Le projet SOPAM
En France la consommation de plastiques agricoles, principalement de type polyéthylène, augmente régulièrement : +35 % de volume entre 2006 et 2017 [1] ; tandis que leur recyclage est de plus en plus difficile et coûteux. Les paillages biodégradables semblent être une solution alternative intéressante. Un paillage est dit biodégradable dès lors qu'il y a dégradation, par action biologique, des molécules qui le composent en eau, gaz et sous-produits non toxiques pour l'environnement, ou bien par bio-assimilation par les micro-organismes et ce, dans un milieu considéré [2]. Ces paillages sont composés de copolyester d'origine fossile ou végétale, de papier ou de chanvre. Ils répondent à des normes de biodégradabilité et d'écotoxicologie formalisées par la norme NF17033 [3]. Cette norme est le résultat de tests mis en place en conditions contrôlées. Elle présente des données partielles et difficilement transférables aux producteurs en l'état. Par manque de références et par craintes vis-à-vis de la norme, leur démocratisation est lente. Par ailleurs, de nombreuses contraintes sont observées telles qu'un prix élevé, des résidus de paillage retrouvés sur l'épiderme des fruits ou encore la présence de lambeaux de paillage dans le sol ou l'environnement.
Le projet CASDAR SOPAM (2022-2024) vise à répondre à plusieurs interrogations de la filière sur la fiabilité de l'utilisation des paillages biodégradables. Ce projet porte sur cinq cultures : melon, courge, courgette, tomate et salade. Ces cultures sont réparties dans cinq bassins de production que sont la Bretagne, le Centre-Ouest, le Sud-Ouest, le Sud-Est et le Centre-Ouest. Ce projet est porté par le CTIFL et rassemble de nombreux partenaires techniques et scientifiques : CRA Bretagne, CEFEL, Grab, SONITO, Sud Expé, APREL, CPA et Université de Bordeaux. Aux données de ce projet sont ajoutées celles des travaux de l'ACPEL, des travaux financés par les principaux fabricants de paillage. Le projet comporte quatre axes de travail déclinés selon plusieurs objectifs : impacts agronomiques et efficacité des paillages biodégradables en cultures maraîchères, impacts sociaux, impacts environnementaux et impacts économiques.
Impacts agronomiques des paillages biodégradables
Le volet agronomique est le volet le plus attendu par les producteurs. Il vise à fournir des données clés afin de choisir le paillage le plus adapté au système de production. Des essais expérimentaux ont été mis en place en 2022 et 2023 à partir d'un protocole commun. Les données collectées sont compilées afin d'établir, par culture et par an, le niveau de satisfaction des paillages biodégradables étudiés vis-à-vis de différents aspects de production : rendement, pertes, présence de fragments de paillage (paillettes) sur la peau des fruits, pose, dégradation de la partie exposée, dégradation de la partie enterrée, surface occupée par les adventices et enfin dégradation après broyage et enfouissement.
Paillages biodégradables évalués en culture de melon
L'ensemble des paillages testés et leur degré de satisfaction vis-à-vis des aspects de production cités sont synthétisés dans la figure 1.
Résidus de paillage
Des problèmes de résidus de paillage, appelés également paillettes, sont rencontrés en production. Sans nettoyage, la proportion de fruits avec paillettes peut atteindre 90 %. Les mesures de présence de paillettes de l'ensemble des essais sont réalisées sur des melons non nettoyés. Différentes solutions de nettoyage des fruits sont testées : un nettoyage à l'eau sous pr ession est réalisé au CEFEL, dans le Sud-Ouest, et un nettoyage par brossage à Sud Expé, dans le Sud-Est.
En 2022 et 2023, au CEFEL, plusieurs paillages biodégradables sont comparés, avant et après lavage (Figures 2 et 3). Les fruits sont observés avant et après lavage. Ils sont notés ainsi : Niveau 1 - aucune paillette observée ; Niveau 2 - 1 à 5 petites paillettes ; Niveau 3 - une dizaine de petites paillettes ou 2 à 5 grosses paillettes et Niveau 4 - plus d'une vingtaine de petites paillettes ou une dizaine de grosses paillettes ou présence de plaques.
Le lavage a systématiquement réduit les paillettes sur la peau des fruits. En 2022, en présence d'un climat plus sec, il y a moins de paillettes. Le lavage, peu importe le climat, permet d'atteindre les objectifs de satisfaction vis-à-vis des paillettes (75 % de fruits sans paillettes ou 2 à 3 petites paillettes dont 50 % de fruits sans paillettes) pour tous les paillages sauf, en 2023, pour le paillage Barbier transparent.
En 2022, la présence de paillettes de paillages biodégradables avant et après brossage est réalisée à Sud Expé. Le constat est le même qu'au CEFEL : le brossage permet de réduire la présence de paillettes et d'atteindre les objectifs de satisfaction vis-à-vis des paillettes, sauf pour le paillage Europlastic noir 18 µm. En 2023, l'équipe de Sud Expé a comparé différents temps de brossage afin d'évaluer la durée de brossage nécessaire pour réduire au maximum la présence de paillettes. La même notation que celle du CEFEL est utilisée.
L'étude met en évidence qu'une durée de brossage de 1 minute 30 réduit de façon importante la présence de paillettes. Au-delà, il ne semble plus y avoir de réduction de la quantité de paillettes. Actuellement, la durée de brossage réelle est de 40 secondes : il faut donc doubler la durée actuelle pour réduire au maximum la présence de paillettes. Ce doublement est conséquent à l'échelle des volumes de production qui transite via les stations de conditionnement. Ces résultats impliquent la réalisation d'une consultation de la filière sur la faisabilité d'un allongement du temps de brossage à 1 minute 30.
Impact du système d'irrigation et du travail du sol
Pour fiabiliser l'utilisation des paillages biodégradables, différentes solutions d'irrigation et de travail du sol sont testés, sur melon et courgette, pour observer leur influence sur le maintien des paillages en cours de culture, leur dégradation après broyage et enfouissement et enfin le maintien des objectifs de production.
L'eau est le principal facteur de dégradation des paillages puisqu'ils se dégradent principalement autour de la gaine d'irrigation. Pour limiter la durée de contact entre le paillage et l'humidité, deux paramètres peuvent être modifiés : fractionner l'irrigation en deux apports au lieu d'un ou mettre en place un goutte-à-goutte enterré. Concernant le travail du sol, il est possible de ne pas butter la culture de melon. Le buttage expose plus la parcelle au vent qu'une culture réalisée à plat, ce qui peut favoriser une dégradation rapide du paillage en cours de culture. Il est également possible d'effectuer un double travail du sol : améliorer la finesse du travail du sol permet de limiter les déchirures et donc la dégradation du paillage en cours de culture.
Ces modifications de l'itinéraire technique n'ont pas impacté la dégradation de la partie exposée des paillages et aucune adventice ne s'est développée pour l'ensemble des modalités de l'essai. En revanche, le double travail du sol a induit une dégradation plus rapide de la partie enterrée. Les observations faites sur la dégradation du paillage ne semblent pas corrélées à la productivité de la culture, puisque les rendements sont statistiquement similaires à celui de la modalité de référence même si, visuellement, les modalités avec le goutte-à-goutte enterré et l'irrigation fractionnée semblent avoir pénalisé le rendement avec moins de fruits récoltés. Les résultats sont cependant à nuancer en raison d'une forte attaque de mildiou qui a pénalisé le rendement.
Les modifications de l'itinéraire technique n'ont eu aucun impact sur la présence de paillettes sur les fruits ni sur la rapidité de dégradation du paillage après broyage et enfouissement, qui a d'ailleurs été rapide et n'a pas gêné l'implantation de la culture suivante. Dans l'ensemble, les modifications de l'itinéraire technique n'ont pas eu l'impact escompté sur le maintien du paillage en cours de culture ou sur la productivité de la culture.
Le projet SOPAM a étudié des paillages biodégradables composés de papier et de chanvre dont les résultats sont présentés dans l'article Des alternatives aux paillages en plastique à l'étude sur le melon - Paillages biodégradables en cultures maraîchères, publié dans le N° 389 d'INFOS CTIFL [4].
Impacts sociétaux des paillages biodégradables
Perception des paillettes sur fruit
Lors de leur dégradation, les paillages biodégradables ont tendance à laisser des paillettes sur les fruits posés à terre. Cela pénalise la production en augmentant le taux de déchets. Le projet SOPAM a étudié les facteurs qui limitent la présence de ces paillettes. Pour éviter le déclassement des fruits présentant des paillettes, la sensibilisation des consommateurs à leur présence est une solution complémentaire.
En 2022, deux groupes tests de consommateurs sont mis en place pour comprendre et connaître leur perception du fruit taché en spontané puis pour mesurer l'évolution de leur perception après présentation du paillage biodégradable et de son utilité. Une vulgarisation des travaux du projet SOPAM est réalisée via un support de communication adapté.
La perception des fruits tachés par les consommateurs est évaluée selon trois niveaux de présence de paillettes. Le niveau 1 correspond à 2 ou 3 petites paillettes sur fruit ; le niveau 2 à 5 à 10 petites paillettes ou 2 petites plaques et le niveau 3 à de grandes plaques de paillage (Figure 4).
La première étape consiste à laisser les consommateurs découvrir les trois lots de melon sans mise en contexte. Les différences de perception des trois niveaux s'avèrent ne pas être liées à la présence de paillettes sur les fruits : les consommateurs mettent en avant une irrégularité des calibres et un manque d'odeur des fruits, ce qui n'a aucun lien avec la présence de paillettes sur les fruits. Certains consommateurs ont remarqué la présence de paillettes mais uniquement pour le niveau 3 et l'identifient comme des traces de terre. Les melons de ce test proviennent d'un essai SOPAM pour lequel peu de paillettes sont observées, ce qui peut expliquer ces résultats. Pour présenter des fruits avec paillettes, les fruits proposés ont des calibres très hétérogènes, ce qui n'est pas représentatif des fruits présentés en zone de commercialisation.
Pour recentrer les discussions sur la présence de paillettes, les photos de la figure 4 leur sont présentées. Chacun donne une note d'appréciation de 0 (non apprécié) à 10 (très apprécié) pour chaque niveau, sans contexte supplémentaire. Le support de communication est ensuite présenté et leur appréciation de nouveau mesurée : les notes données avant et après sensibilisation sont présentées dans la figure 5.
La sensibilisation améliore la note pour les niveaux 2 (+1 point) et 3 (+1,5 point). Le niveau 1 ayant déjà une bonne appréciation avant mise en contexte, la note n'évolue pas aussi fortement. Malgré la sensibilisation, le niveau 3 n'attire toujours pas les consommateurs. Les essais agronomiques SOPAM montrent que les fruits cultivés sur du paillage biodégradable présentent 80 % à 100 % de fruits sans paillettes ou avec des paillettes de niveau 1, les consommateurs ne rencontreront donc jamais de niveau 3.
Envol de paillages sur les propriétés riveraines et acceptation
Au champ, en post-récolte, la gestion de fin de vie des paillages biodégradables consiste à les broyer puis à les répartir dans la couche travaillée du sol pour permettre aux micro-organismes de les dégrader. Lors du broyage, en cas de fort vent, des envols de paillages peuvent se produire et arriver dans les propriétés des riverains proches de la parcelle travaillée. Cela peut également se produire en cours de culture si le paillage à tendance à se dégrader. Les agriculteurs ont donc tendance à éviter l'utilisation du paillage biodégradable pour ne pas rencontrer ce type de désagrément.
Le témoignage de riverains est recueilli afin de comprendre leurs connaissances sur les paillages et leur ressenti sur l'impact de cette pratique sur leur quotidien. Cette enquête est aussi un moyen de les informer sur les caractéristiques des paillages biodégradables et de leur utilité mais aussi d'observer si cette sensibilisation modifie leur perception de la pratique et l'acceptabilité de la présence potentielle de paillage.
L'enquête est réalisée dans le Sud-Est par un groupe d'étudiantes de l'ISARA, site d'Avignon. 11 maraîchers sont identifiés comme utilisant du paillage biodégradable et ayant des riverains. Ils sont localisés sur deux départements : les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse. 17 riverains sont contactés : 2 enquêtés ont moins de 40 ans, 8 entre 40 et 60 ans, 6 entre 60 et 80 ans et 1 personne a plus de 80 ans. Au total, ils représentent 10 hommes et 7 femmes. Leur répartition socioprofessionnelle est présentée dans la figure 4.
Sur les 17 enquêtés, 14 connaissent la technique du paillage en culture maraîchère, dont 7 ont une idée de leur utilité. À la mention du mot « paillage », les riverains pensent plus au mulch (11 personnes) qu'au paillage plastique (7 personnes). Parmi les enquêtés, seuls 3 connaissent le paillage biodégradable et ont un lien avec le monde agricole (parent ou autre proche agriculteur).
La fréquence des envols observés diffère entre les enquêtés (Figure 6). Au total, 10 enquêtés constatent des envols dans leur jardin. Les riverains qui remarquent la présence d'envols de façon régulière sont proches des parcelles agricoles, à une distance inférieure à 300 m. Pour les envols occasionnels, les distances observées sont de l'ordre de 400 m à 500 m.
La réaction des riverains face à l'envol des paillages dans leur jardin diffère principalement selon les relations qu'ils entretiennent avec le producteur et le monde agricole. 6 enquêtés sur 10 ramassent les fragments. 3 disent ne pas être dérangés et 3 disent être dérangés mais ne souhaitent pas en discuter avec le producteur pour ne pas créer de conflits (1 enquêté) ou parce qu'ils jugent la discussion inutile (1 enquêté) ou pour raison inconnue (1 enquêté). Les riverains (2 enquêtés) qui demandent à l'agriculteur de venir récupérer les fragments sont en contact avec ce dernier et viennent tous du monde agricole (agriculteur lui-même ou fils d'agriculteur). Enfin, les personnes laissant les fragments (2 enquêtés) ont un lien fort avec le monde agricole et connaissent le paillage biodégradable.
À la suite de la sensibilisation réalisée par les étudiantes, l'avis des riverains sur le paillage biodégradable et sur l'intérêt de la sensibilisation est recueilli. 14 enquêtés sont tout à fait favorables au paillage biodégradable et 10 sont intéressés par une démarche de sensibilisation de grande ampleur. 5 riverains se sentent peu concernés par la sensibilisation car leur relation avec le producteur (2 personnes) est bonne, qu'ils n'ont jamais constaté d'envols (1 personne) ou qu'ils sont plus concernés par d'autres problématiques telles que la boue sur la route (1 personne). L'ensemble des enquêtés estime que la sensibilisation doit être réalisée par l'agriculteur soit par contact direct (enquêtés retraités) ou par les réseaux sociaux (enquêtés dans la vie active).
Impacts environnementaux des paillages biodégradables
Analyse du cycle de vie
Les impacts environnementaux sont suivis à travers une analyse du cycle de vie (ACV). Cette analyse compare les paillages biodégradables aux paillages en polyéthylène PE. Elle est réalisée par l'université de Bordeaux. Une étude de désintégration du paillage biodégradable enfoui sur 2 ans est réalisée par l'INRAe.
L'ACV réalisée dans le cadre du projet SOPAM vise à comparer l'impact environnemental du paillage biodégradable par rapport au paillage en polyéthylène (PE). Le but n'est pas d'établir le bilan environnemental des deux types de paillages, mais de comparer leur impact environnemental. Les étapes du cycle de vie considérées dans l'ACV sont l'acquisition des matières premières, la production de la matière (biodégradable/PE), la fabrication du paillage, l'utilisation au champ, l'enfouissement (paillage biodégradable) ou la récupération (paillage PE) et le recyclage (paillage PE).
Concernant l'utilisation au champ, l'ensemble des partenaires du projet a considéré cette étape comme identique entre les paillages biodégradables et PE. La seule différence prise en compte sur l'utilisation au champ est le rendement, généralement plus faible avec le paillage biodégradable. Pour établir le rendement du paillage biodégradable et du paillage PE, les partenaires se sont basés sur une parcelle de référence plutôt que sur une parcelle « moyenne » par souci de représentativité (une ferme « moyenne » ne correspond à aucune ferme, les résultats ne sont donc pas transposables). La parcelle de référence choisie est la parcelle de la station Sud Expé, le sud-est étant le bassin de production le plus important en France métropolitaine. De plus, les essais mis en place fournissent des rendements pour le paillage biodégradable et pour le paillage PE sur une même parcelle, pour le même créneau et les mêmes années.
Les couleurs et les épaisseurs des paillages sont choisies en fonction de leur représentativité chez les producteurs. Il y a donc du paillage PE transparent et fumé d'épaisseur 25 µm et les mêmes couleurs pour les paillages biodégradables mais avec une épaisseur de 15 µm.
La culture choisie pour l'ACV est le melon car c'est la culture la plus étudiée dans le cadre de ce projet. Les critères d'impact de la production du paillage sont les suivants : changement climatique, appauvrissement de la couche d'ozone, matières particulaires, rayonnement ionisant, formation d'ozone chimique, acidification, eutrophisation (eau douce, marine et terrestre), toxicité humaine (cancer et non cancer), écotoxicité en eau douce, occupation des sols, utilisation en eau, utilisation de ressources fossiles et utilisation des ressources minérales et métaux.
Pour 13 des 16 critères d'impacts listés, les paillages biodégradables ont moins d'impact environnemental que les paillages PE (Figure 7). Le paillage biodégradable fumé présente plus d'impacts que le paillage biodégradable transparent alors que, pour le paillage PE, c'est le paillage transparent qui a le plus d'impacts. La gestion de fin de vie des paillages PE transparent et fumé a plus d'impacts que la production de ce même plastique sur l'eutrophisation marine, l'eutrophisation terrestre et l'appauvrissement de la couche d'ozone. Par contre, pour les critères d'impacts changement climatique, particules fines, eutrophisation de l'eau potable, c'est l'inverse : la production du plastique a plus d'impact que la gestion de fin de vie.
Pour les critères acidification, radiations et formation d'ozone chimique, l'impact environnemental est autant dû à la production du film qu'à la gestion de sa fin de vie. Pour les paillages biodégradables fumé et transparent, la gestion de la fin de vie par enfouissement n'a presque aucun impact sur les critères étudiés. Ce sont les étapes de production qui, elles, ont le plus d'impact. Le pourcentage de recyclage du paillage PE a un impact sur sa compétitivité vis-à-vis du paillage biodégradable sur certains critères. Par exemple, un paillage PE recyclé à 100 % a presque le même impact sur l'eutrophisation de l'eau potable qu'un paillage biodégradable. C'est le seul critère pour lequel le paillage PE est compétitif mais uniquement si le recyclage est de 100 % ce qui n'est pas réalisable aujourd'hui.
Désintégration des paillages biodégradables
La norme sur les paillages biodégradables EN 17033 exige que le produit final évalué (norme produit) respecte trois critères en plus du critère de performances mécaniques : une composition avec des teneurs en métaux lourds et en substances toxiques limitées, une écotoxicité dont l'effet sur la faune et la flore présentes dans l'environnement proche est négatif lors de la biodégradation du matériau et une biodégradation à partir d'un matériau minéralisé, c'est-à-dire transformé en CO2 à plus de 90 % en moins de 2 ans en conditions maîtrisées (entre 20 °C et 28 °C).
Pour des raisons pratiques, ce dernier critère est évalué dans des conditions standardisées qui ne sont pas représentatives des conditions réelles de fin de vie des paillages. L'étude de désintégration est mise en place afin de fournir des garanties complémentaires à celles offertes par la norme EN 17033, dans des conditions réelles d'un cycle de culture de melon avec prise en compte de l'exposition du paillage aux UV et aux produits de protection des plantes (PPP). Six modalités sont étudiées : une modalité témoin en kraft ; une modalité « Film B neuf », paillage biodégradable sans exposition au soleil ou aux PPP ; une modalité « Film B melon », paillage biodégradable avec exposition partielle au soleil et aux PPP, provenant de la culture de melon ; une modalité « Film B soleil - zéro phyto », paillage biodégradable avec exposition au soleil, installé à l'écart d'une culture de melon ; une modalité « Film B soleil + phyto », paillage biodégradable avec exposition au soleil et aux PPP sans culture donc sans couverture partielle et une modalité « Film PE melon », paillage polyéthylène avec exposition partielle au soleil et aux PPP, provenant de la culture de melon.
Le paillage biodégradable utilisé est l'Agripolyane fumé 20 µm, choisi pour ses bons résultats dans l'essai Sud Expé de 2022. Après la période d'exposition, des échantillons de films sont enfouis en triple exemplaire par modalité et par date de prélèvement, proche de la parcelle Sud Expé utilisée pour l'exposition. Les morceaux sont enfouis le 26 septembre 2022 et les prélèvements sont faits les 16 décembre 2022, 1er avril 2023, 24 juin 2023, 15 septembre 2023, 11 février 2024 et 15 septembre 2024, soit après 2 ans d'enfouissement.
La figure 8 montre la cinétique de désintégration de chaque modalité. La désintégration est de 25 % au bout de 2 ans d'expérimentation, ce qui est très éloigné des résultats en conditions contrôlées où une désintégration proche de 100 % est attendue. Les conditions climatiques exceptionnellement sèches en 2022 et 2023, même pour le bassin de production sud-est, peuvent expliquer ces résultats. Néanmoins ces chiffres sont préoccupants, d'autant plus que le climat national français a tendance à s'assécher et se réchauffer. Le rayonnement UV accélère la désintégration du paillage après enfouissement, tandis que l'absorption de produits phytosanitaires en culture la ralentit avec une atténuation de l'effet en fin d'expérimentation. Les résultats observés aux dernières notations sont des tendances, il n'y a aucune différence statistique entre les modalités au bout de 2 ans d'expérimentation. Ces résultats ne concernent qu'une parcelle de production, il serait intéressant de l'étudier sur un groupe de parcelles aux conditions pédoclimatiques différentes.
Impacts économiques des paillages biodégradables
Le coût du paillage biodégradable au m2 est généralement deux à trois fois plus élevé que celui d'un paillage PE. Or la gestion de fin de vie du paillage PE devient de plus en plus compliquée. Elle engendre des coûts de nettoyage et/ou de recyclage pouvant rendre le paillage biodégradable compétitif, d'autant plus que la main-d'oeuvre nécessaire pour broyer et enfouir le paillage biodégradable est inférieure à celle nécessaire pour retirer le paillage PE.
L'association Comité de Plasticulture et d'Agroenvironnement (CPA) a comparé l'intérêt économique du paillage biodégradable vis-à-vis du paillage polyéthylène à l'aide de l'outil FiPACom. Ce tableur Excel, élaboré par l'association, compare le coût, à l'échelle de la culture, sur les aspects relatifs aux films utilisés, aux opérations de pose et de dépose et aux opérations logistiques. L'outil FiPACom extrait des données de comparaison entre paillage biodégradable et paillage PE sur le coût en €/ha sur l'ensemble du cycle de culture et sur le temps nécessaire à leur gestion en heures/ha. Il permet également d'intégrer les coûts de recyclage du paillage PE en fonction de son taux de souillure en fin de culture.
Les graphiques de la figure 9 comparent, pour deux contextes pris à titre d'exemple, le coût en €/ha de l'utilisation de paillage PE et de paillage biodégradable. Bien que le prix d'achat du paillage biodégradable soit plus important que celui du paillage PE, le coût de gestion du PE peut être plus élevé en raison principalement du coût de dépose.
Pour conclure
Le choix entre un paillage biodégradable et un paillage en polyéthylène se raisonne en fonction de nombreux critères techniques, économiques et sociétaux. Ce choix reste complexe car il dépend du contexte de l'exploitation et de la culture envisagée. Cependant, le projet SOPAM a permis d'approfondir et de clarifier plusieurs aspects à prendre en compte dans la décision de privilégier ou non l'utilisation de paillages biodégradables dans l'itinéraire cultural. La révision prochaine de la norme EN 17033 permettra aussi de faire évoluer le curseur sur la biodégradabilité de ces produits. Le projet met également en avant la possibilité pour des personnes extérieures au monde agricole de comprendre et d'accepter l'impact d'un changement de pratique sur leur quotidien avec un travail de sensibilisation, bien que les études réalisées soient limitées en durée et en nombre de personnes enquêtées pour confirmer cette observation.
Co-auteurs : Christine Fournier, Maxence Desmul (CTIFL) ; David Bouvard, Jean-Michel Lhote (ACPEL) ; Antoine Dourdan (APREL) ; Madeleine de Turckheim (Sud Expé) ; Catherine Mazollier (GRAB) ; Robert Giovinazzo, Camille Boudot (SONITO) ; Françoise Leix-Henry, Camille Marzorato, Camille Castebrunet (CEFEL) ; Maet Lelan, Louise Astie (CRA Bretagne) ; Elsa Vinuesa (CPA) ; Guido Sonnemann, Takunda Yeukai Chitaka (Université de Bordeaux) ; François Touchaleaume (Toulouse INP) ; Hélène Rouffaud (AIM)
Les données clés à retenir
Trois ans d'étude sur le paillage biodégradable en cultures maraîchères - Projet SOPAM
La majorité des paillages biodégradables du marché a été étudiée : 50 % des paillages toutes cultures confondues ont un rendement brut satisfaisant. Sensibiliser riverains et consommateurs est essentiel pour comprendre l'intérêt de cette technique culturale et réduire la méfiance sur les paillettes présentes sur fruits et l'envol de paillage hors des champs. En conditions réelles, après broyage et enfouissement, les paillages se sont dégradés de 25 % en 2 ans, contre les 100 % attendus dans la norme NF17033. Néanmoins le paillage biodégradable semble plus vertueux que le paillage polyéthylène sur de nombreux critères d'impacts environnementaux. À l'achat, le paillage biodégradable est plus élevé mais le coût global de gestion du paillage polyéthylène peut être plus important en raison des frais de dépose liés au taux de souillure et à la main-d'oeuvre nécessaire.
Key points
Three-year study of biodegradable mulch for market garden crops - The SOPAM project
The majority of biodegradable mulches on the market have been studied: 50% of mulches have a satisfactory gross yield. Raising awareness among local residents and consumers is essential if we are to understand the benefits of this cultivation technique and reduce the suspicion of mulch debris on fruit as well as mulch blowing away from the field. In real-life conditions, after shredding and burial, the mulch degraded by 25% in 2 years, compared with the 100% expected in standard NF17033. Nevertheless, biodegradable mulch appears to be more virtuous than polyethylene mulch in terms of its environmental impact. Biodegradable mulch is more expensive to buy, but the overall cost of managing polyethylene mulch may be higher, due to the cost of removal, which depends on the level of soiling and the manpower required.