Les certificats d'économies d'énergie, un levier financier pour la filière

Un financement important pour la transition énergétique

Les certificats d'économies d'énergie, un levier financier pour la filière
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Les certificats d'économies d'énergie sont un outil central de la politique de maîtrise de la demande énergétique. Depuis 2006, ils offrent une aide au financement de différents équipements dans le secteur des serres, mais également pour des équipements « multifilières » (production de froid par exemple). Cet article fait le point sur les dernières nouveautés du dispositif.

Publié le 01/03/2025

Temps de lecture estimé : 8 minutes

La consommation énergétique en agriculture

En 2023, les données publiées par le Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires montrent que la consommation finale à usage énergétique à climat corrigé s'élève à 1 549 TWh. Cette consommation est en baisse de 3,2 % par rapport à 2022, année au cours de laquelle les prix de l'énergie étaient élevés et les appels à la sobriété nombreux. En 2023, la consommation finale d'énergie de l'agriculture et de la pêche s'élève à 52,6 TWh, soit 3,4 % de la consommation énergétique totale, le premier secteur étant le transport avec 504 TWh (33 %) suivi par le résidentiel avec 460 TWh (Figure 1). Relativement stable depuis 2004, la consommation finale d'énergie de l'agriculture et de la pêche a baissé de 4 % en 2023 par rapport à 2022. Les énergies utilisées sont dominées par les produits pétroliers (72 %), suivis par l'électricité (15 %), les énergies renouvelables et déchets (9 %, qui ont été multipliés par 3 depuis 2011) et le gaz naturel (4 %). La part de l'agriculture dans la consommation énergétique totale est stable depuis plusieurs années autour de 3 à 4 %.

Figure 1 : Consommation finale énergétique par secteur - année 2023

Dans l'agriculture, le gazole non routier (GNR) est le produit le plus consommé. Il est destiné aux tracteurs et engins mobiles non routiers. L'électricité, le gaz de pétrole liquéfié et le gaz naturel sont utilisés principalement pour les bâtiments d'élevage, les serres et l'irrigation. De manière à accompagner la transition énergétique, quel levier financier mobiliser pour contribuer à la réduction de cette consommation énergétique ?

La stratégie nationale bas carbone

La stratégie nationale bas carbone (SNBC) décrit la feuille de route de la France pour conduire la politique d'atténuation du changement climatique. Elle donne des orientations pour mettre en oeuvre la transition vers une économie bas carbone dans tous les secteurs d'activité. Elle définit des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'échelle de la France à court et à moyen terme. Elle a deux ambitions : atteindre la neutralité carbone, c'est-à-dire zéro émission nette à l'horizon 2050 - objectif introduit par le plan climat de juillet 2017 et inscrit dans la loi - et réduire l'empreinte carbone des Français.

Les réductions de gaz à effet de serre sont définies à court et à moyen terme : plafond de 422 Mt éq.CO2 en moyenne annuelle pour les périodes 2019-2023, plafond de 359 Mt éq.CO2 en moyenne annuelle pour 2024-2028 et 300 Mt éq.CO2 en moyenne annuelle pour 2029-2033 (Figure 2). Le respect de ces budgets carbone doit permettre d'atteindre l'objectif de réduction de 40 % d'émissions de gaz à effet de serre en 2040 par rapport à 1990.

Figure 2 : Évolution des émissions et des puits de GES sur le territoire français entre 1990 et 2050

Le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) est une des mesures qui permet de réduire la consommation énergétique et ainsi de contribuer à atteindre les objectifs définis par la SNBC.

Le dispositif des certificats d'économies d'énergie

Créé par la loi de Programmation du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique, le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) est un outil majeur de la politique de maîtrise de la demande énergétique. Il est encadré par l'article 8 de la directive communautaire 2023/1791 relative à l'efficacité énergétique et régi par les articles L. 221-1 et suivants du code de l'énergie. Il consiste, via un mécanisme de marché, à obliger les fournisseurs d'énergies (TotalEnergies, Engie, EDF...) et les vendeurs de carburants, appelés les « obligés », à soutenir des actions d'économies d'énergie afin d'atteindre un objectif global pluriannuel réparti entre eux en fonction de leur volume de vente auprès des particuliers et des entreprises. Si l'objectif n'est pas atteint, l'obligé doit verser une pénalité par kWh cumac manquant. Les certificats d'économies d'énergie sont valorisés, dans une unité de comptage spécifique, le kilowattheure cumulé actualisé, « cumac » (kWhc), qui correspond à l'économie d'énergie finale que permet l'équipement sur sa durée de vie.

Les opérations d'efficacité énergétique financées peuvent être réalisées par les fournisseurs d'énergie eux-mêmes ou par les consommateurs finaux. Elles peuvent concerner tous les secteurs d'activité qui consomment de l'énergie : logement résidentiel, bâtiment tertiaire, transport, agriculture, industrie et réseaux. Les fournisseurs d'énergie aident les consommateurs à réduire leur consommation d'énergie, soit en les incitant à la réalisation de certains travaux (prime, subvention, etc.) définis dans un catalogue de fiches dites d'opérations standardisées soit par des opérations spécifiques par contribution financière à des programmes d'accompagnement favorisant les économies d'énergie. Il est également à noter que plusieurs pays de l'Union européenne ont des dispositifs équivalents pour respecter leur engagement de réduction de consommation énergétique. C'est le cas de l'Italie, des Pays-Bas, de la Pologne et de l'Espagne.

Depuis 2006, date de la première période, l'obligation pluriannuelle fixée pour chaque période de certificats d'économies d'énergie est constamment revue à la hausse. Elle atteint 3 100 TWhc pour la 5e période en cours, soit 3,6 fois le volume défini de la 3e période (2015-2017) et 57 fois le volume de la 1re période (2006 à 2009), qui avait été défini à 54 TWhc. Les objectifs augmentent car ce dispositif permet de contribuer à la réalisation des objectifs définis par la stratégie nationale bas carbone. Sur la figure 3, les certificats d'économies d'énergie réalisés correspondent aux objectifs définis par période. Sur la 4e période, les volumes réalisés ont même dépassé les objectifs. Le secteur agricole pèse environ 2 % des certificats d'économies d'énergie réalisés et le secteur des fruits et légumes, avec les serres, pèse autour de 90 % des volumes du secteur agricole (Figure 4). Des contrôles sont effectués par le pôle national des certificats d'économies d'énergie (PNCEE), afin de vérifier l'éligibilité des opérations donnant lieu à la délivrance de certificats d'économies d'énergie. En cas de manquements, des sanctions peuvent être prononcées.

Figure 3 : Objectifs des périodes CEE et volumes réalisés sur chaque période

Figure 4 : CEE délivrés (classique et précarité) par secteurs entre le 1er janvier 2022 et le 31 août 2024 pour les opérations standardisées et spécifiques

Les fiches utilisables dans le secteur agricole pour la filière Fruits et Légumes

Les opérations standardisées (fiches) éligibles aux certificats d'économies d'énergie sont établies par deux arrêtés majeurs par an et publiées en juillet et décembre de chaque année. Ce catalogue de fiches est disponible sur le site du Ministère de l'Écologie et sur celui de l'Association technique Énergie Environnement (ATEE) dont le rôle est majeur dans le dispositif des certificats d'économies d'énergie. L'ATEE accompagne et informe les acteurs du dispositif. Elle organise au moins trois webinaires sectoriels par an. Elle engage des études et contribue à la mise à jour du catalogue des fiches d'opérations standardisées avec différents groupes de travail.

Le Club Certificats d'économies d'énergie de l'ATEE est au centre des échanges entre les professionnels du dispositif, réunis dans ses groupes de travail thématiques (transport, industrie, agriculture, réseaux et services, bâtiment) dédiés aux fiches d'opérations standardisées. Il a aussi pour missions d'accompagner et d'informer les acteurs du dispositif pour les aider à comprendre et optimiser la mise en oeuvre selon leurs activités mais aussi de proposer, sur la base de retours d'expériences, des évolutions du dispositif de manière indépendante dans l'intérêt collectif.

L'ATEE pilote donc le groupe de travail Agriculture des certificats d'économies d'énergie, qui travaille sur la révision des fiches actuelles et accompagne les projets de création de nouvelles fiches pour le secteur. Les travaux sur les fiches sont présentés lors des webinaires sectoriels de l'ATEE et des Comités de pilotage CEE de la Direction générale de l'énergie et du climat DGEC. Les acteurs compétents peuvent se joindre aux groupes de travail à tout moment pour formuler leurs propositions. Le groupe Agriculture est présidé par le CTIFL depuis janvier 2023.

Pour qu'une fiche puisse être envisagée, des conditions doivent être réunies :

- la solution doit être mature, ambitieuse en termes de performance énergétique par rapport à la moyenne du marché et proposée par plusieurs fournisseurs ;

- elle génère des économies d'énergie finale et un gisement significatifs ;

- des données robustes, représentatives et référencées doivent justifier les calculs ;

- des acteurs du secteur sont prêts à porter la rédaction de la fiche en tant que porteur du projet.

Pour valider les hypothèses de calcul, cette fiche est ensuite travaillée par l'ATEE avec un groupe d'experts provenant des obligés, des équipementiers, des bureaux d'études, des instituts techniques et/ou des syndicats agricoles. La fiche doit être validée par l'ADEME avant d'être proposée à la DGEC. Lorsque la fiche est validée par la DGEC, elle est ensuite validée par le Conseil Supérieur de l'Énergie (CSE), puis publiée par arrêté (Figure 5).

Figure 5 : Circuit de création d'une fiche standardisée de CEE

Le secteur Agricole comporte actuellement 28 fiches, dont 25 utilisables pour la filière Fruits et Légumes et présentées dans le tableau de la figure 6. Elles sont classées par thématique : thermique, équipement, service, utilités et réseau de chaleur. Les certificats d'économies d'énergie étant un marché, sur cette 5e période, le prix d'achat proposé par les fournisseurs d'énergie évolue de 5,5 à 7,5 € par MWh cumac, ce qui permet de financer les équipements autour de 10 à 30 % de l'investissement. Pour la 5e période, démarrée en janvier 2022 et finissant en novembre 2024, quatre nouvelles fiches sont proposées ainsi que six révisions de fiches existantes - voir l'encadré Forte mobilisation de la profession dès le début de la crise énergétique.

Figure 6 : Fiches d'opérations standardisées disponibles pour le secteur des fruits et légumes

Les sujets des nouvelles fiches sont le simple écran thermique, la double paroi gonflable, la plateforme électrique pour vergers et le déstratificateur pour serre. Les révisions de fiches portent sur le récupérateur de chaleur à condensation, la chaudière à haute performance énergétique, le ballon de stockage Open Buffer, le double écran thermique, les écrans thermiques latéraux, la déshumidification par air extérieur et le déshumidificateur thermodynamique. Il a été évoqué, dans le cadre de nouveaux projets de fiches pour la filière et pour les prochaines années, d'étudier une fiche relative aux compteurs à calories, une pour le calorifugeage des réseaux et une autre pour l'efficience de l'éclairage. Cette année, l'ATEE a également lancé une étude des gisements potentiels dans le secteur agricole - voir l'encadré Étude prospective sur un potentiel de nouvelles fiches en agriculture.

Pour conclure

Depuis la création du dispositif des certificats d'économies d'énergie, la filière Fruits et Légumes, et en particulier le secteur des serres, a fortement mobilisé les certificats d'économies d'énergie pour contribuer au financement d'équipements performants pour réaliser des économies d'énergie. Le dispositif des certificats d'économies d'énergie est un véritable atout contribuant à la transition énergétique.

Forte mobilisation de la profession dès le début de la crise énergétique

Le conflit lancé par la Russie en février 2022 a eu des impacts indéniables sur l'offre et la demande énergétique mondiale, qui a conduit à de fortes augmentations des prix du gaz et de l'électricité. Face à cette crise, les Producteurs de Légumes de France et les représentants des exploitants serristes ont été actifs. Ils ont échangé au sein de l'ATEE et de la DGEC, afin de pouvoir réviser et créer de nouvelles fiches dans le cadre des opérations standardisées des certificats d'économies d'énergie.

Étude prospective sur un potentiel de nouvelles fiches en agriculture

Entre mai et septembre 2024, l'ATEE, l'ADEME et leurs cofinanceurs (Certinergy, EDF, Siplec, Totalenergies) ont mandaté un groupement réunissant Julhiet Sterwen, Enerbioflex et le CETIAT pour identifier les opportunités de certificats d'économies d'énergie dans l'agriculture et dans les industries agroalimentaires. Les objectifs de l'analyse sont de mieux cerner les consommations par usage dans ces secteurs, d'identifier les actions possibles d'efficacité énergétique, d'évaluer leurs gisements et de les interclasser par ordre de mérite économique. Cette priorisation des opportunités doit guider les futures propositions de nouvelles fiches de certificats d'économies d'énergie. Les conclusions de l'étude ont montré qu'en agriculture, une révision de la fiche Séchage AGRI-EQ-110 était à prévoir et deux nouvelles fiches portant sur le solaire thermique et la méthanisation seraient à étudier.

Les données clés à retenir

Les certificats d'économies d'énergie, un levier financier pour la filière - Un financement important pour la transition énergétique

Depuis 2005, les certificats d'économies d'énergie sont largement utilisés par la filière Fruits et Légumes, notamment pour les serres. Bien que l'agriculture représente seulement 2 % des volumes, ce dispositif finance des équipements performants pour réduire la consommation énergétique. Le secteur bénéficie de 24 fiches éligibles portant sur l'isolation, l'efficience énergétique, le stockage et les énergies alternatives. Ces certificats financent entre 10 et 30 % des investissements via les fournisseurs d'énergie et de carburants. Ce dispositif soutient les objectifs de la stratégie nationale bas carbone SNBC. Des systèmes similaires existent dans l'Union européenne. Le niveau d'obligation pluriannuel augmente à chaque période et s'établit, pour la 5e période, à 3 100 TWhc.

Key points

Energy saving certificates, a financial lever for the industry - Important funding for the energy transition