen avec un objectif de limiter, d'éradiquer ou empêcher toute multiplication sur les plantes hôtes identifiées. La maîtrise de ces organismes est assurée par les actions concertées des pouvoirs publics, les organismes délégataires, les instituts et les filières professionnelles. La filière fruitière a notamment anticipé l'impact potentiellement nuisible des virus, viroïdes ou phytoplasmes par la mise en place de la certification fruitière dès 1962. Ce schéma de multiplication par filiation, couplé à un suivi sanitaire et une traçabilité rigoureux permet d'assurer la diffusion de matériel fruitier à haut potentiel avec de fortes garanties. Le défi pour le certificateur et pour les multiplicateurs impliqués est de faire évoluer l'outil avec les techniques de multiplication, les exigences liées aux différentes espèces fruitières et les exigences de contrôle sanitaire associées aux organismes réglementés suivis. C'est notamment le cas du matériel multiplié en plein champ et sujet aux pressions sanitaires de l'environnement. Les instituts, organismes ou entreprises en charge de ressources génétiques ou de collections variétales sont confrontés aux mêmes problématiques de multiplication et de sauvegarde de ressources exemptes de maladies. En effet les vergers de collections et ressources génétiques (cf. encadré) sont pour la plupart maintenus en plein champ et dans des régions de production. Ces modes de multiplications et de conservations sont aujourd'hui menacés par la pression sanitaire accrue et invitent à rechercher des stratégies complémentaires de multiplication, de conservation et de lutte. Il apparaît important dans cet objectif d'évaluer tout outil potentiellement intéressant permettant de lutter en amont sur des organismes ayant un impact avéré ou annoncé pour les filières.