Les artichauts de semis : une petite révolution en germination

Obtention du plant d'artichaut

Les artichauts de semis : une petite révolution en germination
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La plupart des variétés d'artichaut traditionnellement cultivées en France sont à multiplication végétative. Des variétés hybrides F1, disponibles sous forme de graines, sont proposées depuis plusieurs années, avec des succès divers selon les secteurs. Cet article se propose d'en décrire l'historique, les avantages et les inconvénients.

Publié le 01/03/2025

Temps de lecture estimé : 6 minutes

Depuis quand parle-t-on d'artichaut de semis ?

Le semis de l'artichaut a longtemps coexisté avec la multiplication végétative jusqu'à il y a environ deux siècles lorsque les variétés à multiplication végétative ont été fixées en Italie, en Espagne et en France. Les variétés de semis étaient alors des variétés populations, présentant leur lot d'hétérogénéité. Les variétés à multiplication végétative sont des variétés clones qui présentent l'avantage d'être génétiquement homogène mais dont la multiplication est contraignante. La perspective de disposer de variétés d'artichauts sous forme de graines était déjà envisagée dans les années 1980. Il existe dans le monde des variétés populations de semis (Gros Vert de Laon, Sakiz, etc.). Le semis a d'ailleurs été utilisé en concurrence avec la multiplication végétative jusqu'au XIXe siècle au cours duquel les principales variétés européennes ont été fixées par bouturage. La recherche orientée vers la création de variétés de semis a été commencée par l'INRA dans les années 1990, relayée par la société Nunhems à partir de 1998 quand l'INRA a arrêté ses travaux sur l'artichaut. Depuis les années 2010, Nunhems propose des variétés hybrides F1 disponibles sous forme de graines, très diffusées en Espagne et en Italie, ainsi que dans le sud de la France. La société Plant Science a également proposé des variétés dans les années 2000.

Pourquoi opter pour le semis ?

La multiplication végétative reproduit à l'identique, génétiquement parlant, la variété de départ mais présente quelques inconvénients. Elle diffuse des virus, très présents sur artichaut avec au moins 25 virus identifiés, que seule la culture in vitro ou le passage par la graine peuvent éliminer. Les plants sont obtenus à partir de pousses issues de bourgeons adventifs. Or ces bourgeons peuvent avoir un âge physiologique très différent, le fait de différer la date de plantation ne change pas beaucoup la période de récolte. La difficulté de maîtriser le calendrier de production est un handicap certain pour les producteurs d'artichaut. De nos jours, la réduction des temps de travaux, notamment les travaux pénibles et ceux liés à la préparation des plants issus de multiplication végétative, constitue une nouvelle motivation (Figure 1).

Figure 1 : Comparaison des temps de travaux entre la multiplication végétative et le semis (données bretonnes)

Qu'est-ce que cela change pour l'itinéraire cultural ?

La fourchette de températures favorable à la germination des graines d'artichaut est étroite : entre 16 °C et 18 °C. Le semis direct a donc peu de chances de succès dans la plupart des situations. Le passage par des mottes ou de grosses mini-mottes est préféré, malgré le surcoût de cette pratique. La plantation au champ peut avoir lieu quand le plant a développé 3 à 4 feuilles, ce qui prend habituellement 4 à 6 semaines. Il est possible d'ajuster les dates de semis pour planter aux dates souhaitées. Les jeunes plants ont un âge physiologique homogène si la levée est bien groupée. Les feuilles de ces jeunes plants sont généralement entières ; la plante produira par la suite des feuilles éventuellement plus découpées. À la différence de la multiplication végétative, avec les artichauts de semis, il est nécessaire d'anticiper la plantation en prévoyant un délai d'obtention du plant à partir des graines. En dehors de cela, les cycles culturaux existants sont reproductibles avec les variétés de semis. Il est important de protéger la jeune plantation des lapins car les feuilles des plants à peine sortis de serre sont très attractives (Figure 2). Quand les plantes auront formé un nouveau feuillage en extérieur, cette protection devient moins nécessaire. Dans l'idéal, la fertilisation doit être adaptée aux besoins de la culture. Certaines variétés de semis sont plus vigoureuses et plus végétatives que leur contrepartie à multiplication végétative. Elles pourraient nécessiter une fertilisation plus importante.

Figure 2 : Semis d'artichaut en cours de levée

Un autre point mérite d'être mentionné : la reprise des plants est facilitée avec des mottes par rapport aux oeilletons. En effet, l'oeilleton ou drageon est planté alors qu'il est pratiquement dépourvu de racines. Il a besoin de 2 à 4 semaines pour développer un système racinaire ainsi que de nouvelles feuilles. Dans cet intervalle, certains des oeilletons s'affaiblissent ou meurent à la suite de divers stress climatiques ou à des attaques de bioagresseurs, l'oeilleton possédant une plaie en voie de cicatrisation. Le plant en mini-mottes est déjà enraciné. Même s'il est plus petit qu'un oeilleton, il ne subira pas d'arrêt de croissance. Les taux de reprise avec les mini-mottes approchent les 100 %. Par comparaison, les taux de reprises des oeilletons sont variables, de l'ordre de 90 %. À cela s'ajoutent les oeilletons qui se sont enracinés mais qui sont trop affaiblis pour produire des capitules l'année de leur plantation. Les problèmes de reprise des plants constituent non seulement un manque à gagner pour le producteur, mais aussi une difficulté supplémentaire pour gérer les adventices car celles-ci s'installent dans tout espace laissé libre.

Quelles variétés ?

Une fois passée la phase d'obtention du plant, la conduite culturale doit être adaptée à chaque variété pour chaque région. Les critères d'évaluation sont ceux utilisés habituellement : forme et couleur du capitule, sensibilité aux maladies, survie des plantes à l'hiver, précocité et rendement. L'évaluation variétale, à ce stade, devient plus classique, à un détail près : une variété de semis devra faire gagner en productivité de quoi compenser le surcoût dû à la graine, une fois déduits les gains de temps de travaux. Les variétés de semis actuellement proposées recouvrent les principaux types d'artichaut : charnus verts, charnus violets, petits verts et petits violets (Figure 3).

Figure 3 : Exemples de variétés à multiplication végétative et variétés de semis classées par types

La variété Sambo (charnu vert, Figure 4) est bien adaptée aux régions du sud et a été largement adoptée dans les Pyrénées-Orientales. Très sensible au mildiou, elle n'est pas indiquée dans des régions comme la Bretagne où cette maladie est constamment présente. La variété Capriccio (petit violet, Figure 5) est une alternative intéressante, plus productive et plus colorée, au traditionnel Violet de Provence, qui manque parfois de vigueur selon les secteurs. Bien que plus sensible au mildiou que le Violet de Provence, sa sensibilité reste gérable dans la plupart des cas.

Figure 4 : Variétés d'artichauts de semis - Sambo (type charnu vert)

Figure 5 : Variétés d'artichauts de semis Capriccio (type petit violet)

Le dédrageonnage ou oeilletonnage correspond à un éclaircissage par enlèvement des pousses surnuméraires. Il est souvent pratiqué sur les cultures pluriannuelles et peut devenir inutile avec une variété vigoureuse qui produit peu de repousses au printemps suivant la première récolte (Figure 6). Dans ce cas, la plante est capable de faire produire ses 4 à 5 repousses. Ceci constitue une autre économie de temps de travaux.

Figure 6 : Nombre de repousses par plante selon les variétés (exemple sur un essai, 2022, Caté)

En culture conduite de façon annuelle, le besoin d'éclaircissage ne se pose pas. La bonne gestion du mildiou dépend des moyens de lutte existants. Les variétés d'artichauts de semis actuellement proposées ont été sélectionnées en milieu méditerranéen. Elles s'adaptent pour la plupart bien dans le sud de la France mais pas toujours bien en Bretagne.

Le prix de la graine pèse sur le bilan technico-économique

Le prix de la semence d'artichaut hybride F1 tourne actuellement autour de 0,40 € la graine. En effet l'obtention d'un hybride F1 passe par la création de lignées parentales pures, obtenues par plusieurs générations d'autofécondation. Au fil des autofécondations, le matériel végétal devient de moins en moins vigoureux, au détriment de la production de graines par le parent femelle. C'est aussi une des raisons pour lesquelles les obtenteurs sont contraints de limiter le nombre d'autofécondations et que de petites hétérogénéités de forme dans les capitules s'observent parfois. Les chiffres du tableau de la figure 7 sont donnés sous l'hypothèse que l'artichaut de semis a la même productivité que sa contrepartie à multiplication végétative. Dans la réalité, le producteur optera pour une variété de semis si cette dernière est plus productive, de façon à compenser, et même surcompenser si possible, le surcoût d'environ 4 000 € qui se dégage de cette approche. Des économies supplémentaires peuvent être faites sur certains postes de travaux. Par exemple, si la variété de semis choisie est plus productive, elle sera vraisemblablement plus vigoureuse et recouvrira le sol plus rapidement, d'autant plus que le taux de reprise est proche de 100 % dans le cas des artichauts de semis. De ce fait, les opérations de désherbage mécanique ont des chances d'être réduites. Le dédrageonnage est facultatif, et même contreproductif, avec certaines variétés dans le type petit violet produisant peu de drageons (4 à 5) en seconde année. C'est une source de travaux pénibles qui peut ainsi être évitée. Le bilan économique est très dépendant du système d'obtention des plants en multiplication végétative. Dans les Pyrénées-Orientales, la multiplication végétative nécessite davantage d'heures de travail qu'en Bretagne, ce qui explique que ce secteur ait adopté plus vite les artichauts de semis.

Figure 7 : Approche technico-économique (coûts à l'hectare) de l'artichaut de semis comparé à la multiplication végétative (exemple d'une culture sur 2 ans en Bretagne)

Pour conclure

La décision d'adopter une variété de semis doit intégrer les économies de temps de travaux qu'elle permet, le coût de la graine et de l'élevage du plant, mais aussi les gains de rendement par rapport à la variété clone qu'elle doit remplacer. Cette décision peut donc être différente selon les secteurs. Dans la mesure où les variétés de semis ont été sélectionnées en milieu méditerranéen et sont souvent assez sensibles au mildiou, peu présent dans ces régions, le mildiou reste un point de vigilance.

Est-il possible d'obtenir des graines des variétés actuelles à multiplication végétative ?

Il est tout à fait possible de faire produire des graines à des artichauts de variétés traditionnelles à multiplication végétative. Mais, en semant ces graines, les capitules obtenus seront divers et variés, en forme et en couleur, et en majorité différents du type de la plante qui a produit ces graines. Ceci est dû au fait que les variétés à multiplication végétative ne sont pas des lignées pures mais du matériel végétal hétérozygote.

Les variétés de semis modernes sont des hybrides F1 obtenus par croisement de deux lignées, issues d'un travail de plusieurs années. Pour cette raison, aucune variété de semis n'est parfaitement identique à une variété clone. Il faut donc changer de variété pour passer d'un mode de multiplication à l'autre.

Les données clés à retenir

Les artichauts de semis : une petite révolution en germination - Obtention du plant d'artichaut

Abandonné en France pendant près de deux siècles au profit de la multiplication végétative, le semis d'artichaut revient en force sous la forme de nouvelles variétés hybrides F1. L'utilisation de ces hybrides permet d'économiser beaucoup d'heures de travaux pénibles et, en même temps, d'obtenir de jeunes plants d'âge homogène, indemnes de virus et d'autres maladies. La graine est coûteuse. Pour être avantageuse, la plante doit donc être plus productive que sa contrepartie à multiplication végétative. Chacune des variétés doit être évaluée de la même façon que les variétés à multiplication végétative, notamment en ce qui concerne la sensibilité aux maladies et l'adaptation au marché.

Key points

Seedling artichokes: a small revolution in germination - Obtaining artichoke seedling

Abandoned in France for almost two centuries in favour of vegetative propagation, seedling artichokes are making a strong comeback in the form of new F1 hybrid varieties. Using these hybrids saves many hours of hard labour and, at the same time, produces young plants of uniform age, free from viruses and other diseases. Seed is expensive. To be profitable, the plant must therefore be more productive than vegetatively propagated artichokes. Each variety must be evaluated in the same way as vegetatively propagated varieties, particularly with regard to disease susceptibility and market suitability.