Le consommateur est la clé de voûte de toute la chaîne. Il est impératif de remettre ses attentes au centre de nos réflexions.

Jean-Hugues Belland Président du CTIFL

Le consommateur est la clé de voûte de toute la chaîne. Il est impératif de remettre ses attentes au centre de nos réflexions.
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Publié le 01/03/2025

Le 26 novembre 2024 vous avez été élu Président du CTIFL. Vous êtes le premier Président à venir de la partie aval de la filière des Fruits et Légumes. Que cela signifie-t-il pour vous et pour l'organisation ?

Cette élection est avant tout une reconnaissance de l'importance de l'aval dans notre filière des Fruits et Légumes alors que jusqu'à présent, la gouvernance du CTIFL était principalement tournée vers l'amont. Mon arrivée marque une volonté d'équilibre entre les différents acteurs. Cela ne signifie pas privilégier un côté ou un autre, mais bien construire des ponts. L'objectif est clair : fédérer tous les maillons de la chaîne, du producteur au distributeur, pour qu'ensemble, nous soyons plus efficaces et cohérents. Mon rôle sera aussi d'apporter une approche commerciale plus directe, basée sur des résultats concrets et visibles. Je veux que chacun se sente légitime et valorisé dans cette grande organisation.

Vous n'êtes pas nouveau dans la gouvernance du CTIFL puisque vous avez présidé la Commission Fruits pendant huit ans. Qu'y avez vous appris ?

Les actions concrètes menées par le CTIFL ne sont pas toujours visibles ni lisibles pour les différents acteurs de la filière. Or la lisibilité est essentielle. Trop souvent, il y a un décalage entre ce qui est fait au CTIFL et la perception qu'en ont les acteurs de la filière alors que les missions sont bien exécutées. Mon premier axe d'action sera donc d'instaurer une meilleure transparence et une communication plus claire. Cela passe par une valorisation des résultats des équipes techniques et une réorganisation du conseil d'administration pour qu'il soit moins bureaucratique et plus stratégique. Nous devons utiliser ces réunions pour discuter d'innovation et de projets porteurs, plutôt que de nous concentrer uniquement sur des analyses financières. De plus, je veux donner la parole aux ingénieurs et aux techniciens pour qu'ils puissent présenter directement leurs travaux. Cela permettra aux administrateurs de mieux comprendre la valeur ajoutée de ce qui est réalisé sur le terrain.

Quels changements prévoyez-vous pour intégrer davantage les attentes des consommateurs dans les travaux du CTIFL ?

Le consommateur est la clé de voûte de toute la chaîne. Il est donc impératif de remettre ses attentes au centre de nos réflexions. Trop souvent, les innovations ou projets sont conçus sans penser à leur réception par le consommateur final. Par exemple, dans le choix des variétés, il ne suffit pas qu'un fruit soit productif ou résistant pour satisfaire les consommateurs, il doit également être savoureux. Pour y parvenir, je souhaite utiliser davantage les outils existants. Par exemple la zone expérimentale de vente est un outil formidable pour analyser les comportements d'achat en conditions réelles. Il est crucial que nos ingénieurs et nos partenaires se rappellent que c'est le consommateur qui décide en bout de chaîne. Par ailleurs, nous devons améliorer nos études de marché et diffuser leurs résultats pour orienter les producteurs vers des pratiques qui répondent mieux aux attentes. C'est un changement de paradigme qui prendra du temps, mais qui est essentiel pour pérenniser notre filière.

Vous parlez également de collaboration et de partenariats. Quelle est votre vision à ce sujet ?

Les défis auxquels nous faisons face aujourd'hui nécessitent une collaboration renforcée. Les budgets se réduisent, les appels à projets deviennent plus compétitifs et nous ne pouvons plus travailler en silo. Il est indispensable de clarifier nos relations avec les stations expérimentales qui, selon les projets, peuvent être à la fois partenaires et concurrentes. Nous devons également nous ouvrir davantage à des alliances stratégiques avec des institutions comme l'INRAE ou des partenaires européens pour mutualiser les ressources et les expertises. Le CTIFL a une expertise reconnue en recherche appliquée. Il est temps de la faire rayonner davantage et de renforcer son rôle de leader dans ce domaine. Enfin, il est essentiel que nous adoptions une approche proactive dans les discussions avec les instances gouvernementales pour obtenir le soutien nécessaire à nos projets.

Si nous revenons sur le CTIFL et son fonctionnement interne, quels axes de transformation souhaitez-vous prioriser ?

Mon premier objectif est de valoriser le capital humain du CTIFL. Nous avons des équipes passionnées et talentueuses, mais leur travail est parfois mal compris ou sous-estimé. Je veux instaurer une culture de reconnaissance et de fierté pour nos équipes, en mettant en lumière leurs réalisations et leur impact sur la filière. Deuxièmement, je prévois de simplifier nos processus internes pour gagner en agilité. Par exemple, nos ingénieurs passent beaucoup de temps à chercher des financements pour leurs projets, ce qui peut être chronophage et décourageant. Nous devons les accompagner davantage dans cette tâche, voire centraliser certaines démarches. Enfin, je compte réorganiser les conseils d'administration pour qu'ils soient plus interactifs et orientés vers l'action. Chaque conseil sera l'occasion pour un responsable technique de présenter ses projets, afin de créer un lien direct entre les décideurs et les équipes opérationnelles.

Quels sont vos projets pour renforcer la formation et la communication ?

La formation est un levier clé pour faire avancer la filière. Pourtant, certaines entreprises se sont éloignées de nos services simplement parce que nous avons cessé de leur envoyer des supports papier ! Il est urgent de diversifier nos canaux de communication pour répondre aux attentes de tous, qu'ils soient adeptes du digital ou attachés aux supports traditionnels.

Pour ce qui est de notre revue INFOSCTIFL, je souhaite la rendre plus accessible et attrayante. Elle est parfois perçue comme trop technique, alors qu'elle regorge d'informations précieuses. Nous pourrions mieux équilibrer le contenu pour qu'il intéresse à la fois les techniciens, les producteurs et les distributeurs. Enfin, je veux renforcer la visibilité de nos études consommateurs, qui sont d'une richesse inestimable, mais trop peu connues.

Pour conclure, quel message souhaitez-vous transmettre aux équipes du CTIFL et à ses partenaires ?

Je veux que tout le monde sache que le CTIFL a un rôle central à jouer dans l'agriculture de demain. Nous devons rester à l'écoute des évolutions sociétales, qu'il s'agisse de durabilité, de digitalisation ou de transitions agricoles. Mais surtout, je veux que chacun se sente légitime et valorisé dans ce grand projet.

Mon rôle est d'accompagner et de dynamiser cette belle machine qu'est le CTIFL. Avec les talents que j'ai rencontrés et les initiatives que j'ai vues, je suis confiant : ensemble, nous réussirons à relever les défis de demain et à faire rayonner notre expertise bien au-delà de nos frontières.

Diplômé en Génie mécanique, il finalise sa formation par l'école supérieure de commerce à Paris et un troisième cycle à San Francisco. Il intègre la filière Fruits et Légumes en 1989 au stade de gros en prenant des responsabilités opérationnelles au sein d'une entreprise du groupe CRENO puis au siège de POMONA.

Il reprend une affaire de gros sur le MIN de Bordeaux à qui il donne une dimension multisite en étant présente sur les MIN de Bordeaux, Agen, Toulouse, Rouen et Rungis. Il est également à la tête du Fruitier du Ventoux, une entreprise d'expédition spécialisée en cerise, abricot et raisin de table.