Micro-injection dans le tronc, une application efficace contre le puceron cendré du pommier

Les avancées du projet MISPA

Micro-injection dans le tronc, une application efficace contre le puceron cendré du pommier
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Le contexte réglementaire et sociétal actuel incite à la recherche d'alternatives à l'utilisation du pulvérisateur et de ses problématiques de dérive, bruit, sécurité opérateur et riverains. La micro-injection dans le tronc, sujet d'études depuis 2015, permet de réduire drastiquement le nombre d'interventions tout en maintenant des efficacités prometteuses avec plus de 90 % d'efficacité pour le modèle puceron cendré du pommier.

Publié le 01/03/2025

Temps de lecture estimé : 12 minutes

Introduction

Ces dernières années, l'arboriculture fruitière est souvent pointée du doigt par les médias et la société. Les deux points noirs mis en avant sont le nombre important de traitements et leur application par pulvérisation. La production arboricole est encore fortement dépendante des produits phytosanitaires avec un indice de fréquence de traitement moyen de 10, pouvant aller jusqu'à 36 en pommes de table. La maîtrise des quantités de produits phytosanitaires appliquées est donc un enjeu majeur pour cette filière.

Dans nos conditions climatiques, ces productions sont confrontées annuellement à de nombreuses pressions de maladies et de ravageurs dont l'impact économique sur la production est très important. L'application des produits de synthèse ou de biocontrôle par pulvérisation des parties aériennes lorsqu'elle est réalisée avec des pulvérisateurs axiaux à jet porté présente des inconvénients majeurs : dérive de produit dans l'air et dans l'eau, bruit engendré par la turbine, disponibilité du matériel performant et de l'opérateur au moment opportun. Dans certaines conditions, l'utilisation d'un pulvérisateur peut aussi entraîner des échecs de protection, notamment sur des arbres de grande taille, sur certaines cibles comme les agents pathogènes du système vasculaire et avec certains produits de biocontrôle. La réponse à ces problématiques peut passer par l'adaptation des itinéraires techniques et la reconception de l'itinéraire de protection des vergers. C'est tout l'enjeu des travaux conduits depuis 2015 et, plus récemment, dans le cadre du projet MISPA.

Ce projet se propose d'explorer un itinéraire de protection des vergers basé sur l'application des produits de protection des plantes par micro-injection dans le tronc. L'arbre devient ainsi le moteur de son propre traitement, entraînant une rupture fondamentale dans le raisonnement de la protection du verger. Les impacts visés par la mise en place de cette nouvelle technique d'application sont une suppression totale de la dérive des produits pouvant impacter les points d'eau, les résidents ou les riverains, une réduction notable du nombre d'applications, une limitation des problématiques d'accessibilité aux parcelles (vergers en pente, conditions de sol humide, sols tassés) et la proposition d'un nouvel itinéraire de protection des vergers adaptés aux contextes arboricoles.

L'injection dans les arbres à des fins de protection phytosanitaire, une longue histoire

En retraçant l'histoire de l'injection dans les arbres, cette technique est pratiquée depuis la nuit des temps ou presque. Les premières références à ce sujet remontent à des sources arabes du XIIe siècle décrivant des méthodes d'injection de substances broyées finement dans l'objectif de conférer aux fruits des arômes et des qualités médicinales [1] puis aux notes retrouvées dans les carnets de Léonard de Vinci au XVe siècle. Ses notes décrivent les premières expériences à partir d'une méthode qui, finalement, diffère peu des techniques d'injection pratiquées aujourd'hui. À la suite de l'injection de composés toxiques dans le tronc de pommiers, les fruits sont devenus toxiques ; ainsi Léonard de Vinci a démontré l'efficacité de cette technique, qui visait à prouver la culpabilité des voleurs de pommes [2] ! Ce n'est que dans les années 1970 que la graphiose de l'orme ravive l'intérêt des chercheurs pour l'injection [3]. Les choses évoluent à partir des années 2000 aux États-Unis, dans un contexte de très forte pression de ravageurs forestiers avec un réel effort de développement technologique et portant sur la conception de formulations spécifiques pour l'injection [2], entraînant des résultats d'efficacité probants.

De l'injection à la micro-injection

La technique de l'injection consiste à percer un trou dans le tronc pour introduire la substance active ou le produit phytopharmaceutique directement au sein du système vasculaire de l'arbre pour une redistribution aux organes cibles. De nombreux usages sont autorisés à travers le monde en zone non agricole sur tous types de bioagresseurs des arbres forestiers et ornementaux, arbustes et palmiers. En France, la spécialité commerciale Revive II (emamectine benzoate) de Syngenta détient une AMM depuis 2018, sur les usages « Arbres et arbustes - Traitement parties aériennes - charançons du palmier » et « Arbres et arbustes - Traitement parties aériennes - chenilles phytophages ». Dans ce cas, l'injection est assimilée à un traitement parties aériennes. La dose est exprimée en millilitre de produit à injecter par centimètre de diamètre de tronc mesuré (ml/cm) à 1,30 m du sol. L'un des freins souvent évoqués au développement de la technique est que l'application nécessite un forage dans le tronc entraînant une blessure physique de l'arbre [4]. D'où le concept innovant de micro-injection réalisée sans perçage préalable. La pénétration dans le bois et l'introduction de produit sont réalisées en une seule et même étape de travail.

Les étapes d'une étude micro-injection

Même si, de prime abord, la technique d'injection est souvent considérée comme généraliste et simple, de multiples facteurs rentrent en jeu dans les clés de réussite [5] : la cible (bioagresseur), la substance active (formulation, solubilité, lipophilie), la méthode d'injection (taille de l'aiguille, nombre de points par arbre, volume d'injectat), les conditions météorologiques (températures, hygrométrie), l'humidité du sol et bien entendu l'arbre en lui-même (espèce, âge, conduite). Pour chaque espèce végétale étudiée, une étape préliminaire de faisabilité technique est à mettre en oeuvre (Figure 1). L'objectif est de définir les paramètres d'exécution de la technique sur chacun des modèles arboricoles étudiés : instrumentation (longueur de l'aiguille), nombre de points d'injection, répartition de l'injectat dans le houppier, suivi et vérification de l'innocuité de la méthode vis-à-vis de l'arbre.

Figure 1 : Articulation d'une étude micro-injection sur une espèce donnée

Ces études de faisabilité ont révélé que, une fois les paramètres d'exécution maîtrisés, tous les modèles arboricoles ciblés (pommier, châtaignier, noyer, cerisier, kiwi) étaient de bons candidats au traitement par micro-injection et ce notamment sur la capacité de chacune des espèces à très bien cicatriser à la suite des micro-injections. Une fois ces prérequis définis pour chaque espèce, il est possible d'intégrer dans l'équation les produits de protection des plantes et de rentrer dans la phase d'évaluation de l'efficacité agronomique.

Après bientôt dix ans d'études, que peut-on attendre de cette nouvelle méthode d'application en termes d'efficacité biologique ? Cet article présente les résultats les plus récents (2022-2023-2024) obtenus sur le puceron cendré du pommier, Dysaphis plantaginea.

Approche méthodologique

La méthode proposée doit répondre aux questions suivantes : les produits appliqués par micro-injection sont-ils efficaces contre le puceron cendré du pommier au regard de la pression annuelle et d'un itinéraire classique de traitement par pulvérisation ? Quels risques ces produits appliqués par micro-injection engendrent-ils en termes de résidus sur fruits à la récolte ?

Le dispositif est en place sur le centre CTIFL de Lanxade en Dordogne, sur un verger de pommiers de la variété Ariane, sensible au puceron cendré. La parcelle support de l'essai est décrite dans le tableau de la figure 2.

Figure 2 : Caractéristique du matériel végétal support des essais 2022-2023-2024

L'essai est conduit en randomisation. Suivies depuis 2022, les modalités ont évolué au fil du temps avec des adaptations annuelles. Les modalités comptent a minima quatre répétitions chacune, chaque répétition comporte quatre arbres consécutifs, supports des observations. Les injections se réalisent individuellement arbre par arbre. Aucun arbre de « bordure » entre les répétitions n'est nécessaire. Cependant, des rangs de bordure, situés de part et d'autre de l'essai, font écran avec le reste de la parcelle pour limiter la dérive des traitements appliqués par pulvérisation sur le reste de la parcelle.

Les produits testés

Les différentes campagnes d'essais conduites depuis 2015 ont permis de définir « a priori » des critères de sélection des produits potentiellement pertinents à utiliser en micro-injection. Le premier critère est celui de la faisabilité de pouvoir injecter la dose souhaitée au regard de la dose homologuée, par hectare et par an, du produit commercial. Le second critère est la formulation, critère d'autant plus important que, dans le cadre de ces essais, le travail s'effectue avec des produits formulés pour des applications par pulvérisation classique. Le troisième critère est que la molécule injectée soit soluble dans l'eau : après l'injection, les molécules se retrouvent dans le flux de sève brute composée essentiellement d'eau ; pour atteindre leurs cibles foliaires, il faut que les molécules soient transportées par le flux xylémien vers les feuilles. En outre, il faut aussi qu'elles soient suffisamment hydrophiles pour ne pas s'adsorber sur les matières lipophiles, telles que la lignine, présentes sur leur parcours. La capacité d'une molécule organique à être transportée dans une plante est reliée principalement à son caractère hydrophile. Cette capacité de migration de la matière active seule peut être théoriquement estimée en amont par la mesure « log Kow » (coefficient de partition entre l'eau et l'octanol). Il permet d'apprécier la capacité des substances actives à être transportées dans le flux de sève.

Le tableau de la figure 3 présente les matières actives testées ou candidates dans le cadre de ces essais. Ce tableau précise, dans chacun des cas, le produit commercial utilisé. Un code couleur présente la typologie « théorique » du candidat par rapport aux critères de sélection pour la micro-injection. Pour exemple, le spirotetramat présent dans la spécialité commerciale MOVENTO devrait être un candidat idéal pour une application par micro-injection. A contrario, la deltamethrine présente dans la spécialité commerciale DECIS PROTECH a un kow et un mode d'action rendant les perspectives d'efficacité plus aléatoires.

Figure 3 : Substances actives, produits commerciaux testés et profils théoriques de ces candidats

Les positionnements testés

Le puceron cendré du pommier a un cycle de vie dioecique, cela signifie qu'il complète son cycle biologique sur deux plantes hôtes différentes : le pommier et le plantain (Figure 4). Les oeufs fécondés sont déposés sur l'écorce du pommier, l'hôte primaire, à la base des bourgeons afin d'y passer l'hiver jusqu'à l'éclosion des larves au moment du gonflement des bourgeons. Ces larves vont ensuite se développer en fondatrices qui vont engendrer deux à trois générations de femelles dont une proportion croissante d'individus ailés durant les mois de mai et juin. Ces ailés migrent vers le plantain, l'hôte secondaire, où se déroule la seconde partie du cycle. Plusieurs générations de femelles vont alors se succéder jusqu'au mois de septembre où apparaissent des femelles gynopares ailées et des mâles. Les femelles gynopares sont les premières à regagner le pommier et elles vont donner naissance à des femelles sexuées ovipares aptères. Celles-ci vont alors s'accoupler avec les mâles revenus eux aussi sur les pommiers et déposeront leurs oeufs à la base des bourgeons pour redémarrer un cycle. Pour lutter efficacement contre D. plantaginea, il faut essayer de casser son cycle de développement, ce qui est en particulier possible lors de l'éclosion des oeufs et du développement des jeunes fondatrices, puis à l'automne quand les pucerons reviennent sur le pommier [6].

Figure 4 : Cycle de vie du puceron cendré

Dans la pratique conventionnelle, la stratégie de protection au printemps est une stratégie insecticide, les traitements sont positionnés en fonction des stades végétatifs du pommier : au débourrement (association huile minérale et insecticide de la famille des pyréthrinoïdes), au stade bouton rose en préfloral (aphicide spécifique à base de flonicamide) puis à la chute des pétales après la floraison (insecticide systémique à base de spirotetramat). En agriculture biologique, la stratégie repose sur les mêmes principes qu'en agriculture conventionnelle. Il s'agit de positionner d'abord les huiles minérales en sortie d'hiver puis un produit insecticide à base d'azadirachtine en encadrement de la floraison. Les spécialités à base d'azadirachtine ne disposent pas à ce jour d'AMM pour un usage fruits à pépins mais d'une dérogation d'usage (AMM 120 jours, soumise chaque année à l'approbation du ministère de l'Agriculture). À l'automne, sur les variétés à récolte précoce, les stratégies visant à perturber le vol de retour du puceron cendré se font par application d'argiles ou par défoliation précoce.

Les applications sont réalisées par micro-injection dans le tronc. Ces applications sont réalisées par le CETEV, partenaire du projet qui dispose de l'instrumentation nécessaire (Wedgle Direct Inject® d'Arborsystem, aiguilles CETEV). L'aiguille utilisée mesure 2 mm de diamètre et 3,8 cm de longueur. Le volume de micro-injection par point est de 1 ml. Chaque pommier reçoit 4 points d'injection répartis sur la circonférence du tronc, à une hauteur comprise entre 30 et 60 cm du sol. Le calcul des doses est fait dans le respect de la dose homologuée en kilogramme par hectare et par an.

Les observations

Les observations se font en lien avec le cycle du puceron cendré (Figure 4). En sortie d'hiver, une première estimation du niveau de population est faite. Pour chaque répétition, 20 rameaux de 10 cm en moyenne et porteurs de bourgeons sont prélevés in situ. La présence d'oeufs est recherchée à la loupe binoculaire. Les oeufs sont ovales, très souvent positionnés à la base des bourgeons ou sur les écailles des bourgeons (Figure 6). Le nombre d'oeufs par rameaux est compté et la valeur est exprimée en pourcentage de rameaux avec au moins un oeuf dénombré. Au printemps, en post-floral au mois de mai, les observations consistent à dénombrer le nombre de pousses touchées par au moins un foyer de pucerons par arbre de manière exhaustive. Si l'infestation est vraiment très importante, la notation est plafonnée à 60 pousses touchées par arbre ; si plus de 60 pousses sont touchées, le comptage s'arrête. À ce même moment, des feuilles sont prélevées pour la recherche de résidus des substances actives injectées. L'objectif est de voir si, au moment de la présence de la cible visée (puceron cendré), les produits injectés sont retrouvés ou non à l'endroit où la cible est présente

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Figure 5 : Stratégies testées en micro-injection sur les essais pucerons cendrés du pommier

Figure 6 : OEuf de puceron à la base d'un bourgeon de pommier

Les résultats d'efficacité biologique

Le tableau de la figure 7 présente les résultats des observations effectuées en sortie d'hiver, en février 2023 et en février 2024, sur le dénombrement de rameaux occupés par au moins un oeuf de puceron, dans les modalités ayant été injectées à l'automne (stratégie 1 2022/2023, stratégies 1 et 2 2023/2024, Figure 5).

Figure 7 : Pourcentage de rameaux avec au moins un oeuf de puceron en sortie d'hiver 2023 (27/02/23) et en sortie d'hiver 2024 (13/02/24)

Les figures 8 et 9 présentent les résultats des observations réalisées au printemps en post-floral en 2023 et 2024. Les observations sur les arbres de la modalité « lambda-cyhalothrine (automne 2022)/deltamethrine (printemps et automne 2023) » se sont arrêtées en sortie d'hiver 2024, cette modalité ne figure donc pas sur la figure 8. Le témoin non traité est représenté en vert foncé, les modalités ayant reçu une seule injection à l'automne en orange, celles avec une seule injection au printemps en vert anis et celles ayant reçu des injections à l'automne et au printemps en orange et vert anis. Sur chaque graphe figurent la moyenne et l'écart-type et sur le second axe le nombre maximal de foyers observés par arbre. Le sigle « * » indique une différence significative (p-value < 0,05) avec le témoin non traité.

Figure 8 : Nombre moyen de pousses avec foyers de puceron cendré par arbre en postfloral 2023 (03/05/23)

Figure 9 : Nombre moyen de pousses avec foyers de puceron cendré par arbre en postfloral 2024 (21/05/24)

En 2023, la pression annuelle en pucerons cendrés est très importante et en 2024, elle est importante. En 2022, moins d'une pousse par arbre présentait un foyer. Les résultats obtenus montrent des différences d'efficacité significatives entre les produits injectés. L'azadirachtine (sous forme de NEEMAZAL T/S) permet de réduire l'infestation automnale sur bois (rameaux, bourgeons) de 87 à 100 % et l'infestation en postfloraison de 88 à 97 % selon la stratégie (Figure 5). Les résultats obtenus avec le flonicamide (TEPPEKI) ont aussi tout leur intérêt même s'ils présentent une variabilité plus importante : 50 à 80 % de réduction sur l'infestation automnale et 26 à 89 % sur l'infestation en postfloraison. Le spirotetramat (sous forme de MOVENTO) et le cas des deux pyréthrinoïdes testées (lambda-cyhalothrine et deltamethrine) présentent des efficacités très variables et non suffisantes en termes de maîtrise des populations. Comment expliquer ces différences d'efficacité ? Avec ce mode d'application, l'efficacité se démontre sous quatre conditions principales : une migration du produit dans l'arbre, une bonne répartition de l'injectat dans l'arbre, une présence du produit au moment opportun où la cible visée est présente et une dose efficiente pour toucher la cible.

Le candidat idéal remplissant toutes ces conditions est l'azadirachtine. Une seule injection de cette matière active permet de contrôler très efficacement le puceron cendré sur tout son cycle. À titre comparatif, en 2023, la parcelle de référence traitée au pulvérisateur a reçu 6 applications d'insecticides pour une maîtrise équivalente des populations et 3 applications en 2024. Les facteurs identifiés pouvant expliquer les niveaux d'efficacité élevés de l'azadirachtine et du produit commercial dédié correspondant au NEEMAZAL sont la formulation liquide du produit (concentré émulsionnable) favorisant la qualité d'application et la maîtrise de la dose à apporter. Un autre facteur est lié aux caractéristiques physico-chimiques de la substance active : cette molécule a un Kow de 1,09 reflétant un caractère hydrophile de la molécule. En théorie, ce caractère hydrophile doit favoriser une migration ascendante dans la sève brute. En pratique, la migration est confirmée par les analyses des résidus réalisées sur rameaux en sortie d'hiver et sur feuilles au printemps pendant la période de développement des pucerons cendrés. L'azadirachtine a une triple action : elle provoque l'arrêt de l'alimentation des pucerons, l'inhibition des mues et a un effet sur la reproduction. Dans le cas de notre étude, le produit injecté à l'automne a pu être ingéré par les femelles sexuées aptères présentes à cette période, impactant leur reproduction et ainsi la quantité d'oeufs déposés avant l'hiver. De même, l'azadirachtine injectée au printemps a probablement impacté fortement l'alimentation et la mue des jeunes larves présentes au printemps.

Le deuxième candidat à s'être démarqué pour son efficacité d'intérêt est le flonicamide, avec une efficacité démontrée mais plus variable. Tout comme l'azadirachtine, le flonicamide a un Kow faible de 0,3 induisant en théorie une capacité à bien migrer dans la sève brute. Au regard des analyses de résidus effectuées, le flonicamide est bien retrouvé dans les tissus végétaux au moment où les pucerons cendrés sont présents. Néanmoins, même si l'efficacité observée est très intéressante (89 % d'efficacité au printemps 2024), elle est moins reproductible. Les hypothèses mises en avant sont l'effet formulation (formulation solide, maîtrise de la dose en solution plus aléatoire) et la dynamique de dégradation du flonicamide dans les tissus en fonction de l'état physiologique de l'arbre.

Le spirotetramat, malgré un profil favorable « a priori » n'a pas permis d'atteindre des efficacités suffisantes au regard de l'itinéraire de référence en pulvérisation classique. Les très faibles quantités résiduelles détectées dans les feuilles au printemps font émettre deux hypothèses. Pour rappel, une molécule peut être difficilement absorbable quand son Kow est supérieur à 3. Avec un Kow de 2,51, le spirotetramat pourrait avoir une tendance à adhérer aux composés du xylème empêchant une migration optimale vers les feuilles. La seconde hypothèse évoquée est que cette molécule nécessite plus de temps pour migrer.

Enfin, le manque d'efficacité de la lambda-cyhalothrine et la deltamethrine peuvent s'expliquer par la faible hydrophilie de ces molécules (Kow respectifs de 7 et 6,2) n'ayant pas permis aux produits de migrer. Sur ces deux matières actives, il n'a pas été possible de réaliser des analyses de résidus sur bourgeons et feuilles donc l'hypothèse restera à vérifier.

Aucun résidu sur fruits à la récolte n'a été détecté, quelle que soit la modalité.

Pour conclure

À travers l'exemple du puceron cendré du pommier, cet article montre l'intérêt de la micro-injection comme mode d'application de certains produits de protection des plantes dans un contexte réglementaire, technique et sociétal de plus en plus exigeant. En une seule injection, il a été possible de contrôler D. plantaginea avec une efficacité de plus de 90 % avec de l'azadirachtine comparé aux six applications totales reçues en traitement conventionnel en une saison sur le centre CTIFL de Lanxade. À titre d'information, la figure 10 résume les fourchettes d'efficacité biologique obtenues sur les autres modèles du projet MISPA.

Figure 10 : Efficacités biologiques observées sur les modèles en cours d'étude micro- injection

Même si les modèles maladies et bactériose sont plus complexes (cycle plus long, épidémiologie plus ou moins bien connue), quelques pistes prometteuses se dégagent, notamment sur les pourritures des châtaignes. Dans tous les cas, quel que soit le modèle considéré, il s'agit maintenant de travailler sur les positionnements des injections les plus efficaces et sur la réduction des doses.

Cette technique alternative propose un réel changement de pratique tant pour les arboriculteurs (nouvelle gestion organisationnelle de la protection), que pour les expérimentateurs et fournisseurs de produits (nouvelles méthodes d'évaluation, nouvelles formulations) et que pour les décideurs politiques (nouvelle façon de définir les doses et les risques).

Les données clés à retenir

Micro-injection dans le tronc, un mode d'application efficace contre le puceron cendré du pommier - Les avancées du projet MISPA

Les trois années du projet MISPA ont permis de renforcer la démonstration de l'intérêt de la micro-injection comme mode d'application efficace sur différents ravageurs arboricoles dont le puceron cendré du pommier. Une seule injection de Neemazal contenant de l'azadirachtine, positionnée à l'automne lors du vol de retour, permet de maîtriser les populations avec une efficacité de 90 à 100 %, dans des contextes de fortes à très fortes pressions. À titre comparatif, le même niveau d'efficacité est atteint en 4 à 6 applications par pulvérisation. Ce projet confirme également l'intérêt de ce mode d'application en terme environnemental, avec une réduction de 75 à 88 % du nombre de traitements et une réduction totale des pertes dans l'environnement (zéro dérive et zéro perte au sol).

Key points

Micro-injections of a bioinsecticide into tree trunks, an effective method to control the rosy apple aphid - Progress made by the MISPA project

Over the three-year MISPA project, we further demonstrated the value of micro-injection as an effective application method to control various tree pests, including the rosy apple aphid. A single injection of Neemazal containing azadirachtin, applied in the autumn during the pest's return flight, is 90 to 100% effective in controlling populations in situations of high to very high pressure. By way of comparison, the same level of effectiveness is achieved with 4 to 6 spray applications. This project also confirms the environmental benefits of this application method, with a 75 to 88% reduction in the number of treatments and a total reduction in losses to the environment (zero drift and zero spills or leaks).

Bibliographie / Sitographie

[1] Roach W.A., 1938. Plant injection for diagnostic and curative purposes. Imperial Bureau of Horticulture and Plantation Crops. 78 p.

[2] Costonis A.C., 1981. Tree injection: perspective macroinjection/micro-injection. Journal of Arboriculture, n° 7(10), pp. 275-277.

[3] Shigo A.L., Campana R., Hayland F. et Anderson J., 1980. Anatomy of elms injected to control Dutch elm disease. Journal of Arboriculture, n° 6(4), pp. 96-100.

[4] Doccola J.J., Wild P., 2012. Tree injection as an alternative method of insecticide application. Book: Insecticides - Basic and other applications. DOI: 10.5772/29560, 18 p.

[5] Berger C., 2019. Traitement phytosanitaire des arbres par micro-injection : résilience de la blessure, transfert des molécules et efficacité. Manuscrit de thèse, 238 p.

[6] Dib H. 2010. Rôle des ennemis naturels dans la lutte biologique contre le puceron cendré, Dysaphis plantaginea Passerini (Hemiptera aphididae) en vergers de pommiers. Thèse de Doctorat Université d'Avignon et du Vaucluse. Avignon, 253 p.

[7] Lathrop F.H. 1928. The biology of apple aphids. In : The Ohio Journal of Science. Vol. 28, n° 4, p. 177-204.